Le livre de Perle

Publié le 9 Février 2015

Dédicacé au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil en décembre dernier :

 

 

Le livre de Perle

 

 

La quatrième de couverture :

 

Il vient d'un monde lointain auquel le nôtre ne croit plus. Son grand amour l'attend là-bas, il en est sûr. Pris au piège de notre histoire, Joshua Perle aura-t-il assez de temps de toute une vie pour trouver le chemin du retour ?

 

 

Mon avis :

 

Débutée puis laissée de côté au profit d'autres lectures, j'ai pu reprendre la semaine passée ma divagation au travers des pages du dernier roman en date de Timothée de Fombelle : Le Livre de Perle. Paru en novembre dernier, il a été couronné de la Pépite Roman Ado Européen au dernier Salon du livre de Montreuil. Confondant le narrateur avec le héros, j'ai trouvé l'entrée dans l'intrigue difficile malgré un premier chapitre séduisant. Ceci dit, le roman de Timothée de Fombelle porte une certaine exigence de lecture qui diffère des ouvrages que j'ai pu lire dernièrement. C'est finalement une belle et mélancolique impression que me laisse le récit. Un coup de coeur ? Peut-être bien.

 

"Y avait-il à bord un seul être qui ne soit pas prêt à jurer

avoir été un jour amoureux d'une fée ou d'un prince exilé ?

Nous étions tous pareils. Les histoires nous inventent." (p. 285)

 

Il n'est pas aisé de décrire les enchevêtrements de l'intrigue que nous livre Timothée de Fombelle. Dans un lointain royaume, Ilian, jeune prince, vit dans l'ombre de son frère tyrannique. Un beau jour, il tombe éperdument amoureux d'une fée, Olia, qui renoncera à ses pouvoirs afin d'être en mesure de vivre son amour. Condamné à l'exil par son frère jaloux, Ilian se retrouvera tout à coup dans notre monde, quasi-amnésique. Recueilli par un couple de confiseurs, les Perle, il prendra le prénom de leur fils disparu, Joshua, et partira se battre lorsqu'éclatera la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, à la Libération, celui qu'on appelle désormais simplement Perle reprend la boutique et par en quête de tous les objets magiques sur terre, les conservant dans d'innombrables valises, espérant un jour prouver au monde que son royaume existe et sans se douter que sa désirée Olia n'est jamais loin de lui. Dans sa vieillesse, il rencontrera un jeune narrateur qui sera peut-être celui qui l'accompagnera dans sa renaissance et qui écrira Le livre de Perle. Trois vies liées, trois destins enchâssés.

 

Dans ce roman, on trouve le thème du merveilleux et de l'importance de croire au Pays des contes. On est aussi subtilement confronté au thème des différences et de la tolérance avec l'évocation de l'histoire avec un grand H. On est amené à suivre la trajectoire d'un être lancé dans une quête éperdue de l'amour absolu. Enfin, et avec un certain écho autobiographique, on aborde la question de la gestation de l'écriture avec un narrateur qui gardera en lui une histoire de nombreuses années avant de pouvoir la mettre en mots. D'un style poétique, avec de nombreux allers-retours spatio-temporels, le récit oscille tout du long entre réel et fantaisie. Tout comme la citation de J. M. Barrie, l'auteur de Peter Pan, le rappelle à la fin de l'ouvrage : "Chaque fois que quelqu'un dit : "Je ne crois pas aux contes de fées", il y a une petite fée quelque part qui tombe raide morte." Croyez-moi, cette histoire de jeune prince exilé de son royaume, d'écaille de sirène et de guimauve a tout pour vous réenchanter et réssusciter quelques fées. Ce roman est d'une richesse et d'une beauté incroyable et propose une fin superbe que chacun pourra interprétrer selon sa sensibilité comme un dénouement tragique ou comme de merveilleux points de suspension vers un avenir amoureux. Comme l'a écrit Timothée de Fombelle en dédicace : "Il y a forcément une place pour vous entre ces pages. En équilibre fragile entre réel et fééries." Laissez-vous alors tenter.

 

 

★ Pour rappel, de beaux propos sur la littérature jeunesse sont tenus par l'auteur dans une interview accordée à Télérama en 2012 à découvrir ici ainsi que dans une interview accordée à Nathalie Riché sur son blog de l'Express en 2014 à découvrir là

 

 

Quelques citations :

 

  • "Qui pouvait deviner qu'elle avait été une fée ? Elle s'était échappée par la fenêtre de la tour en déchirant ses vêtements pour en faire une corde. Est-ce que les fées descendent ainsi les remparts ? Elle ne portait maintenant qu'une longue chemise blanche qu'elle avait volée plus tard, sur un fil à linge tendu sous la lune. Elle courait sur la sable dans la nuit. La veille, elle avait renoncé à tous ses pouvoirs. Elle ressemblait maintenant à toutes les filles. Un peu plus perdue, un peu plus fiévreuse, un peu plus belle que toutes les filles de son âge. [...] Elle était au bord de l'épuisement. Elle ne savait pas l'heure qu'il était, elle savait juste qu'à minuit tout serait fini. Il serait mort." (incipit, p. 7)

  • "Il est très difficile d'emballer des guimauves. C'est une matière élastique, fuyante, malgré le sucre glace qui devrait l'empêcher de coller, et Jacques Perle avait souvent l'impression de passer ses journées à mettre des nouilles cuites dans du papier de soie. La cliente le regardait faire, les yeux écarquillés. Elle portait un petit chapeau agrémenté d'un noeud sur le côté, un manteau avec un noeud dans le dos, et de gros noeuds sur les souliers. Un foulard de soie était aussi attaché à son sac à main. Autant dire qu'elle s'y connaissait en emballage." (p. 55)

  • "Voilà comment un inconnu tombé du ciel, beau passager de l'orage, entra dans la maison Perle, sans que personne s'en rende vraiment compte." (p. 63)

  • "C'est à cause de la douceur de certains instants dans notre monde qu'il se répèterait toute sa vie que, pour conserver en lui le désir de repartir, il devait garder son chagrin vivant." (p. 140)

  • Il n'avait même pas besoin d'oser la regarder pour sentir à l'intérieur de lui l'horizon qui s'était déplié, deux fois plus large et plus doux." (p. 143)

  • "Elle avait tué sa mère en naissant. Elle avait fait perdre la tête à son père. Et, maintenant, elle assassinait son frère, soulevant son coeur pour mieux le transpercer." (p. 150)

  • "Aucun bruit à côté d'elle. On n'entendait que le grouillement de la nuit aquatique." (p. 152)

  • "Je relis ces lignes que jamais je n'aurais pensé écrire un jour. Des mots traversés par la vie d'une fée. Rien ne me préparait à la familiarité des fées. Je les mettais dans le même panier que toutes ces créatures indéfiniment recyclées dans le grand magasin du merveilleux. L'imaginaire de chacun est pour moi unique et impossible à dupliquer. Une réserve, un sanctuaire intime. Dans chacune de nos têtes, des bestioles étranges, un herbier et de petits peuples, mais je ne supportais pas les fées ou les farfadets qui se promenaient d'une tête à l'autre comme des poux. Pourquoi se laisser imposer des créatures inventées par d'autres ? Mais les histoires nous font changer. Et certaines rencontres nous retournent sur le dos comme des tortues. Elles nous obligent à nous laisser faire." (p. 260)

  • Je ne suis pas rentré vers la maison. J'ai arrêté la voiture dans les collines. En marchant un peu, j'ai trouvé un endroit qui pouvait convenir. Je me souvenais des lettres importantes de ma vie. Je cherchais toujours pendant longtemps le lieu pour les lire, comme si le paysage allait en changer le contenu." (p. 266)

  • "Des heures passèrent, avec des morts et des amours qui flottent sur un lac, avec des sangliers dans la neige, une belette sur des remparts, des amants exilés." (p. 278)

 

La bande-annonce du livre :

 

 

 

Déjà lu du même auteur :

 

 

 

De Fombelle, Timothée.

Le livre de Perle

Ed. Gallimard jeunesse

2014/296 p.

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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