Les vacances, douce transition entre les mois d'avril et mai, seront j'espère l'occasion de profiter d'un soleil printanier : un pied sur le sable, l'autre dans l'herbe. En espérant que ce soit aussi l'occasion de faire de belles découvertes littéraires : quelques jolies surprises d'éditeurs devraient arriver dans ma boîte aux lettres et s'ajouter aux derniers livres reçus au lycée.
Bookstagram, contraction de "book" et "Instagram", désigne la communauté littéraire présente sur le réseau social de partage instantané de photos et vidéos. Cet univers majoritairement jeune et féminin (comme celui de booktube) participe à développer la sphère littéraire sur le web.
LES FEEDS DES BOOKSTAGRAMERS : QUE PROPOSENT-ILS ?
Les bookstagramers alimentent leur feed (équivalent du "mur" de Facebook) en postant des clichés de leurs lectures en cours, de leurs coups de cœur livresques, de leurs bibliothèques... Ils tiennent la plupart du temps en parallèle un blog, une chaîne booktube, un compte Facebook ou autre. Ils s'attachent à entretenir une certaine interactivité avec leurs followers. Ils apportent de la valeur à leurs recommandations littéraires grâce à des publications soignées : la mise en scène du livre est ici primordiale.
Le plus : ils contribuent à dynamiser et moderniser les pratiques de lecture. Ainsi, les adolescents notamment s'identifient aux bookstagramers et s'ouvrent à leurs prescriptions. Parler d'un livre en amateur par le biais d'une photo c'est replacer la lecture dans un contexte quotidien qui n'est pas réservé à une élite et livrer une critique littéraire qui n'est pas indigeste (le nombre de caractères étant limité à 2200, mots-dièse compris).
Le moins : on ne peut nier que l'aspect travaillé des photos tout comme les propos tenus sont d'une qualité inégale selon les bookstagramers. En outre, les clichés publiés sont révélateurs d'un certain conformisme, en plus de l'égo-centrisme inérant aux réseaux sociaux. Ongles manucurés, tasse de café, lunettes négligemment apparentes et autres branches fleuries sont légion et satiriquement pointés du doigt dans cet article du Monde : #Bookstagram ou le livre en majesté.
Ceci dit, c'est aussi leur force : livrer leur avis avec passion et permettre à chacun de se retrouver dans un processus de partage voire de sociabilisation grâce à un loisir commun qui peut trop vite souffrir d'une image ringarde et solitaire. La mise en scène qui sublime l'objet qu'est le livre n'empêche pas une sincère envie de partager. Moi qui suis très sensible à la couverture des livres, je comprends ce besoin esthétique. Il convient ensuite de suivre des comptes qui conviennent à notre sensibilité et nos besoins.
LES PRESCRIPTIONS DES BOOKSTAGRAMERS : QUELS ENJEUX POUR LES MÉDIATEURS DU LIVRE ?
Modernisant le loisir qu'est la lecture, ces bookstagramers rassemblent des milliers de spectateurs et intéressent désormais les éditeurs, à qui ils peuvent offrir une certaine visibilité médiatique ainsi que des retours sur la réception des livres par le public. Tout comme avec les blogueurs influents, des partenariats se mettent en place. En effet, les médias sont indispensables pour vendre des livres aujourd'hui et certaines émissions de télévision ou radio ont un impact non négligeable sur les ventes. Pour autant, les cibles visées ne sont pas forcément les mêmes et les comptes des bookstagramers permettent aux éditeurs de s'adresser à un public souvent plus jeune.
Et vous, connaissiez-vous cette tendance ? Suivre certains bookstagramers vous tente-il ?
Avez-vous des comptes à conseiller ? Vous voyez-vous les intégrer à vos pratiques professionnelles ?
La délégation norvégienne d'Hugo Boris : une vraie déception malgré une originalité certaine. L'intrigue se traîne, les descriptions sont trop nombreuses, qui plus est dans un univers forestier et nordique qui ne me parle pas du tout. J'ai peiné à éprouver de l'empathie pour les personnages mis en scène (des chasseurs passionnés). Je me suis accrochée (en sautant des passages, ce que je ne fais que très rarement) pour le plaisir de découvrir la fin originale promise. En effet "le dernier cahier de ce livre n'est pas massicoté. Il ne s'agit pas d'un défaut de fabrication" nous prévient l'éditeur. Malheureusement, à part le geste surprenant et excitant à effectuer en arrivant à la page 265, la chute escomptée n'est pas au rendez-vous. Dommage... car à sa décharge, l'auteur a fait bien mieux depuis !
Ils vécurent philosophes et firent beaucoup d'heureux de Marianne Chaillan : parcouru seulement... et plutôt divertissant ! De Descartes à Socrate en passant par Nietzsche, nombre de philosophes sont mobilisés pour illuminer les dessins animés Disney et nous les faire redécouvrir sous l'angle d'une philosophie abordable. On peut toutefois regretter des chapitres qui font la part belle aux résumés des intrigues et ne poussent finalement pas assez loin les réflexions amorcées.
L'amour après de Marceline Loridan-Ivens : une vraie déception que j'ai du mal à expliquer étant donné la renommée de cette personne. La rescapée des camps de la mort nous livre ici un surprenant récit qui revient sur les années d'après-guerre et les flirts vécus au fil des rencontres. Auto-centrée, inconséquente... sont le genre d'adjectifs qui me viennent à l'esprit pour décrire la personnalité émergeant de ces pages. J'ai abandonné ma lecture à mi-parcours, regrettant cet achat fait pour le lycée. Peut-être suis-je passé à côté du message qui semble pourtant émerger dans certains paragraphes ? Voici un extrait qui semblait prometteur : "On a commencé à sortir ensemble, à s'embrasser, se bécoter, je le laissais faire, de plus en plus pressant, je savais où nous allions, ou plutôt où il fallait aller, ça ne m'intéressait pas, ça me faisait peur, mais bien au-delà de la crainte de la première fois, bien au-delà du risque de tomber enceinte, je fuyais mon propre corps, sa mise à nu, à jamais associée pour moi à l'ordre d'un nazi, à son regard humiliant tandis qu'on nous rasait la tête et le sexe, à son verdict : la mort ou le sursis. Jamais, avant le camp, je ne m'étais déshabillée devant quelqu'un, jamais je n'avais vu le corps de femmes nues, ni celui de ma mère, ni celui de mes soeurs. J'ai découvert le mien en même temps que je l'ai su condamné. J'en ai fait une quantité négligeable. Secondaire. Il fallait juste qu'il tienne, qu'il soit sec et solide. J'ai tout vu de la mort sans rien connaître de l'amour. "
L'intrigue s'installe dans un jardin londonien des années 1920 écrasé par la chaleur estivale. On y découvre Emma, poète, dont le fiancé est parti en expédition il y a plus d'un an en direction de la Norvège. Depuis, elle est sans nouvelle de lui. Avant de partir, Roald lui a confié une mystérieuse enveloppe à n'ouvrir que dans le cas où il lui arriverait malheur. Réfutant cette éventualité, elle décide de tout quitter pour se rendre en Laponie. Apparente histoire d'amour, cette bande dessinée se révèle finalement une quête initiatique : une exploration à la fois géographique et intérieur. Un brin féministe, c'est bien, comme l'affirme le titre, le personnage d'Emma qui est au centre du récit : elle va oser s'affranchir des convenances d'une société patriarcale, devoir se départir de ses illusions et continuer son chemin. La mise en images métaphorique du travail de résilience vers la fin du récit surprend le lecteur mais s'apprécie. Je regrette toutefois une fin floue qui ne se hisse pas à la hauteur des pages précédentes (difficile d'en dire plus sans dévoiler le dénouement). La mise en couleurs délicate confère une douce et sensuelle atmosphère à l'ensemble de la BD. Ce bel écrin aimanté a la particularité de renfermer des fac-similés (une photo, un billet d'embarquement, une lettre) qui ajoute un charme supplémentaire aux illustrations surannées d’Édith. Bien qu'elle ne me marquera pas outre mesure, cette bande dessinée m'aura fait passer un bon moment.
Au programme : vulgarisation scientifique et humour
On ne pouvait pas passer à côté : à force de la voir partout, je me suis finalement laissée tenter et ai ajouté cette fameuse bande dessinée de Marion Montaigne à l'une de mes dernières commandes au lycée. J'ai bien fait ! Je craignais un aspect démagogique mais ici les données encyclopédiques et l'humour (tout comme dans Riche : pourquoi pas toi ?) font très bon ménage. La figure de l'astronaute est descendue de son piédestal tout en ne minimisant pas les compétences et les efforts nécessaires pour en arriver à ce voyage spatial. J'ai pouffé à chaque double-page tout en étant ravie d'apprendre un tas d'éléments intéressants sur le sujet. Une BD qui aura sans doute fait des heureux sous le sapin à Noël dernier. Une lecture que je recommande à tous !