Une histoire à vieillir debout
Publié le 5 Décembre 2013
Dans la sélection du Prix Chronos 2014 niveau 4e/3e :
La quatrième de couverture :
Et au milieu coule une rivière.
Ce titre de film que j'avais vu affiché en grand.
Ce coup de poing que j'avais reçu.
Je n'ai jamais vu le film,
je ne sais même pas de quoi il parle.
Mais ce titre. Ca me tombe dessus comme une révélation :
Et au milieu de ma vie coule une rivière.
Et au milieu de ma vie me déchire une rivière.
Mon avis :
Ici encore un joli titre qui annonce une certaine tendresse teintée d'humour. Il y est question de grandir et de vieillir. Un jour, Lou est informée de la disparition de son grand-père. Il se serait échappé de la maison de retraite sans en avertir personne. Cette soudaine disparition va pousser Lou à se poser beaucoup de questions : que sait-elle de lui ? Que sait-elle du passé de sa mère ? Que sait-elle d'elle-même ? Ne s'est-elle pas comportée jusqu'ici de façon assez égoïste ? Est-ce la fameuse crise d'adolescence ?
Avec l'aide de Najette, la fille d'une amie de sa mère dont elle ne sait pas grand-chose, elle va à son tour fuguer et arpenter les chemins dans le but de retrouver ce grand-père mais aussi et surtout de se trouver elle-même.
Alternant les narrateurs - Lou et son grand-père - le récit nous plonge dans une découverte de l'Autre et de soi. Le lecteur goûte aux premières fois de l'adolescente éloignée de l'étouffant climat familial tout en prenant conscience qu'il est tout aussi important de respecter ce qui pourrait être les dernières fois d'un grand-père qui se refuse à être parqué dans ce qu'il considère être un mouroir.
Cet un roman touchant pour lequel j'aposerais malheureusement un bémol au sujet du style. Les parties concernant Lou et son amie utilisent quelques facilités narratives. Cependant, les chapitres dévoilant les pensées du grand-père réhausse le tout et la beauté de ses propos est à mon sens ce qu'il faut retenir de ce livre intergénérationnel. La fin est également d'une qualité à nuancer : dévoiler ce que chacun des personnages devient façon happy end aurait dû être évité.
"Parce que choisir est la dernière des libertés", ce grand-père va prendre la fin de sa vie en main et partir dignement à la façon d'un éléphant pour son dernier voyage. Son périple entraînera sa fille et sa petite-fille dans son sillage et permettra de dévoiler les non-dits familiaux. Sans être pour moi un coup de coeur c'est donc un agréable roman qui nous permet de réaliser que parfois "la vieillesse n'est qu'une certaine idée que les autres se font de vous".
Des extraits :
p. 35
"J'ai la mémoire au bord des yeux. Je me demande même comment ceux qui me regardent ne peuvent pas voir ce que je revois. Comme un perpétuel cinéma, là, derrière mes yeux."
p.89
"Ne vous êtes-vous jamais senti puzzle ? Eparpillé. L'impression d'avoir laissé des morceaux de vous accrochés aux endroits où vous avez vécu, accrochés aux âmes que vous avez rencontrées. Celles qui vous ont blessé, cabossé, celles qui vous ont aimé, carressé, celles qui vous ont trahi, menti. Et dans chacun de ces petits bouts d'histoire, vous y êtes. Vous êtes resté intact, surpris, enlisé. Et vous voilà tout éparpillé."
p. 163
"Pour terminer, je voulais vous dire que forcément, on vieillit mais que l'important est de choisir le chemin qui nous fait vieillir debout."
Prieur, Carole.
Une histoire à vieillir debout
Oskar éditeur
2012/162 p.