Publié le 24 Février 2020

In waves

Épais roman graphique américain sélectionné au dernier Festival d’Angoulême, In waves est le récit d'un amateur de surf vivant une histoire d'amour endeuillée. Dans cet album de plus de 400 pages, AJ Dungo raconte l'histoire du surf à travers deux grandes figures emblématiques de l'art de la glisse : Duke Kahanamoku, le père hawaïen du surf moderne, et Tom Blake, père de la "hollow board" grâce à laquelle le surf s'est démocratisé. En parallèle, AJ Dungo raconte une autre histoire, la sienne et celle de son amour pour Kristen, rencontrée à l'adolescence et perdue à la suite d'un âpre combat contre un cancer. Jeune sportive aimant pratiquer le basketball et le surf, Kristen subira d'abord l'amputation d'une de ses jambes. Pour autant, son combat est raconté avec pudeur, dignité et aussi une certaine sérénité. Le dessin est épuré et les visages des personnages sont absents ou peu expressifs, reflétant justement la pudeur du récit. Les parties autobiographiques en bichromie bleue, couleur de l'océan et de la tristesse, alternent avec les séquences sur l'histoire du surf, dans les tons bruns. J'ai aimé apprendre quelques éléments de culture hawaïenne et d'histoire du surf. J'ai apprécié la lenteur et le calme se dégageant des planches. On y glisse en se laissant porté par le découpage du scénario et parfois un peu balloté par la houle des émotions de cette histoire d'amour entre AJ et Kristen à la fois banalement belle et singulièrement tragique.

 

La perte d’un être cher et la façon dont on traverse le deuil, en surfant comme on peut la crête d’une grosse vague. Tantôt au-dessus de l’écume, tantôt envahi et fracassé par le poids de l’eau.

 

Je vous invite pour terminer ma chronique à découvrir quelques planches et une interview-vidéo de l'auteur sur le site de l'éditeur Casterman.

 

Publié le 20 Février 2020

Les adultes ne font jamais ça

Merci aux éditions Hélium pour le partage de cet album

 

qui sort en librairie cette semaine

 

 

 

 

Cet album signé par Davide Cali - dont je connaissais déjà le superbe L'ennemi - et Benjamin Chaud permet aux enfants comme aux adultes de relativiser les injonctions comportementales. Et oui, aux adultes aussi il arrive de ne pas être irréprochables ! Ils peuvent être scotchés à leur téléphone, manquer de sens de l'orientation, être espiègles, tricheurs, égoïstes... Mon loulou de 4 ans a beaucoup aimé l'idée de l'album, une fois l'ironie explicitée, et s'est prêté avec plaisir au jeu du commentaire du dialogue texte-image. L'expressivité des personnages est savoureuse. Un album plein de malice à partager entre petits et grands.

Les adultes ne font jamais ça

Publié le 13 Février 2020

L'élégance des veuves

Un joli et court roman à l'atmosphère surannée, qui parle des femmes de la bourgeoisie du XXe siècle : des mères dévouées, des veuves éplorées. Une saga familiale racontée de façon linéaire, au rythme des faire-parts de mariage, de naissance et de décès. Une écriture classique, élégante, parfois sensuelle et toujours respectueuse, au service du récit de quatre générations de femmes. Valentine l'aïeule, Mathilde sa belle-fille et Gabrielle la cousine, et dans une moindre mesure Clothilde (la fille de Gabrielle) et enfin l'arrière-petite-fille de Valentine dont nous ne saurons pas grand chose mais que nous verrons emprunter l'intemporel chemin de la vie amoureuse et familiale. Au cours de ce XXe siècle, tout change : les paysages, les technologies, les mœurs... mais cela transparaît très peu dans le roman. S'en est d'ailleurs un peu étonnant. Une chose demeure : le désir opiniâtre de donner la vie, de transmettre puis de tirer sa révérence. Les femmes aiment ou apprennent à aimer - car à cette époque les mariages ne sont pas tous des mariages d'amour - enfantent, parfois trop, et assistent impuissantes et dignes à la mort de ceux qu'elles aiment, enfants ou maris. Elles meurent bien souvent "en couches" ou dans la solitude de la vieillesse. On ne peut que poser un regard admiratif sur leur abnégation à elles et sur l'élégante écriture de celle qui porte leurs voix. Seul bémol, l'absence totale de revendication, d'ouverture à autre chose qu'une vie rangée dans le mariage et la maternité, même dans l'évocation de la dernière génération. Mais assurément un joli texte qui parle de "secrets de chair, de sang, et d'enfants".

 

Et vous, l'avez-vous lu ?

Avez-vu son adaptation sur grand écran ?

 

En une année, celle de ses vingt ans, elle fut fiancée officiellement, mariée religieusement, installée bourgeoisement, ardemment fécondée et douloureusement accouchée : la vie de Valentine commençait à être ce qu’elle se devait d’être.

Alors Mathilde se déploya comme une corolle, peu à peu s'enflamma, fut une liane autour du corps d'Henri. Il prit garde à elle comme jamais il ne l'avait fait pour une autre. Il était ébloui, et presque surpris par sa beauté. (car jamais il ne s’était représenté ce corps, ni même qu'elle en avait un.) Il l'a senti s'ouvrir sous lui, devenir son amante, son havre, son désir, ses longs bras de jeune fille lisse l'entourant puis se dépliant loin de lui, en un geste alterné d’accueil, de capture et de délassement. Et après ce don, après cette manière douce de se goûter, après cela qu'elle n'avait jamais connu, jamais imaginé, jamais craint, elle s'endormit comme une enfant, elle la jeune fille la moins convenue et la plus éclatante de vitalité.

Mathilde mis au monde le premier de ses enfants. En une nuit elle découvrit la douleur violente. Elle connut l'envie de hurler, le temps où se domine cette envie, celui où l'on s'y abandonne. Elle souffrit l'épuisement, cette manière inhabituelle qu'à la tête de vous tourner, la conscience de s'estomper dans un brouillard. Elle sut la délivrance, toute l'eau et le sang qu'elle avait dans le corps, et comment elle était capable de fabriquer au dedans d'elle figure humaine. Au terme de cette naissance, elle sentit qu'elle était née aussi.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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Publié le 12 Février 2020

Merci à Grasset pour le partage de ce roman

 

qui vient de paraître

 

 

 

 

 

Pour Hugo Boris, l'année 2020 s'annonce belle. Elle sera ponctuée de la promotion de son nouveau livre Le courage des autres dont il est question ici et de l'adaptation sur grand écran de son roman Police. Je suis flattée qu'Hugo Boris ait suggéré à son éditeur l'envoi de ce dernier-né et les en remercie.

 

Dans cet herbier de feuilles de notes amassées au fil des années et des allées et venues dans le métro parisien, Hugo Boris nous fait part de son questionnement sur le courage et la lâcheté. Il se raconte à la fois acteur et spectateur lambda d'une palette de comportements et de réactions observés dans des moments suspendus du quotidien. Il peint le portrait de héros anonymes et porte à travers eux un regard à la fois critique et empathique sur la société et sur lui-même. Car tout commence par le récit de sa lâcheté à lui. Jeune homme tout juste ceinture noire de judo, fier comme un paon, il baissera pourtant les yeux et se sentira figé sur sa chaise à la première altercation venue dans le RER. Honnête, il nous fait part de son sentiment de nullité, sa résignation. Il tentera de conjurer sa peur en guettant le courage des autres sous toutes ses formes : celui de dire, de faire. Puis, au fil du temps et des événements, à force de constats amers et d'éclaircies, il remplumera quelque peu son estime de lui-même en même temps que sa foi dans l'humanité. De la vieille dame qui évoque sa déportation un jour de canicule au jeune homme qui va désamorcer une situation d'agression grâce à un sacré toupet humoristique, en passant par celui qui se lèvera et fera son coming out face aux insultes d'un ivrogne, Hugo Boris évoque les non événements du quotidien et se demande si le courage est contagieux. Un récit original, sincère et délicat.

 

Quinze ans que je consigne dans le métro en quelques lignes, sur le vif, les cadeaux du hasard, le ravissement d'une scène, d'une rencontre, le saisissement d'un mot lu ou entendu. Quinze ans que j'herborise dans les transports en commun. [...] L'herbier pointe du doigt mon état de sidération pathologique devant la violence et ma tentative de la mettre immédiatement à distance par l'écriture.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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Publié le 7 Février 2020

Une maman c'est comme une maison

Voici un album qui a pointé le bout de son nez en septembre dernier et que je prends enfin le temps de présenter. C'est une petite merveille de sensibilité. Ce genre de livre qui semble avoir été conçu dans l'unique but de vriller le cœur des jeunes mamans. À la manière d'une comptine, de courtes phrases égrènent les comparaisons : une maman c'est comme un véhicule, un nid, un médicament, une fontaine... Au fil des pages et des situations quotidiennes, un bébé grandit. Du ventre de sa maman aux premiers pas, on le voit évoluer sous l’œil bienveillant et protecteur de ses parents. Car le papa est très souvent représenté, dans une posture aidante pour la maman. Ici pas de stéréotypes genrés : maman bricole et papa nettoie les vitres. C'est tour à tour drôle (une maman c'est pratique pour s'abriter de la pluie), émouvant (une maman c'est comme une lune dans la nuit, un médicament quand on est malade) et poétique (une maman est belle comme un tableau ou un paysage). Jouant avec les subtilités du rapport texte/image et les double-sens langagiers, l'album est riche de détails à intégrer. Sans être complètement séduite par les couleurs très vitaminées utilisées par Aurore Petit, je suis admirative de ses compositions. Par ailleurs, le papier mat et épais utilisé est de belle qualité. De l'auteur, j'avais déjà présenté Allez, zou ! publié chez Sarbacane. Doux comme un bonbon, Une maman c'est comme une maison permet de prendre conscience des petits et grands bonheurs quotidiens que l'on vit pendant la première année de son enfant. Pour moi qui fête le premier anniversaire de ma petite puce ce mois-ci, les pages en sont d'autant plus émouvantes à feuilleter. J'ai été maman maison, maman fontaine (comprenez allaitante), et je suis encore maman lune qui se lève au beau milieu de la nuit pour apaiser, maman spectacle qui mime les comptines, maman refuge, miroir, moteur, ogresse... a naissance d'un enfant mais aussi la naissance d'une mère : voilà ce que raconte Aurore Petit dans ce concentré d'amur.

Album édité par Les fourmis rouges. Plus de photos à retrouver sur Instagram !
Album édité par Les fourmis rouges. Plus de photos à retrouver sur Instagram !

Album édité par Les fourmis rouges. Plus de photos à retrouver sur Instagram !

Publié le 6 Février 2020

De nouvelles parutions arrivent dans ma boîte aux lettres et dans celle du lycée. Sans compter les passages en librairie et médiathèque. En vrac, quelques titres qui me font de l’œil et se retrouvent ou devraient se retrouver bientôt sur ma table de nuit ou le rebord de mon canapé :

 

  • Les adultes ne font jamais ça de Benjamin Chaud et Davide Cali (album)
  • Tout et ses contraires de Delphine Chedru (album)
  • Mon voyage à moi d'Akiko Miyakoshi (album)
  • In waves d'AJ Dungo (BD)
  • Les ronces et Noir volcan de Cécile Coulon (poésie)
  • Icebergs de Tanguy Viel (essai)
  • Le courage des autres d'Hugo Boris (roman)
  • Feel good de Thomas Gunzig (roman)
  • La chaleur de Victor Jestin (roman)
  • Licorne de Nora Sandor (roman)
  • La mer à l'envers de Marie Darrieussecq (roman)
  • L'élégance des veuves d'Alice Ferney (roman)
  • Sans oublier les révélations de l'aventure Primo (romans)

 

 

Vღus cღnnaissez ? Vღus m'aiguillez ?

Ils me font de l’œil