Publié le 29 Janvier 2020

Merci aux éditions Syros

 

pour l'album Boucle Rousse et les 3 ours

accompagné de son CD audio

 

et pour l'épais recueil Le tour du monde des contes

🎶

 

 

Boucle d'Or et les trois ours est un conte que j'adorais étant petite. Dans l'histoire originale, une famille d'ours quitte sa maison pour aller se promener. Une petite fille arrive devant la maison et, poussée par la curiosité, entre. Elle se permet alors de s'installer à table et de manger une partie du repas du trio d'ursidés. Elle va ensuite se coucher. Chaque fois, elle teste les trois types de chaises, soupes et lits à sa disposition et préfère celui du petit ourson. Elle s'endort dans le lit de ce dernier peu avant le retour des habitants de la maison. Les ours découvrent les traces du passage de la fillette et finissent par la retrouver dans le lit du petit ours ! Elle se réveille et s'enfuit, effrayée. En général, le petit lecteur est sous le charme des répétitions de ce conte sériel. Outre la thématique du respect de l'intimité, Bruno Bettelheim a souligné les problématiques relatives à l'enfance abordées dans l’œuvre : la recherche d'une identité et la jalousie fraternelle. Ici, on prend des libertés et on nous offre une version modernisée et pittoresque : la famille ours ne va pas se promener mais manifester contre la disparition des abeilles. Au détour du conte surgit alors un clin d’œil écologique d'actualité. Dans le conte traditionnel, on ne sait pas très bien par quel hasard Boucle d'Or arrive chez les ours. Ici c'est en raison d'une ancestrale et mystérieuse querelle qui sépare les ours et les renards et mue par le désir d'aller à la rencontre de l'autre, en traversant la rivière. Car oui, ici Boucle d'Or n'est pas blonde mais rousse : c'est une renarde, illustrée par Rémi Saillard. Bien que cette version ne convainc pas complètement, les clins d’œil sont amusants et l'écoute de l'histoire avec les accents bretons et italiens des auteures-comédiennes Fabienne Morel et Debora Di Gilio originale.

 

 

 

Dans cet ouvrage sont regroupés d'incroyables versions de quatre contes célèbres : Le lièvre et la tortue, Les musiciens de Brême, Tom Pouce et Les trois petits cochons. De l'Inde au Japon en passant par le Canada et la Roumanie, le recueil de Fabienne Morel et Gilles Bizouerne nous permet de porter un œil neuf sur ces histoires et de constater les particularités culturelles qui empreignent les récits. Au total, on retrouve 18 versions à picorer chaque soir avant de s'endormir à partir de 6 ans environ. J'ai plus particulièrement aimé Le tigre et la grenouille et Le renard et l'escargot. Les illustrations complètent les textes et aident à les rendre vivants. N'hésitez pas à cliquer ci-dessous pour en visualiser un extrait et lire les postfaces.

 

Publié le 28 Janvier 2020

Adaptations cinématographiques : les sorties de ce début d'année 2020

ANVIER

 

  • Les [quatre] filles du docteur March de Louisa May Alcott, adaptation plus ou moins fidèle de ce classique.

 

  • Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part d'Anna Gavalda, un mélodrame tissé par les nouvelles du recueil paru en 1999.
 
 
 
MARS
 
  • Une sirène à Paris de Mathias Malzieu, à la fois comédie romantique et conte pour adultes à l'imaginaire fantasque où se côtoie la Tour Eiffel, une sirène blessée, des parapluies multicolores, une baignoire... dans une savoureuse course contre la montre. Avec notamment Nicolas Duchauvelle et Rossy de Palma.

 

  • Petit pays de Gaël Faye (aussi commenté dans sa version audio), qu'on ne présente plus tellement il est grand ! Dans les années 1990, un petit garçon vit au Burundi avec son père, un entrepreneur français, sa mère rwandaise et sa petite sœur. Il passe son temps à faire les quatre cents coups avec ses copains de classe jusqu'à ce que la guerre civile éclate mettant une fin à l'innocence de son enfance. Avec notamment Jean-Paul Rouve dans le rôle du père.

 

  • [Les aventures de] Pinocchio [: histoire d'un pantin] de Carlo Collodi, l'adaptation du célèbre classique italien, avec notamment Roberto Benigni dans le rôle de Geppetto.

 

 

AVRIL

 

  • Police d'Hugo Boris, un huit-clos sensible et questionnant sur le quotidien des flics, oscillant sans cesse entre l'anecdotique et le tragique. Avec notamment les acteurs Omar Sy et Virginie Efira.

 

 

[DT du 30 janvier 2020 : l'adaptation cinématographique du roman d'Olivier Bourdeaut En attendant Bojangles (qui a déjà été adapté en bande dessinée) vient également d'être annoncée, avec notamment les acteurs Romain Duris et Virginie Efira.]

 

 

 

aquelle de ces adaptations vღus tente ?

 

Publié le 27 Janvier 2020

Merci à la maison Nathan pour le partage de ce roman

 

dont la parution est prévue pour mars 2020

 

 

 

Et ta vie m'appartiendra

En 1831, Honoré Balzac est un jeune écrivain encore peu connu mais ambitieux. Il décide de s’anoblir et de s’attribuer une particule pour publier, sous le nom d’Honoré de Balzac, La Peau de chagrin, roman dans lequel le héros se retrouve en possession d’un talisman - une peau gravée d'une inscription - qui a le pouvoir magique d’exaucer tous ses souhaits en échange de temps de vie. Ce sera un véritable succès de librairie. Le chagrin est synonyme de peine, de tristesse, d'affliction... mais c'est aussi une espèce de cuir préparé avec la peau de la croupe du mulet, de l'âne ou du cheval et utilisée en maroquinerie de luxe et en reliure, qui a tendance à diminuer au fil du temps. Par allusion au roman de Balzac, l'expression "comme une peau de chagrin" s'emploie désormais au sens figuré pour évoquer quelque chose qui se réduit, qui se rétrécit inexorablement, jusqu'à disparaître complètement.

 

Jusqu'ici, je ne faisais pas partie des lecteurs "adultes consentants" de Gaël Aymon, comme il se plaît à les désigner, mais j'ai trouvé l'auteur très agréable lors de son passage à Nantes en septembre dernier et son dernier roman (j'ai lu les épreuves non corrigées) m'a captivé. Dans Et ta vie m'appartiendra Gaël Aymon s'empare du mythe de La peau de chagrin créé par Balzac et fait surgir l'objet diabolique dans la vie d'une héroïne moderne. Loin d'avoir lu le roman initial, j'ai pu découvrir sans attente particulière l'intrigue de Gaël Aymon. C'est d'ailleurs le postulat de départ de considérer que le lecteur ne connaît pas nécessairement le roman original. Dès les premières lignes, Gaël Aymon frappe fort. Une jeune fille, Irina, assiste honteusement à des funérailles et au geste de défi de sa mère : "Elle se râcle la gorge et, de toutes ses forces, envoie un énorme crachat dans la tombe". Banlieusarde déclassée, venant de louper le concours d'entrée à Sciences Po par CEP (Convention Éducation Prioritaire), elle hérite de sa grand-mère d'un objet bien mystérieux : une sorte "de cuir de bête tendu et tanné" sur lequel est gravé une inscription en arabe.

Si tu me possèdes, tu possèderas tout et ta vie m'appartiendra. Tous tes désirs seront accomplis mais, pour chaque vœu réalisé, je décroitrai en même temps que ta vie.

Petit à petit, accompagnée par son amie Halima, Irina va comprendre que cet objet fascinant exerce un certain pouvoir : le moindre - ou presque - de ses désirs peut être exaucé, en échange de quoi du temps de vie lui est retiré. Après l'euphorie de la découverte et l'exaltation luxueuse, les dangers et questionnements se bousculent. Le pacte diabolique ne peut plus être rompu. Retranchées dans une île paradisiaque, Irina et Halima se coupent du monde.

Tout a été progressivement pensé par Irina pour n'avoir rien à souhaiter, jusqu'à s'économiser les gestes les plus anodins. La domestique acquiesce en prenant note mentalement. Halima guide ses deux employées jusqu'au portes verrouillées de l'aile personnelle d'Irina. Elle baisse un peu la voix.
- Lorsque vous serez en présence de Mademoiselle, il est impératif que vous ne la regardiez pas et que vous ne vous adressiez à elle sous aucun prétexte, à moins qu'elle ne vous ait parlé la première. Si elle le fait, ne prenez jamais l'initiative de lui demander comment elle va, si elle est satisfaite, ni, surtout, si elle souhaite ou désire quoi que ce soit. Répondez "Oui, mademoiselle" en veillant à vous soustraire à son champ de vision.

Comme chacun de nos employés, rayez définitivement de votre vocabulaire les verbes vouloir, souhaiter, désirer, avoir envie, et les points d’interrogation.

Un jour, un mystérieux jeune chercheur en littérature spécialiste de Balzac est invité par Irina. Ensemble, ils vont essayer de démêler l'histoire de ce talisman et de ce qui le lie à la famille d'origine polonaise d'Irina. Halima va se retrouver écartée de ce duo et se confier à Erick Debellemanière, le gestionnaire de patrimoine d'Irina qui a toujours été là pour elles. Bien que la première partie intitulée Le talisman ne soit pas la plus saisissante, j'ai été séduite par les deuxième et troisième partie nommées, dans la lignée balzacienne, L'homme sans cœur et L'agonie. Le scénario est bien ficelé, avec deux jeunes héroïnes attachantes. Irina n'est pas si naïve qu'on pourrait le croire et c'est ce qui donne une certaine profondeur à la fin du récit. Le thriller met en abîme l'intrigue balzacienne originale et soulève des questions toujours d'actualité : quel sens donner à sa vie ? La richesse est-elle à ériger en valeur absolue ? Si l'on pouvait formuler un seul vœu, lequel serait-il ? Il me semble que ce roman pourra plaire à des lycéens, exerçant, à l'instar de la peau, une certaine fascination légèrement morbide. Un bémol graphique toutefois : la taille de la police d'écriture manuscrite utilisée pour certains passages (reproductions de lettres ou de notes de journal intime) est insuffisante pour assurer une lecture vraiment confortable. Peut-être que ce petit défaut sera ajusté dans l'édition finale. En bref, mon enthousiasme ne s'est pas réduit à peau de chagrin au fil des pages et c'est sans doute là l'essentiel à dire pour terminer cette critique !

Halima a toujours aimé les histoires. Elle est incapable d'en inventer ou d'en raconter mais elle sait écouter. C'est une auditrice née. Elle peut se laisser emporter par les récits des autres, loin de sa propre vie, juste pour le plaisir des mots. Elle retient les noms, ne s'égare pas dans les digressions et visualise des images si nettes qu'elles lui donnent parfois l'impression de faire partie de sa propre mémoire. En auditrice exigeante, elle pourrait juger que son amie y va fort dans le pathos, que son histoire rassemble trop de clichés misérabilistes pour émouvoir, qu'elle est bancale et peu crédible. Ce qui l'empêche de porter un tel jugement, c'est cette chose bizarre posée devant elles, pour laquelle Irina l'a fait venir chez elle. Elle veut savoir d'où elle vient.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

Partager cet article

Publié le 24 Janvier 2020

 

Les éditions Robert Laffont et le studio de podcasts Nouvelles écoutes se sont associés il y a plusieurs mois pour produire un podcast original intitulé Primo. Il s'agit de 16 épisodes, d’une vingtaine de minutes chacun, permettant de découvrir les dessous de la vie d’un (premier) livre et d’une maison d’édition. Trois primo-romancières sont sélectionnées suite à un appel à manuscrits lancé en octobre 2018. Par la suite, les éditeurs les accompagnent dans la publication de leur premier roman chez Robert Laffont. Commence alors le travail de réécriture, de négociation contractuelle, de mise en page et toutes les autres étapes qui jalonnent la vie d’un livre. L'auditeur est plongé dans les coulisses de l'aventure et suit le parcours plein d'émotions des trois primo-romancières : Alexandra Ughetto, Hélène Verger et Albane Linÿer. C'est avec plaisir que j'ai découvert cette série d’épisodes quelque peu en différé et que je viens d'ajouter les trois romans qui découlent de l'aventure à ma "pile à lire" ! Je vous en parlerai donc probablement bientôt.
 

 

 

La presse en parle :

 

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je veille

Partager cet article

Publié le 23 Janvier 2020

Coup de coeur

 

Amoureux

Ce matin-là... Il y avait tellement d'amour dans l'air, qu'on l'a attrapé. Et rien d'autre n'avait plus d'importance.

J'étais tombée complètement sous le charme de Maman. Le duo Hélène Delforge / Quentin Gréban récidive pour mon plus grand bonheur avec Amoureux. Cet album grand format nécessite de prendre son temps pour en apprécier chaque paillette de texte, d'illustration et de douceur. Chaque page du précédent livre résonnait dans mon ventre de maman ; ici chaque page fait vibrer mon cœur de soupirante. Dès la première page, l'émotion affleure. Les bribes d'histoires sont simples et belles. Les personnages sont intenses, parfaits dans leurs élans passionnés, leurs souvenirs joyeux ou douloureux, leur tendresse parfois maladroite, leur pudeur, leurs balbutiements... La beauté des dessins alliée à la délicatesse et à la justesse des textes font de ce beau livre une pépite d'intelligence sensible. Émotion garantie. Tant qu'il est difficile de trouver les mots pour lui rendre justice. Un tel concentré de manifestations émotionnelles potentielles ne peut être qualifié que de réussite et de coup de cœur.

 

Cliquer pour agrandirCliquer pour agrandir
Cliquer pour agrandirCliquer pour agrandir

Cliquer pour agrandir

Publié le 21 Janvier 2020

Merci aux éditions Audiolib pour le partage de ce roman

 

initialement publié chez Grasset

 

 

 

Jours sans faim

J'ai passé près de 4h, sur plusieurs trajets en voiture, bercée par la voix même de l'auteur, en écoutant Jours sans faim, le premier roman de Delphine de Vigan initialement publié en 2001 sous pseudonyme et qui vient d'être édité en version audio. Le texte intégral sensiblement lu par l'auteur est ensuite suivi d'un bref entretien dans lequel elle revient notamment sur les parts de réalité et de fiction ayant façonnées son récit mais aussi sur la place particulière qu'il détient dans son parcours d'écrivain. Je suis sous le charme de l'écoute de ce premier roman qui présageait de la carrière qui attendait Delphine de Vigan. Son style plutôt dépouillé n'en est que plus percutant. Le roman est écrit à la troisième personne, permettant de raconter la souffrance physique et la détresse avec un style clinique, parfois emprunt de légèreté. Les phrases sont vives et évitent tout apitoiement. Malgré quelques redondances, j'ai adoré suivre le cheminement du personnage de Laure. Une adolescente qui, aux portes de sa vie d'adulte, va mettre son corps à l'épreuve. Tombant dans le gouffre de l'addiction. Devenant accroc à l’anesthésie provoquée par le jeûne. Jusqu'à l'épuisement.

Et puis le froid est entré en elle, inimaginable. Ce froid qui lui disait qu'elle était arrivée au bout et qu'il fallait choisir entre vivre ou mourir.

Laure est devenue anorexique. Laure est devenue "Lanor". Elle ne pèse plus que 36 kg. pour 1m75 et n'arrive même plus à s'assoir sur les os de ses fesses. Elle ne peut plus s'en sortir sans aide. L'histoire de Laure, c'est aussi l'histoire de sa rencontre avec le médecin qui la prend en charge (et dont la prise de contact est un peu mystérieuse, mais passons) et de la relation spécifique qui la lie à lui. Le docteur Brunel* sera le seul capable d'entendre sa souffrance. Le seul capable de retenir la jeune fille. Elle sera le seul à qui elle donnera sa confiance, entière et pudique.

C'était il y a longtemps. Il lui a sauvé la vie. Quand on les écrit, ces mots paraissent boursouflés, mais c'est ainsi. Encore aujourd'hui, malgré ces années passées et ce goût de vivre qu'elle a retrouvé, elle dit ça quand elle en parle: il m'a sauvé la vie.

Hospitalisée au dernier stade de la maladie, elle comprend peu à peu pourquoi elle en est arrivée là. Jours sans faim raconte trois mois d'hôpital, trois mois pour baisser les armes et pour guérir. Trois mois pour se rendre compte de sa maigreur, trois mois pour apprendre à digérer la souffrance mentale plutôt que l'engourdir d'une souffrance physique. Trois mois de sonde gastrique, d'errance dans les couloirs et chambres du service de nutrition, de "suppléments" alimentaires, de "tortue" charriant les plateaux repas, de pesées, d'observation du mal-être des autres, aussi. Mention spéciale aux bouffées oxygénées apportées par le personnage de la dame bleue : elle est si drôle et attach(i)ante ! Son ton chuchotant et sentencieux est très justement interprétée par Delphine de Vigan. L'auteur, dont j'avais déjà lu Rien ne s'oppose à la nuit, exorcise ici son histoire en la réinventant. Son récit apporte un éclairage sur la suite de son œuvre et met en lumière la complexité de la maladie qu'est l'anorexie mentale. C'est beau, instructif et pas du tout larmoyant. Une lecture - ou une écoute - que je conseille ! Vous pouvez justement en découvrir un extrait par ici.

 

 

* Aparté : on en parle de la coïncidence entre le nom du médecin dont Delphine de Vigan estime qu'il lui a sauvé la vie et le nom de son compagnon François Busnel ?