Publié le 27 Février 2025
Dans ce roman graphique est retracée l'histoire d'un procès qui fera date et ouvrira la voix à la promulgation de la loi Veil légalisant l'avortement. L'album s'ouvre sur l'arrestation, en 1972, d'une jeune homme, puis celle de Marie-Claire Chevalier (16 ans) et sa mère Michèle, accusées sur dénonciation dudit jeune homme d'avoir procédé à un avortement clandestin. L'avortement est encore, à cette époque pas si lointaine, un délit passible d'une très forte amende et même d'une incarcération. La triste banalité de cette affaire va pourtant marquer un tournant dans l'histoire féministe grâce au concours de Gisèle Halimi, avocate féministe et antiraciste, et de l'association dont elle fait partie, soutenue par des actrices, intellectuelles, journalistes et personnalités politiques françaises (cf. Le manifeste des 343). Elle s'empare de l'histoire de Marie-Claire et de sa mère pour créer un électrochoc médiatique. Elle se met dans la posture, non pas de défendre une jeune femme (et ses "complices" faiseuses d'anges) coupable d'avortement mais d'attaquer les lois et politiques anti-abortives qui sévissent en France, dans le but de créer une jurisprudence.
Ce roman graphique, développé avec force et réalisme par Marie Bardiaux-Vaïente, revient sur le contexte et le déroulé du procès de façon poignante, en véritable plaidoyer pour la liberté et l'émancipation. J'ai notamment appris que Marie-Claire était tombée enceinte suite à un viol et dénoncée par le violeur lui-même et aussi que Gisèle Halimi était déjà dans une démarche militante avant ce procès. J'ai noté qu'un des arguments majeurs de Gisèle Halimi était la dimension économique : la possibilité hypocrite des riches de se rendre à l'étranger pour avorter alors que des familles modestes ne le pouvaient pas. J'ai apprécié que les hommes ne soient pas tous mis dans le même sac et que le juge fasse preuve d'une certaine empathie. Carole Maurel (dont j'ai déjà lu la BD Collaboration horizontale) magnifie la narration par un graphisme aux accents vintage mais pas caricaturaux, faisant évoluer le lecteur dans des tonalités ocres, et s'appuyant sur un trait plutôt classique mais expressif. Bobigny 1972 est assurément un album à lire et faire lire, s'inscrivant dans un militantisme qui, encore aujourd'hui, semble nécessaire. Les mots de Simone de Beauvoir placés en exergue du livre le rappelle : "𝒩'𝑜𝓊𝒷𝓁𝒾𝑒𝓏 𝒿𝒶𝓂𝒶𝒾𝓈 𝓆𝓊'𝒾𝓁 𝓈𝓊𝒻𝒻𝒾𝓇𝒶 𝒹'𝓊𝓃𝑒 𝒸𝓇𝒾𝓈𝑒 𝓅𝑜𝓁𝒾𝓉𝒾𝓆𝓊𝑒, é𝒸𝑜𝓃𝑜𝓂𝒾𝓆𝓊𝑒 𝑜𝓊 𝓇𝑒𝓁𝒾𝑔𝒾𝑒𝓊𝓈𝑒 𝓅𝑜𝓊𝓇 𝓆𝓊𝑒 𝓁𝑒𝓈 𝒹𝓇𝑜𝒾𝓉𝓈 𝒹𝑒𝓈 𝒻𝑒𝓂𝓂𝑒𝓈 𝓈𝑜𝒾𝑒𝓃𝓉 𝓇𝑒𝓂𝒾𝓈 𝑒𝓃 𝓆𝓊𝑒𝓈𝓉𝒾𝑜𝓃. 𝒞𝑒𝓈 𝒹𝓇𝑜𝒾𝓉𝓈 𝓃𝑒 𝓈𝑜𝓃𝓉 𝒿𝒶𝓂𝒶𝒾𝓈 𝒶𝒸𝓆𝓊𝒾𝓈. 𝒱𝑜𝓊𝓈 𝒹𝑒𝓋𝓇𝑒𝓏 𝓇𝑒𝓈𝓉𝑒𝓇 𝓋𝒾𝑔𝒾𝓁𝒶𝓃𝓉𝑒𝓈 𝓋𝑜𝓉𝓇𝑒 𝓋𝒾𝑒 𝒹𝓊𝓇𝒶𝓃𝓉."
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