Voici une bande dessinée documentaire proposant une compilation de témoignages de victimes d'addiction à la malbouffe, c'est à dire à de la nourriture de qualité médiocre, produite industriellement et concentrant notamment de fort taux de sucre et de gras. On connaît globalement les effets néfastes d'une consommation excessive de produits alimentaires industriels d'un point de vue diététique. L'obésité, le diabète, l'hypertension sont des exemples de dysfonctionnements sanitaires qui peuvent découler de la consommation de junk food. Mais plus que les compositions alimentaires industrielles ou les stratégies marketing des marques, c'est ici l'aspect addictif de ces produits alimentaires saturés en sucre et en gras que les auteurs Emilie Gleason (autrice de BD, illustratrice) et Arthur Croque (journaliste, scénariste) ont souhaité traiter. Ainsi, le lecteur se retrouve confronté à des personnages souffrant d'anorexie, de boulimie, d'obésité morbide.
Cela commence par l’histoire des trois groupes de rats. Celui à qui on ne donne que des saucisses et du bacon ; celui qui aura droit aux bonbons et aux sodas ; et celui qui ne sera nourri que de cheesecakes. Passée cette introduction scientifique, nous faisons la connaissance de Zazou, jeune étudiante outrée par le résultat du questionnaire de l'organisation Food addicts qu'elle vient de remplir. Elle fait la rencontre de Bambi qui tente de la convaincre d'assister à une réunion organisée par l'association (très spéciale d'ailleurs, dans le genre activisme catholique américain). D'abord réticente, Zazou finit par accepter.
Le graphisme burlesque et très coloré apporte du dynamisme et une certaine légèreté au récit. Les couleurs acidulées nous happent. Pour autant, le style, ébouriffant, est aussi assez vulgaire. Je comprends que les dessins distendus, la personnification de certains aliments et les déformations des personnages sont liés à leur régime alimentaire hors norme et aux corps difforment qu'ils pensent parfois avoir, mais tout cela est tout de même déstabilisant et peu à mon goût. Les bulles ne sont pas toujours bien ordonnées et les prises de paroles souvent familières. Nous ne sommes pas sur le même registre que Marion Montaigne ou Christophe Blain.
Le propos est intéressant mais un peu noyé par la collection de cas particuliers évoqués. De même, on peut s'interroger sur le fait que les victimes de la malbouffe auraient pu l'être de la drogue ou de l'alcool pareillement, leurs troubles du comportement alimentaire étant liés à des difficultés psychologiques. Une particularité de l'addiction à la nourriture semble tout de même être l'adéquation délicate à trouver entre l'irrépressible envie d'engloutir une grande quantité de malbouffe et le besoin de contrôle pour se conformer aux attentes des représentations sociales accrues par la mise en scène sur les réseaux sociaux.
De façon plus générale, le récit invite à nous interroger sur nos pratiques alimentaires. Un questionnaire pour se situer sur ce sujet est d'ailleurs bienvenu. Malheureusement, peu de clés sont données pour nous aider à infléchir nos habitudes de consommation. On aurait pu ainsi évoquer des façons de se faire gustativement plaisir sans y perdre notre santé : remplacer la pizza industrielle par la pizza faite maison, privilégier du fromage blanc citronné plutôt que des sauces industrielles, sucrer un gâteau avec de la banane plutôt que du sucre en poudre, etc. J'ai donc apprécié lire cette bande dessinée mais y appose plusieurs bémols et suis preneuse d'autres références sur ce sujet du mieux manger.