Swing à Berlin
Publié le 19 Décembre 2013
Lu dans le cadre du Prix Chronos 2014 (sélection 4e/3e) :
La quatrième de couverture :
Berlin, 1942. La guerre s'enlise, et les allemands commencent à sentir que l'issue ne sera pas victorieuse. Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, cherche un moyen de remonter le moral de la population. Et quoi de plus joyeux que le jazz ? Mais, considéré comme une "musique dégénérée" ou "musique de nègres", il est interdit par le régime. Le ministre ordonne donc que l'on crée un groupe de "musique de danse accentuée rythmiquement", un jazz qui valoriserait les thèses aryennes.
Le vieux pianiste Wilhelm Dussander est à la retraite depuis que les membres juifs de son groupe ont été arrêtés. S'il estime que la politique n'est pas l'affaire des musiciens, il n'a jamais aimé les nazis. Pourtant, lorque Goebbels le sollicite pour monter le groupe qu'il appelle de ses voeux, Dussander n'a d'autre choix que d'accepter...
Mon avis :
C'est dans une Allemagne engagée dans un conflit mondial que nous introduit cette fiction historique nourrie de faits réels. Nous sommes plus exactement à Berlin, en 1942. Cette période charnière amène Joseph Goebbels, ministre de la propagande, a autoriser la diffusion sur les ondes nationales de "musiques de danse fortement rythmées". Ce jazz qui ne dit pas son nom va alors devoir être joué par un groupe de jeunes musiciens allemands recrutés pour l'occasion. Müller, homme de confiance de Goebbels, charge Dussander, ancien muscien à la retraite, de former ces jeunes afin qu'ils enregistrent un disque et soient prêts pour la tournée. Tant bien que mal, les adolescents si différents les uns des autres vont devoir s'accorder. Ils seront alors aiguillés sur le chemin de l'apprentissage du regard critique, de la tolérance, de la résistance, de la bravoure.
Ce roman a le mérite de nous faire découvrir la Seconde Guerre mondiale sous un angle original, à travers la thématique de l'art dégénéré et le point de vue de civils. Après des premiers chapitres sur le recrutement des adolescents un peu longs, le récit prend son envol dans le dernier tiers de l'ouvrage et se termine sur une scène pleinement symbolique. De même, la révélation (plutôt prévisible pour le lecteur adulte) de la domestique de Dussander sur son évasion d'un camp est percutante. J'ai également apprécié le questionnement de certains personnages sur leurs premiers émois amoureux et leur orientation sexuelle. Peut-être cela aurait-il mérité un approfondissement de l'intrigue du point de vue sentimental, qui pouvait alors faire écho au contexte de persécution dont faisait aussi l'objet les homosexuels à cette époque. Mais peut-être l'auteur a t-il voulu éviter de se disperser. Les différents sujets évoqués ou traités dans le roman font osciller le lecteur entre émotions et réflexion critique. C'est donc un roman que je positionnerais en bonne place pour remporter le Prix Chronos 2014 !
Un extrait de la note de l'auteur :
"Voilà. Toute cette documentation accumulée, annotée, cornée, empilée depuis des mois, fidèle compagne de l'écrivain, béquille, matelas de sécurité, tremplin pour l'imagination... Tout cela va bientôt quitter mon bureau pour aller prendre la poussière sur des étagères. Je vais oublier à peu près quatre-vingt-dix pour cent de ce que j'avais emmaganisé pour les besoins du livre. Il faut faire de la place pour les recherches suivantes. C'est toujours un moment un peu étrange, un peu triste, comme lorsqu'on rentre d'un beau voyage et qu'on range ses affaires."
Lambert, Christophe.
Swing à Berlin
Ed. Bayard jeunesse
Coll. Millézime
2012/274 p.