Jenna Fox, pour toujours
Publié le 14 Juin 2011
La quatrième de couverture :
"J'étais quelqu"un avant. Quelqu'un qui s'appelait Jenna Fox." Ainsi reprend la vie de Jenna, 17 ans, amnésique, après un an passé dans le coma. Tant bien que mal, sous la houlette de ses parents, la jeune fille réapprend à être celle qu'elle a toujours été, une enfant adorée, vénérée. Pourtant très vite, Jenna comprend qu'elle est bien plus que les faits et statistiques qu'on lui fait avaler. Plus que les vidéos qu'on lui fait regarder. Et avec les souvenirs apparaissent des questions, auxquelles personne ne veut répondre... Identité et éthique scientifique sont au coeur de ce roman d'anticipation qui, une révélation après l'autre, devient un thriller haletant...
Mon avis :
Voici une lecture plus qu'agréable dans laquelle je ne regrette pas de m'être plongée ! On suit dans ce roman le parcours de Jenna, une adolescente de 17 ans se réveillant d'un coma d'un peu plus d'un an. La façon - que l'on devine plus ou moins dès le début du roman - dont Jenna est miraculeusement sortie du coma sans séquelles importantes ne constitue pas la chute du récit. Elle est en effet révélée au milieu du roman (p. 120) et est matière à réflexion pour la suite. Nous progressons vers l'élucidation complète du mystère aux côtés de l'héroïne. Entourée par ses parents, sa mamie, ses amis et voisins, elle cherche à se (re)construire et à se souvenirs de son passé partiellement oublié tout en commencant une nouvelle vie. Ses parents ont en effet déménager de Boston où Jenna a toujours vécu et la jeune fille se retrouve dans un environnement inconnu, étrangement coupée du monde.
Entre réflexion sur l'éthique scientifique et thriller, ce roman de science-fiction tient son lecteur en haleine. Il aborde le thème de la quête d'identité propre à l'adolescence mais aussi le thème de la bioéthique : jusqu'où peut-on aller pour sauver une vie ? Qu'elle est la frontière entre naturel et artificiel ? Comment se définit un être humain ? Il est également question au fil des pages d'écologie (question des OGM) et de santé publique (question des antibiotiques). J'ai trouvé pertinente cette façon d'ancrer la réflexion dans notre présent. Le style est simple et fluide mais utilise ponctuellement un vocabulaire d'une certaine richesse et d'une certaine précision. On peut ainsi relever des mots tels que : question rhétorique, iniquité, purgatoire, dague... sans compter quelques termes médicaux.
La couverture dévoile son mystère au fil des pages... et nous amène à un véritable questionnement éthique. Futuriste mais basé sur l'aube de véritables réflexions biomédicales, ce roman est pour moi un coup de coeur !
Des extraits (en espérant ne pas trop en dévoiler) :
- "L'accident a eu lieu il y a plus d'un an. Cela fait deux semaines que je suis réveillée. Une année s'est envolée. J'avais seize ans, j'en ai dix-sept. Pour la deuxième fois, une femme a été élue présidente. On a découvert une douzième planète dans le système solaire. Le dernier ours polaire est mort. Autant de gros titre qui n'ont pas réussi à me secouer. J'ai dormi pendant tout ce temps." (p. 12)
- "C'est de la faute de Claire. J'en suis certaine. Tout est de la faute de Claire. Pourquoi gémit-elle ainsi ? Elle s'est mise à pleurer quand j'ai laissé tomber la tasse. j'avais envie de la frapper. C'est de moi qu'il s'agit, bon sang. De moi. Mais il doit s'agir d'elle aussi, vu la manière dont elle a réagi. Comme si le moindre de mes défauts lui appartenait. Peut-être que je lui appartient, un point c'est tout." (p. 73)
- "N'est-ce pas ce qui fait la vie ? Des morceaux. Des lambeaux. Des moments. Suis-je moins parce que j'en possède moins ? Ou ceux que je possède sont-ils plus importants ?" (p. 89)
- "Ils ont instaurés un système de points. A chaque être est attribué un maximum de cent points. Tiens, prends mes membres, par exemple. La technologie qui permet de faire fonctionner les prothèses a une valeur faible : seize points au total. Mais un coeur, à lui tout seul, vaut déjà trente-cinq points. Si on y ajoute des poumons et des reins, on atteint quatre-vingt-quinze points. - C'est un peu simpliste, non ? - Peut-être. Mais au moins, c'est juste. Si riche ou important soit-on, on est à égalité avec les autres. Tout le monde est dans le même bateau. Et les ressources médicales et les coûts sont ainsi maîtrisés." (p. 106)
- "Ethan se connaît mieux qu'il ne le souhaiterait, et je me connais moins que je ne le désirerais. Deux passés, noir et terrible pour lui, blanc et vide pour moi." (p. 115)
- "L'identité, est-ce être différent des autres, ou être assimilé aux autres ?" (p. 203)
- "Tout le monde doit mourir un jour ou l'autre, dis-je. Papa saisit alors la bouteille de vin et la tient devant la bougie afin de voir combien il en reste. Il la vide ensuite moitié dans son verre et moitié dans celui de maman. Puis, tranquillement, il avale une gorgée. Plus maintenant, répond-il." (p. 219)
- "Ecoute-moi, Jenna. Il y a plusieurs sortes de loi. Certaines sont inscrites dans des livres, et d'autres sont inscrites ici. Il désigne sa poitrine. Dane est peut-être légal d'un point de vue bureaucratique, mais pas du point de vue de la loi du coeur. Mais comment devient-on légal de ce point de vue ?" (p. 236)
- "Je ne veux plus être votre miracle. Je ne peux plus être votre miracle. J'ai besoin de peser le même poids que n'importe qui sur cette planète. J'ai besoin d'être comme tout le monde." (p. 250)
- "J'ai compris que la foi et la science sont les deux revers de la même médaille, séparés par une épaisseur infime, mais suffisante pour qu'elles ne puissent pas se voir l'une l'autre." (p. 278)
Plus d'infos sur :
E. Pearson, Mary.
Jenna Fox, pour toujours
Ed. Les Grandes Personnes
2010/281 p.