Je suis un dragon

Publié le 28 Septembre 2015

Mon dernier coup de coeur !

 

 couverture

 

 

La quatrième de couverture :

 

"On s'habitue à être surhumain, et très vite on comprend que ce n'est qu'une des multiples façons que la vie a trouvées pour nous dire qu'on est un inadapté."

 

Margot est une jeune orpheline timide et solitaire. Un jour, elle découvre sa véritable nature : elle est douée de capacités extraordinaires. Ces pouvoirs la terrifient, elle les dissimule jusqu'à ce qu'un événement tragique la contraigne à se dévoiler. On lui demande alors de mettre ses dons au service de l'humanité. Sa vie se partage désormais entre son quotidien de jeune fille espiègle et des missions d'une grande violence. Adulée et crainte, elle devient une icône. Mais peut-on sauver le monde si l'on s'y sent étranger ? En s'inspirant de l'univers des superhéros, Martin Page se réapproprie les codes habituels du genre. Captivant, bouleversant, Je suis un dragon est un roman sur la puissance de la fragilité et sur la possibilité de réinventer sans cesse nos vies.

 

 

Mon avis :

 

Au premier abord, je n'étais pas plus emballée que ça par la sobriété de la couverture (on m'a transmis le livre sans sa jaquette) et perplexe au regard du résumé proposé... mais j'ai finalement été conquise par ce roman ! Le début in medias res nous plonge au coeur d'un récit riche de réflexion et d'action. Au-delà d'une histoire de super-héros, c'est un roman d'apprentissage : l'évolution et le combat d'une jeune fille pour s'affirmer en tant que femme libre. Une façon originale d'aborder la difficulté d'avancer vers l'âge adulte en se sentant différent.

 

C'est lors de son sixième anniversaire que Margot va voir ses parents se faire tuer par balles sous ses yeux : "Margot était vivante mais dans ses yeux la mort était entrée" (p. 17). Devenue orpheline, les services sociaux la place dans une famille d'accueil puis dans un foyer pour enfants. Elle arrive tant bien que mal à vivre tout en cachant son intuition : elle est différente des autres. Une fois au collège, un événement dramatique révèle ses capacités surnaturelles : elle ne connaît ni la douleur ni la faiblesse physique et peut même voler. Dès cet instant, elle est pris en charge par les services secrets français et américains qui l'emmènent dans un hôpital militaire puis un "manoir" secret où on lui fait passer de nombreux examens et où on la tient sous haute surveillance. Margot se verra ensuite confier un rôle : être une justicière chargée de défendre les intérêts géopolitiques des nations françaises et américaines. Pour ses quatorze ans, elle devient Dragongirl. Margot enchaînent les missions et devient un symbole. Pourtant, malgré sa carapace invincible elle n'en est pas moins insensible. En grandissant, Margot commence à prendre du recul sur les enjeux politiques et personnels auxquels elle est confrontée. Elle aspire à vivre "normalement" et à comprendre qui étaient ses parents. Entourée du perfide Docteur Poppenfick mais aussi des honnêtes agents Xanadu et Bamberski, Margot tente de se forger des repères et de grandir tout en restant en adéquation avec ses idéaux, jusqu'à devenir une jeune femme libre.

 

 

Margot, à l'instar du lecteur, est confrontée à une importante violence. Pour autant, cet aspect ne m'a pas dérangé car il était réellement au service du récit. L'écriture de Martin Page, que je découvre au travers ce roman, est d'une sensibilité énergique et fluide. Les chapitres sont courts et entretiennent l'action. Certaines scènes sont exceptionnellement marquantes (celle du collège, celle du sang, celle des étoiles avec Sean, celle du laboratoire). La palette des personnages est riche et la mise en scène des rapports humains est juste et profonde. Martin Page ne tombe ni dans la caricature ni dans le misérabilisme, tout en proposant une parodie espiègle des comics et une satire de certaines dérives de notre société. On note en filigrane dans les propos de l'auteur un certain féminisme, une critique des dérives éthiques possibles des expériences scientifiques, une critique de l'hypocrisie des dirigeants politiques, une certaine défense de la cause animale aussi. Ainsi, le lecteur est embarqué sans lourdeurs dans une réflexion sur les différentes formes de monstruosité. Pour ne pas être déçu, il ne faut bien sûr pas s'attendre à ce que l'origine des pouvoirs de Margot soit révélée. Intelligent, insolite, décoiffant, lumineux et sombre à la fois, le roman de Martin Page mérite selon moi le détour et pourquoi pas une adaptation cinématographique. Une très belle surprise que ce roman en tout cas !

 

 

Quelques extraits :

 

  • "Le docteur Poppenfick leva un long morceau de bois. On aurait dit une fine batte de base-ball. Il regarda Margot assise sur sa chaise. Elle portait un large pyjama bleu d'hôpital et des sandales en tissu rouge pâle trop grandes pour ses petits pieds. Le docteur prit son élan et écrasa son arme sur le crâne de la jeune fille. La tête de Margot partit en arrière et le bâton se cassa en deux. La fillette se redressa et se frotta la tempe. Elle sourit d'un air désolé.vLe docteur posa ce qui restait du morceau de bois sur la table en fer au milieu de la pièce. Il évita le regard des hommes et de la femme qui l'encerclaient. Il saisit un sac en tissu noir et en sortit une hache." (incipit, p. 9)

  • "Depuis ce jour, Margot se tenait à distance des groupes, des attroupements et des cris. Rien ne l'effrayait davantage que les bruits soudains, une porte qui claque, un verre qui tombe et se brise. Et, plus que tout, elle haïssait la brutalité. La violence avait tué son père et sa mère, elle blessait les êtres faibles et doux. Les services sociaux s'occupèrent d'elle. Plusieurs mains la conduisirent dans plusieurs bureaux, plusieurs bouches lui dirent qu'il fallait continuer à vivre. Par politesse, Margot accepta. Elle dormit neuf semaines dans un foyer du XVIIIe arrondissement de Paris dont la teinte dominante était le gris. De cette période, elle ne garda que le souvenirs d'avoir longtemps fixé l'ampoule du plafond qui grésillait." (p. 19)

  • "Les profs avaient leurs propres problèmes, ils ignoraient les tragédies de la cour de récréation. Leur intuition leur disait de ne pas s'en mêler. Ils n'étaient pas sûrs d'avoir grandi et ils priaient pour que personne ne s'en aperçoive." (p. 25)

  • "Margot arrivait à un moment où les machines, les ordinateurs et les robots prenaient la place des hommes. Les ordinateurs battaient les meilleurs joueurs d'échecs. Les robots remplaçaient les ouvriers dans les usines et détruisaient de plus en plus d'emplois. Des programmes informatiques empiétaient sur les métiers des classes moyennes. L'intelligence artificielle se rapprochait de la pensée humaine. Margot redorait l'image des êtres humains dont elle était une version sublimée. Elle leur redonnait confiance." (p. 145-146)

  • "La vie versatile et sauvage se fraye toujours un chemin. Personne n'y avait pensé et pourtant c'était l'évidence : Margot tomba amoureuse." (p. 169)

  • "Comme une inédite parthénogénèse, elle avait l'ambition de naître de ses propres sentiments, de ses réflexions et de son histoire." (p. 236)

  • "Et puis, elle avait l'intuition d'avoir d'autres pouvoirs que ceux donnés par la nature. Des pouvoirs qu'elles feraient naître en elle, des pouvoirs qui seraient des apprentissages et des sentiments, dont elle se doterait et dont elle serait fière." (p. 278)

 

 

Plus d'infos sur :

 

 

 

Page, Martin.

Je suis un dragon

Ed. Robert Laffont

2015/277 p.

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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M
J'adore la couverture et je suis sûre qu'elle séduira mes élèves ! Merci pour cette découverte !
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N
Oui c'est vrai qu'avec la jaquette elle est tout de même attrayante !<br /> De rien !