Ma vie a changé
Publié le 18 Février 2010
C'est une référence de la littérature jeunesse dont la découverte m'a enchantée l'été dernier grâce à Oh, boy ! et Maïté coiffure. Je continue donc (dans la mesure du possible) sur ma lancée des Marie-Aude Murail.
La quatrième de couverture :
Si votre appartement sent inexplicablement le muguet, et éventuellement la violette, et que cette odeur vous submerge pour disparaître totalement l'instant d'après. Si chez vous des objets changent de place mystérieusement. Si vous ne pouvez en accuser personne. Si vous découvrez sur votre bureau ou dans votre chambre des objets qui ne vous ont jamais appartenu. Si le voisin du dessous vient vous voir et vous explique qu'il a perdu son elfe. Si vous êtes déprimé(e). Si vous pensez que la raison vous quitte. Alors, que vous croyiez ou non aux choses de l'au-delà, vous pouvez être certain(e) que votre vie va changer.
Mon avis :
Comme toujours, des personnages attachants avec ici une touche de fantastique. Cela ne manque pas de charme. Pourtant, je dirais qu'il n'est peut-être pas à la hauteur des précédents (de ceux que j'ai pu lire, j'entends). On a du mal à cerner le fameux elfe baptisé Timothée... mais au moins on évite un certain manichéisme. Peut-être aussi que j'attendais beaucoup du personnage principal... une certaine documentaliste !
Focus sur Madeleine Bouquet :
La quarantaine, laissée pour compte par son mari, avec un jeune ado à élever (Constantin, élève en 5e 4) et un chien nommé Beetlejuice. Elle est "sur terre ce que l'on peut faire de plus incrédule". Elle ajoute même : "Moi, après 6h de boulot dans mon CDI, quand je me retrouve piégée dans un bouchon, boulevard du Président-Wilson, il vaut mieux ne pas me demander si je crois au Père Noël."
C'est en effet une documentaliste de collège, dont on sait qu'elle anime un club lecture et un club journal. Elle a une "stagiaire" qui travaille avec elle au CDI... vu les évocations qui sont faites d'elle, on imagine plutôt une pauvre fille qui ne peut être placée nulle part d'autre que dans un CDI, là où elle n'embêtera personne... sauf la documentaliste. Ainsi, par exemple, elle demande au détour d'une page "Documentaire c'est pareil que Poésie ?". Elle a aussi un proviseur, qui préférerait qu'elle remplisse les rayonnages de Hugo et de Balzac plutôt que de Roald Dahl et de Moka (tiens, tiens...) et qui lui envoie l'inspecteur histoire (d'essayer) de faire respecter sa loi.
Par-dessus tout ça, va s'ajouter dans sa vie un nouvel ingrédient : un élémental de l'air. Un quoi ?! Un elfe, en fait. Il leur apparaît suite à un rituel magique : "Dans un bruit de papier à bonbon, une aile se déplia - merveille de transparence, légèrement veinée de bleu."
Un extrait :
"Et que me voulait M. Bertrand, le nouveau proviseur ? La semaine précédente, il avait visité mon CDI en se raclant la gorge comme s'il avait avalé dix chats. Quand je lui avais parlé d'un branchement sur Internet, il avait seulement fait : "Pfeu !" comme s'il essayait de cracher l'un de ses chats.
- Ah, madame Bouquet !
(Parce qu'en plus, je m'appelle Bouquet. Madeleine Bouquet.)
- Asseyez-vous, pfeu, crachota le proviseur.
La vérité m'apparut enfin : M. Bertrand était ravagé de tics.
- J'ai quelques observations à vous faire sur votre CDI. Qu'est-ce que c'est Roald Dahl et, pfeu, Moka ? Où avez-vous mis Hugo et Balzac ?
- C'est à dire que les élèves, nos élèves, lisent peu, expliquai-je avec une certaine assurance. Les classiques les découragent. Il les étudient déjà en classe. Alors, vous comprenez...
- Non.
Nos regards se heurtèrent puis je détournai les yeux. L'aggressivité des gens me met tout de suite aux abois.
- On vient au CDI pour trouver une lecture plaisir, repris-je en tentant de garder une voix ferme. J'ai quelques classiques en série, Les Fourberies de Scapin, par exemple. Mais pour la lecture individuelle, je préfère la littérature de jeunesse qui est plus...
- Moderne ? me coupa le proviseur. Soyons dans le coup ! Mais, madame Bouquet, nous avons un devoir vis-à-vis des jeunes, pfeu, générations. Nous sommes les Gardiens de la Culture. En ferons-nous des Barbares de ces jeunes qui nous sont confiés ?
- Non, sûrement pas, balbutiai-je, ne comprenant pas trop bien comment Internet et Gripari nous menaient tout droit à la Barbarie.
- Savez-vous, madame Bouquet, qu'avec ce genre de démagogie, nous faisons de nos élèves des amateurs de ce genre de...
Il avait ouvert son tiroir et, d'un geste sec, il posa un livre sur son bureau.
- ... de saletés ? Oui, j'ose le dire : de saletés.
C'était L'Homme au hachoir. [...]"
[pp. 20-22]