Ma vie sans gravité

Publié le 18 Décembre 2023

Ma vie sans gravité

Après avoir fait un tour Dans la combi de Thomas Pesquet (bande dessinée de Marion Montaigne paru en 2017), j'ai ouvert avec curiosité l'autobiographie officielle d'une des personnalités préférées des Français. Thomas Pesquet y raconte son parcours époustouflant et y brille de simplicité et de modestie. Après un chapitre introductif captivant sur les dernières heures avant son premier envol pour l'espace en 2016, le deuxième chapitre reprend les choses à leur commencement : son enfance.

 

 

Il nous présente son contexte familial et distille de tendres et amusantes anecdotes. Son enfance et son adolescence en Normandie auprès de ses parents enseignants et de son frère (de quelques mois son aîné) sont notamment baignées par des facilités scolaires, une tendance à la maniaquerie (au sens d'un goût un peu excessif pour le rangement), une attirance pour le métier de pilote de chasse, une ouverture à la musique et une passion pour le basketball. On apprend par exemple que, lycéen, Thomas a disputé un match départemental avec Tony Parker ! Ses années d'étudiant et ses premiers pas dans la vie active (prépa, école d'ingé, boulot au CNES, brevet de pilote, carrière chez Air France...) sont ensuite longuement racontées, en parallèle de son histoire avec sa compagne Anne, qui a connu des séparations et des retrouvailles. Thomas évoque à plusieurs reprises les doutes et les craintes de sa mère et de sa compagne tout au long de son parcours d'ingénieur, de pilote de ligne puis d'astronaute. Il nous détaille les nombreux mois de procédure de recrutement suite à l'appel à candidature de l'ESA puis les coulisses de l'école des astronautes.

 

Enfin, il nous fait partager le frisson du décollage, son quotidien à bord de l'ISS et l'émerveillement de découvrir, flottant dans le vide intersidéral, notre planète si fragile. Son autobiographie a parfois des allures de roman d'aventures. Il fait à plusieurs reprises référence au film Gravity. Son parcours est totalement impressionnant. Il a suivi des milliers d'heures de cours et d'entraînements divers dans des domaines de pointe. Pourtant, en étant raconté pas à pas et avec une constante autodérision, le récit est à la portée de tous. Il ne semble pas avoir la langue de bois et évoque, avec retenue tout de même, le poids de certains éléments diplomatiques (la part du financement de l'exploration spatiale de l'Europe, l'élection de Donald Trump, les relations entre la Russie et les autres nations...) et les effets des différentes cultures nationales sur l'ingénierie et les relations interpersonnelles (les comparaisons entre la culture libérale de SpaceX et son expérience de Baïkonour sont savoureuses). Après un premier séjour sur l'ISS en 2016, il s'envole de nouveau en 2021.

 

Entre les deux, il mesure sa nouvelle notoriété. Il nous explique d'ailleurs la mission de communication qu'il s'est lui-même assignée dès le départ dans une volonté première de défendre, justifier et promouvoir le financement de l'exploration spatiale longtemps décriée en France puis avec le désir de donner à voir la fragilité et la beauté de notre planète afin de nous faire prendre conscience de l'importance de la préserver. Réseaux sociaux, bande dessinée, films documentaires sont de son initiative. Ses objectifs ont été atteints au-delà de ses espérances et c'est aussi avec un "trop-plein" de sollicitations que lui et sa compagne doivent maintenant composer, en plus des sacrifices personnels qu'engendre une carrière aéronautique. Thomas n'oublie jamais (il en fait d'ailleurs peut-être un peu trop ; elle en devient agaçante...) de préciser qu'elle n'a "pas besoin de lui" et qu'elle honore également un parcours professionnel brillant. On peut noter un peu d'abus de points de suspension et de parenthèses dans son récit mais on lui pardonne tant il est parfait par ailleurs et sait vulgariser les éléments techniques et scientifiques de son aventure. On cerne mieux grâce à lui les types d'expériences scientifiques qui sont menées à bord de l'ISS et leurs retombées possibles pour les progrès notamment écologiques et médicaux.

 

Bref, on referme ce livre en étant encore plus admiratif des efforts fournis par Thomas et séduit par sa droiture et sa sympathie. On verse une larme à la lecture des remerciements. On rêve avec lui du programme Artemis (successeur d'Apollo), pour lequel il pourrait repartir en mission d'ici à 2030, et même de la possibilité qu'un jour des hommes se rendent sur Mars.

 

 

🚀

 

- Tu dois appeler tes parents, Thomas.
Elle a raison, même si je ne suis pas sûr qu'ils aient encore cette affaire en tête. Ma mère a dû s'arranger pour oublier.
- Allô, c'est moi. Il faut que je vous parle.
- Tom, on arrive à notre cours de danse. On te rappelle en rentrant.
(Mes parents pratiquent la danse de salon, la chorale, et mille autres activités, ce qui fait que depuis qu'ils sont à la retraite, ils sont injoignables.)
- J'ai juste un truc à vous annoncer.
- Un truc à nous annoncer... ?
- Je vais devenir astronaute... (peut-être pas ce qu'ils attendaient).

À contempler l’horizon d’en bas, on a systématiquement l’impression qu’il y aura toujours quelque chose au-delà : après l’océan, encore de l’océan. Que la Terre est trop vaste pour que nous l’abîmions vraiment.
De l’ISS, je vois une boule qui est la finitude en soi. Ça a beau être grand, c’est quand même fini, contenu.
D’où le parallèle qui m’est venu très tôt : quelle différence entre la Terre et la Station spatiale, toutes deux lancées dans le vide inhospitalier de l’espace ? Aucune. Nous séjournons avec des gens que nous n’avons pas forcément choisis, avec des ressources limitées à utiliser avec parcimonie, sur un vaisseau dont il faut prendre soin si on veut qu’il vole encore longtemps…

Si les carrières sont variées, nous [les astronautes] sommes tous un peu scientifiques, techniciens, opérationnels à tendance rationnelle, organisée et hiérarchique !

[...] Je suis allé sur l'ISS pour la même raison : elle était là et c'est ce qu'il y avait de plus lointain. Mais si la possibilité d'aller encore plus loin se concrétise demain... comment y renoncer ?

J'ai rencontré tant de professeurs, d'éducateurs, d'enseignants qu'il est impossible de tous les citer ici et je le regrette, car chacun m'a appris quelque chose. Certains m'ont fourni des outils pour cheminer dans la vie dont je me sers encore chaque jour ; d'une certaine manière, tous m'ont accompagné dans l'espace. [...] Il n'y a pas, à mon sens, de plus beau métier que celui de transmettre la connaissance, car elle peut changer une vie à elle seule. Elle a en tout cas changé la mienne, année après année, heure de cours après heure de cours, page après page. Je mesure la chance que j'ai d'avoir grandi ici et maintenant : les opportunités qui furent les miennes doivent beaucoup aux institutions de la République.

Ma vie sans gravité

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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