Comme un lundi (carnet de bord assis tout au bord du temps)

Publié le 24 Juin 2019

Comme un lundi (carnet de bord assis tout au bord du temps)

Je regarde les photos sur les murs en buvant à petites gorgées ma vielle compagne la solitude au fond du bol de café. On a avancé. On a pris des coups. On s'en est donné. On sait bien à présent que personne ne s'aime jamais comme il faudrait. Qu'à chaque instant on doit se retrouver. Le jour est bien levé maintenant, sa bataille habituelle commence. J'entends à la radio qu'on vieillit plus vite dans l'espace. OK mais à condition d'y être ensemble. Vieillir, c'est savoir que ça vaut le coup d'essayer.

 

C'est avec un retour sur ma lecture de la prose poétique de Thomas Vinau que je pose à nouveaux quelques mots par ici. Ce sont ses mots à lui qui m'ont permis de reposer progressivement mes yeux sur les lignes d'un livre après une période passée dans ma bulle, à couver une rencontre qui allait me bouleverser. Pendant ma grossesse, j'ai ressenti le besoin de me couper du monde : professionnel, médiatique, littéraire. Au cours du mois de février, j'ai vécu la plus belle et intense nuit de ma vie en mettant au monde ma petite fille. Quelques temps après, j'ai tout doucement ouvert Comme un lundi qui m'attendait sur une étagère depuis plusieurs mois. Comme une remise en route. Comme une nouvelle étape du reste de ma vie.

 

Donnez-moi ce que vous voulez et ce que vous ne voulez plus. Donnez-moi ce que vous pouvez et ce dont vous ne pouvez plus. Donnez-moi ce qui vous encombre. Une datte, un doute, un sourire. Du brouillard, une question, une épine. Donnez-moi ce qu'il vous reste. Je le prendrai.

 

J'ai eu envie de rejoindre Thomas dans son jardin tour à tour baigné de soleil et de pluie. Ou dans sa cuisine au petit matin avec une tasse de thé fumante entre les mains et la lueur de l'aube pointant à travers les carreaux. J'ai eu envie de discuter des nuages, du beau temps, des insectes du jardin, des enfants, de la vie et de la mort. J'ai eu envie de me recentrer avec lui sur l'essentiel. D'éloigner les journées moroses, pleine d'une routine amère. D'éloigner les nuits fades ou pesantes. J'ai eu le cœur illuminé de sagesse, de bonheurs simples et de moments suspendus.

 

Il en faut du talent pour ne pas se rater, pour ne pas s'effacer et pour ne pas se perdre. Même tout près. Surtout tout près. Dans les sentiers merdeux des matins de semaine, des soirs qui vont trop vite, des nuits qui sont trop courtes. Dans cette forêt à peine profonde, cette aventure sans âpreté, sans ours, sans indiens, au territoire cannibale du quotidien. Parfois les ruades nous sauvent.

Aux enfants on dit fais ça comme un grand. Disons-nous la même chose à chaque instant.

 

De la trivialité Thomas fait affleurer une sensible poésie, sachant regarder et consigner ce qui se joue dans les interstices du quotidien : le sourire d'un enfant, les fleurs bleues de la robe de sa compagne, le chuchotement du vent sous les arbres, l'odeur du tilleul, le froid de la pierre du perron sous ses fesses, le pouvoir de consoler un bébé, la lumière du jour sur l'herbe du jardin...

 

Je voudrais juste en garder quelque chose. Quelque chose de vivant. Autre chose que la conscience que j'en ai. Autre chose que la peur de le perdre. C'est la raison pour laquelle j'écris ces mots. Ce n'est pas de la littérature. C'est de l'amour. J'écris comme on ferme les yeux en embrassant quelqu'un.

 

 

Un livre dans lequel piocher au hasard des pages de quoi s'appliquer du baume au cœur.

 

 

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis un peu de poésie

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