Publié le 26 Novembre 2013

Le dernier Marie-Aude Murail...

 

 

 

La quatrième de couverture :

 

Chloé, Bastien et Neville ont eu en cinquième une professeure de français qui n'aimait que les livres qui finissent mal. Un soir, elle les a emmenés pour la première fois au théâtre voir une représentation de Dom Juan de Molière. Cette soirée a changé leur vie. C'est décidé, ils seront comédiens !

Six ans plus tard, leur désir de monter sur scène est intact et ils se trouvent au conservatoire d'art dramatique de leur ville. Le professeur le plus réputé, Monsieur Jeanson, les prend tous les trois dans son cours.

Chloé va devoir concilier les cours de théâtre avec le rythme intensif de la classe préparatoire qu'elle vient d'intégrer. Bastien, prêt à tout pour faire rire, pense qu'il suffit de regarder une vidéo de Louis de Funès pour apprendre la tirade d'Harpagon. Le beau et ténébreux Neville a peur de se donner les moyens de son ambition, d'être un autre pour savoir enfin qui il est.

Comment le théâtre va-t-il lier pour toujours la jolie jeune première, le valet de comédie et le héros romantique que Jeanson a su voir en eux ?

 

 

Mon avis :

 

Un joli titre et une chaleureuse couverture pour entrer avec douceur dans une histoire qui sent bon les planches des théâtres. Le roman commence à l'époque où, en classe de 5e, Bastien, Neville et Chloé participent avec ferveur au club théâtre animé par leur professeur de français. Suite à cette expériencce, chacun de leur côté, ils vont cultiver un goût pour les tirades et les didascalies.

 

Devenus étudiants, ils se retrouvent au conservatoire d'art dramatique de leur ville sous la houlette du réputé M. Jeanson. On suit alors leur parcours commun. Malgré leurs grandes différences de caractère, il va naître entre eux une forte amitié, mêlée d'ambiguïté amoureuse. Chloé, élève qui pourrait être modèle, en classe préparatoire, aspire à devenir une Juliette s'offrant à Roméo tout en rougissant à la moindre parole que lui adresse son charismatique professeur. Neville est un jeune torturé, "le ténébreux, le veuf, l'inconsolé" dont les rôles de jeunes premiers écartelés vont lui coller à la peau. Bastien, enfin, est celui qui cherche à cacher ses failles derrière le rire, la légèreté et la nonchalance.

 

Un "nous" narrateur dont on ne sait pas qui en est réellement à l'origine (si ce n'est à la toute fin) nous raconte donc au fil des mois les efforts et les aspirations de chacun, jusqu'au concours d'entrée au Conservatoire de Paris. M. Jeanson mise tout sur Neville, son poulain.

 

Marie-Aude Murail nous donne à lire un roman d'une grande sensibilité, qui rend hommage au théâtre, notamment au travers des citations littéraires qui ornent chaque ouverture de chapitres. Elle met en scène un trio amoureux aux relations complexes, digne de Marivaux. On peut noter aussi des références à différents milieux sociaux qui sonnent juste, sans jugement ni misérabilisme.

 

J'apose cependant certains bémols : sur le dénouement prévisible de la relation à trois alambiquée des personnages. On peut s'approcher du marivaudage mais en prenant garde de ne pas basculer dans l'intempérance. De même, la figure séduisante du professeur : charismatique, inspirant et évidemment mystérieux, tend au cliché... Attention au syndrôme du Cercle des poètes disparus.

 

Ceci dit cela reste une histoire sensible comme on les aime chez Marie-Aude Murail et qui met à l'honneur de la blus belle des façons la beauté de la littérature théâtrale.

 

 

Des extraits :

 

pp. 47-48

"Quand Bastien revint chez lui, après avoir traîné en ville de café en ciné, il trouva l'appartement plongé dans l'obscurité. La seule source de lumière et de vie était le téléviseur du salon. Monsieur et Madame Vion regardaient un film marrant, qu'ils avaient pris en cours de diffusion après leur interminable journée. Monsieur Vion était depuis quelques semaines gérant du Carrefour Market, et sa femme se tenait à l'une des trois caisses. Ils avaient perdu toutes leurs économies, mais ils avaient remonté quelques barreaux de l'échelle sociale et vivaient dans une sorte d'hébétement laborieux. Bastien resta debout derrière eux sans se manifester. Affalés dans leur canapé, ses parents regardaient Jacques Villeret se démener au beau milieu du Dîner de cons. La tristesse saisit Bastien à la gorge sans crier gare. Il la délogea en secouant la tête et partit s'enfermer dans sa chambre. Il ferait rire. C'était sa vocation. Il ferait rire les gens fatigués qui s'affaissent le soir devant leur télé, la zapette à la main.

Le rire consolateur, le rire libérateur, le rire médecin !"

 

pp. 231

"Nous avions encore trois semaines pour nous préparer. Trois semaines à répéter les mêmes mots, à refaire les mêmes gestes. Mais comme disait Jeanson :

- Au théâtre comme en amour, "tu peux m'ouvrir cent fois les bras, c'est toujours la première fois".

 

D'autres extraits ici !

 

 

Murail, Marie-Aude.

3000 façons de dire je t'aime

Ed. L'école des loisirs

2013/266 p.

 

 

 

Les autres romans de Marie-Aude Murail commentés sur le blog :

 

Oh boy !

Maïté coiffure

Ma vie a changé

Papa et maman sont dans un bateau

Le tueur à la cravate

+ Mon écrivain préféré : Marie-Aude Murail

Rédigé par Nota Bene

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Publié le 21 Novembre 2013

Préparations de cours, cours proprement dits, accueil de stagiaires, projets lecture, projets d'éducation à la santé, à l'orientation, prêts et retours incessants de documents, rédactions et lectures de mails, réunions, rédactions d'avertissements dans les carnets (éducation tout court ça s'appelle), visites en librairies, repérage des nouveautés littéraires sur la toile, veille, confection et impression d'affiches pour annoncer les différents événements, gestion, rédaction d'articles sur e-sidoc, corrections de copies, enregistrement des notes, participation parcellaire à l'Adben, formations, tenue du blog... près de 3h de route par jour et accessoirement une vie en dehors du boulot.

 

Notre boulot, en vrac et sans exhaustivité, ça peut ressembler à ça. Et il faut y ajouter un axe non négligeable : la lecture. D'où ma question :

 

QUAND TROUVEZ-VOUS LE TEMPS DE LIRE ?

 

  • Quelles conditions essayez-vous de mettre en oeuvre pour lire ?
  • Combien d'heures par semaine estimez-vous y consacrer en moyenne ?
  • Cela vous satisfait-il ?
  • Comment priorisez-vous vos lectures ?
  • Que lisez-vous et à quelle fréquence ?
  • Cela dépend-t-il des périodes de l'année ?
  • Avez-vous le sentiment que se mêlent les lectures plaisir et les lectures à visée professionnelle sans distinction ou au contraire, les unes comme les autres arborent-elles pour vous des approches différentes ?

 

Publié le 18 Novembre 2013

Je viens de lire/je suis en train de lire :

 

3000 façons de dire je t'aime de Marie-Aude Murail,

Une histoire à vieillir debout de Carole Prieur,

Encore heureux qu'il ait fait beau de Florence Thinard,

Le plus petit baiser jamais recensé de Mathias Malzieu.

 

 

 

Rédigé par Nota Bene

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Publié le 13 Novembre 2013

Les jours se sont transformés en semaines... En effet, ils ne semblent plus s'écouler à la même vitesse ces derniers temps. En attendant d'en retrouver un peu pour bloguer, du temps, voici de quoi vous mettre en appétit.

 

 

Un extrait (pp. 13-14) du dernier Marie-Aude Murail :

 

"Quand Mme Plantié annonça que l'on donnerait un spectacle en fin d'année, un coup de baguette magique nous transporta tous les trois sur la scène du théâtre à l'italienne au moment du salut final. Mais il y avait auparavant quelques formalités à accomplir, comme de trouver une pièce à jouer. Celle-ci devait fournir un rôle à chaque élève et bien sûr, finir mal. Pourquoi madame Plantié choisit-elle Roméo et Juliette ? Peut-être parce que, si les amoureux les plus célèbres de l'histoire du théâtre avaient vécu de nos jours, ils se seraient rencontrés au collège : Quinze ans, ô Roméo, l'âge de Juliette ! Mais notre professeure n'avait pas prévu l'effet que ferait Shakespeare sur des collégiens. Chez les Montaigu, quand on vous invite à dîner, on ne dit pas : "On vous attend pour vingt heures", mais : Tel Mercure, mets tes plumes à tes talons et viens, rapide comme la pensée, à l'heure où Phébé contemple son visage d'argent dans le miroir des eaux. Ce qui embrouille un peu.

Comme ses acteurs s'emmêlaient dans les personnages, madame Plantié eut l'idée de faire porter un tee-shirt rouge aux Capulet et un tee-shirt bleu à leurs ennemis, les Montaigu. Grâce aux exclamations de la prof : "Ici, les bleus ! Mais bougez-vous, les rouges !" les répétitions théâtrales se transformèrent bientôt en entraînement de foot."

 

 

Un deuxième extrait (p. 16) :

 

_ Madame, ça va pas être possible que je fais Juliette. Même Shakespeare, il la traite.

_ Comment ça ? Qu'est-ce que tu racontes ?

_ Mais si, madame, il lui dit "pute toi-même".

Elle tendit sa photocopie : Dieu veuille que tu n'imputes toi-même ma promptiude à la légèreté de mes sentiments. Madame Plantié eut beau rétablir l'innocence du verbe imputer, Ludivine prit un air vexé qu'elle garda jusqu'au jour de la représentation."

 

 

 

Rédigé par Nota Bene

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