Des bribes de réflexion

Publié le 28 Avril 2014

Extraits de Qui a peur de la littérature ado ? d'Annie Rolland, que j'ai relu dernièrement (aucun rapport avec un certain Jean-François Copé, bien sûr...) :

 

  • "La volonté de censurer se confond avec la volonté de protéger. [...] Protéger l'enfant de la peur, c'est le rassurer quand il a peur et non pas lui éviter par anticipation toute confrontation au danger, et, ainsi, l'expérience de la peur. Un enfant qui a expérimenté la peur, dûment accompagné par des adultes rassurants, deviendra un adulte confiant (et non pas crédule !) qui inspirera confiance aux enfants à son tour."

  • "L'adolescence est l'aurore d'un adulte dans le crépuscule d'un enfant, écrivait Victor Hugo."

  • "Les accusations qui visent la littérature de jeunesse ne sont pas recevables en tant que les écrivains et les éditeurs ont déjà fait leur travail d'auto-censure. [...] Le rôle attribué à celles et ceux qui se situent entre le livre et l'adolescent lecteur est en revanche plus délicat. Nous avons retenu de leurs propos que leur préoccupation oscille entre responsabilité et culpabilité. D'où la tentation de considérer les livres comme des objets de prescription qui engage directement leur responsabilité d'adulte vis-à-vis d'enfants. [...] Jeanne Benameur affirme être très attachée au fait qu'un livre puisse être proposé à la lecture et non prescrit : "Un livre, on le veut, on le prend, on n'en veut pas, on le ferme." [...] L'adolescent doit découvrir par et pour lui-même. Si la notion de "prescription" doit être conservée, nous considérons qu'il est nécessaire d'envisager d'en laisser la plus grande part aux adolescents eux-mêmes."

  • "La littérature de jeunesse est adolescente, c'est peut-être à la mesure de cette métaphore que nous pouvons comprendre en quoi elle génère des conflits avec les adultes. Cette littérature est conflictuelle sans le vouloir car elle véhicule les affects refoulés de l'enfance : douleur de la séparation et de la perte, peur de la mort, angoisse d'abandon."

  • "Ce déni [que les êtres humains sont d'abord des êtres de langage] constitue l'origine de la violence des censeurs extrémistes qui n'ont pas compris que si l'adolescence est souvent le théâtre d'une violence de mort, la littérature pour adolescents est une violence de vie."

Maurice Sendak, Max et les maximonstres

 

 

En écho aux propos ci-dessus, un extrait de ceux de Christian Poslaniec dans Des livres d'enfants à la littérature de jeunesse :

 

  • "La remise en cause des valeurs traditionnelles et les revendications de liberté de la jeunesse qui culminent avec le mouvement de Mai 1968 touchent également le domaine des livres pour enfants. Il faut rappeler en effet que le contenu éditorial des ouvrages pour la jeunesse est strictement contrôlé : les lois de 1949 sur la presse enfantine et de 1958 sur l'édition jeunesse interdisent toute publication qui présenterait "sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous les actes qualifiés crimes ou délits de nature à démoraliser l'enfance et la jeunesse." Une censure plus ordinaire s'exerce aussi parfois dans la sélection établie par les bilbiothèques pour constituer leurs fonds. [...] Un regard différent sur l'enfance se dessine qui bientôt va susciter la création de livres moins conventionnels, n'apportant plus des réponses toutes faites, mais qui amèneront l'enfant à se poser des questions sur le monde qui l'entoure. [...] Les médiateurs ne sont pas préparés à cette mutation esthétique et encore moins à la modernité des thèmes traités, tels que l'autorité parentale, la sexualité, la violence, la mort..."

  • Et, pour finir sur une touche plus optimiste : "Désormais reconnue par tous, source d'inspiration pour le théâtre, le cinéma ou les jeux vidéo, la littérature de jeunesse a atteint, en l'espace d'une trentaine d'années, une maturité éclatante."

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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