Jours sans faim

Publié le 21 Janvier 2020

Merci aux éditions Audiolib pour le partage de ce roman

 

initialement publié chez Grasset

 

 

 

Jours sans faim

J'ai passé près de 4h, sur plusieurs trajets en voiture, bercée par la voix même de l'auteur, en écoutant Jours sans faim, le premier roman de Delphine de Vigan initialement publié en 2001 sous pseudonyme et qui vient d'être édité en version audio. Le texte intégral sensiblement lu par l'auteur est ensuite suivi d'un bref entretien dans lequel elle revient notamment sur les parts de réalité et de fiction ayant façonnées son récit mais aussi sur la place particulière qu'il détient dans son parcours d'écrivain. Je suis sous le charme de l'écoute de ce premier roman qui présageait de la carrière qui attendait Delphine de Vigan. Son style plutôt dépouillé n'en est que plus percutant. Le roman est écrit à la troisième personne, permettant de raconter la souffrance physique et la détresse avec un style clinique, parfois emprunt de légèreté. Les phrases sont vives et évitent tout apitoiement. Malgré quelques redondances, j'ai adoré suivre le cheminement du personnage de Laure. Une adolescente qui, aux portes de sa vie d'adulte, va mettre son corps à l'épreuve. Tombant dans le gouffre de l'addiction. Devenant accroc à l’anesthésie provoquée par le jeûne. Jusqu'à l'épuisement.

Et puis le froid est entré en elle, inimaginable. Ce froid qui lui disait qu'elle était arrivée au bout et qu'il fallait choisir entre vivre ou mourir.

Laure est devenue anorexique. Laure est devenue "Lanor". Elle ne pèse plus que 36 kg. pour 1m75 et n'arrive même plus à s'assoir sur les os de ses fesses. Elle ne peut plus s'en sortir sans aide. L'histoire de Laure, c'est aussi l'histoire de sa rencontre avec le médecin qui la prend en charge (et dont la prise de contact est un peu mystérieuse, mais passons) et de la relation spécifique qui la lie à lui. Le docteur Brunel* sera le seul capable d'entendre sa souffrance. Le seul capable de retenir la jeune fille. Elle sera le seul à qui elle donnera sa confiance, entière et pudique.

C'était il y a longtemps. Il lui a sauvé la vie. Quand on les écrit, ces mots paraissent boursouflés, mais c'est ainsi. Encore aujourd'hui, malgré ces années passées et ce goût de vivre qu'elle a retrouvé, elle dit ça quand elle en parle: il m'a sauvé la vie.

Hospitalisée au dernier stade de la maladie, elle comprend peu à peu pourquoi elle en est arrivée là. Jours sans faim raconte trois mois d'hôpital, trois mois pour baisser les armes et pour guérir. Trois mois pour se rendre compte de sa maigreur, trois mois pour apprendre à digérer la souffrance mentale plutôt que l'engourdir d'une souffrance physique. Trois mois de sonde gastrique, d'errance dans les couloirs et chambres du service de nutrition, de "suppléments" alimentaires, de "tortue" charriant les plateaux repas, de pesées, d'observation du mal-être des autres, aussi. Mention spéciale aux bouffées oxygénées apportées par le personnage de la dame bleue : elle est si drôle et attach(i)ante ! Son ton chuchotant et sentencieux est très justement interprétée par Delphine de Vigan. L'auteur, dont j'avais déjà lu Rien ne s'oppose à la nuit, exorcise ici son histoire en la réinventant. Son récit apporte un éclairage sur la suite de son œuvre et met en lumière la complexité de la maladie qu'est l'anorexie mentale. C'est beau, instructif et pas du tout larmoyant. Une lecture - ou une écoute - que je conseille ! Vous pouvez justement en découvrir un extrait par ici.

 

 

* Aparté : on en parle de la coïncidence entre le nom du médecin dont Delphine de Vigan estime qu'il lui a sauvé la vie et le nom de son compagnon François Busnel ?

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis avec mes oreilles

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