Le monde dans la main
Publié le 19 Octobre 2011
Suite à ma lecture enthousiaste de Tout doit disparaître et à l'avis non moins enthousiaste de plusieurs libraires et blogueuses, je me suis plongée dans le dernier roman de Mikaël Ollivier.
La quatrième de couverture :
"Dans la vie de Pierre, adolescent timide et sans histoire, tout semble normal et lisse. Il partage son temps entre le lycée et le conservatoire, et entretient une correspondance assidue avec sa soeur partie de la maison. Un samedi après-midi, après des courses chez Ikéa, sa mère leur tourne le dos, à lui et à son père. Elle disparaît, sans rien dire. Quelques heures plus tard, elle envoie un sms : "Ne vous inquiétez pas pour moi. Je n'en peux plus, c'est tout." Après le choc, la peur et de vaines recherches policières, la vie s'organise autour de cette absence inexplicable. Les repères s'écroulent. Le vernis se fendille et dans cette famille où l'on parlait peu, les langues se délient soudain, révélant des secrets et des drames insoupçonnés. La violence de ce bouleversement transforme le jeune homme réservé, lui apprenant à se débarrasser de ses peurs et de son excessive sagesse."
Mon avis :
Tout commence effectivement par un après-midi chez Ikéa. L'enseigne inspire des réflexions à la fois drôles et piquantes au narrateur, donnant le ton au roman. Pourtant, très vite, le choc de la désertion maternelle appelle une certaine distance mélancolique.
"En cette fin d'après-midi, sur le parking luisant d'Ikéa, c'est comme si elle ne se rendait pas compte qu'il pleuvait." (p. 22)
Nous sommes alors plongés dans les jours, les semaines et les mois pendant lesquels Pierre et son père vont devoir apprendre à vivre avec un vide. Au-delà même du problème de la fuite de sa mère, dont on ne connaîtra jamais vraiment les tenants et les aboutissants, le lecteur est amené à suivre l'évolution de Pierre et ses tourments adolescents.
"L'euphorie ne durait jamais longtemps, chez moi, aussitôt étouffée par un sentiment qui m'était bien plus familier : la culpabilité. J'en étais le champion toutes catégories, double médaillé olympique, maillot jaune à vie. Pourquoi j'étais comme ça, à me faire du souci pour tout et à la place des autres, à avoir une boule dans le ventre à la moindre occasion, à me sentir coupable d'un tas de trucs qui dépassaient de loin ma petite vie de lycéen ? Tout petit j'étais pareil, à me rendre malade si je ne faisais pas ce qu'on attendait de moi, à ne pas savoir m'amuser, à paniquer dès qu'il s'agissait de s'écarter des rails de l'habitude." (p. 67)
On découvre aussi en même temps que Pierre des secrets ou anecdotes familiales savoureuses et touchantes. Cela donne d'ailleurs envie d'en connaître plus sur sa propre famille.
"- Pierre, quand je serai vieux, vraiment vieux, et que tu seras un homme, un père peut-être, avec des responsabilités, des soucis, une vie à toi dont je ne saurai rien, n'oublie pas qui j'ai été. N'oublie pas, même si je n'ai plus toute ma tête, même si j'ai rapetissé, que je suis tout tassé et que je pue le vieux, n'oublie pas que j'ai été ton père, que j'ai mené ma vie, essayé de guider le début de la tienne. Que j'ai été un homme."
Je n'ai pas su quoi répondre et ce n'est que plus tard que j'ai compris qu'il avait bu et qu'il était sans doute ému, remué par sa visite à mamie. Ce n'était pas agréable de m'imaginer à l'âge de mon père et lui à celui de ma grand-mère." (p. 180)
C'est un livre drôle (mention spéciale au personnage de Bonne-maman), sensible et tendre. Un bonheur à vivre un mercredi après-midi bien au chaud sur son canapé.
"J'ai terminé ma cannette, qui avait réchauffé et s'était éventée. Le Coca, c'est comme Ikéa, ce n'est drôle qu'au début." (p. 105)
On peut relever au passage un hommage à un certain auteur de littérature jeunesse... :
"- Et si maman était passée dans une autre dimension ? Dans une réalité parallèle ?
- T'es sérieuse ?
- Non. Mais ça me fait penser à Ewilan.
La Quête d'Ewilan, une série de romans que ma soeur avait adorée, il y a quelques années, et qu'elle m'avait fait lire. C'était écrit par Pierre Bottero. Je me souvenais encore du tout début du premier tome [...]" (p. 113)
Le titre et la première de couverture révèlent leur magnifique signification en fin de roman au détour de deux passages des plus émouvants (mais à vous de les lire dans leur contexte pour les comprendre...) :
"Je ne sais pas combien de temps durera ma vie, combien de 6 décembre je traverserai encore." (p. 255)
"C'était le monde entier que je tenais dans la main." (p. 266)
Mais c'est encore lui qui en parle le mieux !
Plus d'infos sur :
Ollivier, Mikaël.
Le monde dans la main
Ed. Thierry Magnier
2011/278 p.