Comme à la guerre
Publié le 27 Juin 2019

C'est par hasard, le voyant mis en avant sur la table des nouveautés de la médiathèque, que j'ai découvert ce livre et à travers lui son auteur Julien Blanc-Gras, qui m'était jusqu'ici inconnu. C'est avec plaisir que je continuerai à m'aventurer dans ses écrits à l'avenir.
Dans ce livre, chronique d'une paternité naissante, il nous fait part de ses réflexions de jeune papa inquiet du monde dans lequel évolue désormais son fils, dans le Paris résilient des années 2015-2018. En parallèle, il progresse dans la lecture des carnets de guerre de ses deux grands-pères, qui ont combattu lors de la Seconde Guerre mondiale. Il nous en livre des extraits et les commente. Cet exercice lui permet de s’interroger sur l'héritage familial, la transmission.
Pour rendre hommage à [l'histoire] de mes aïeux, je ne peux qu'offrir ce petit mausolée de papier, qui sera remis à la génération suivante.
Ce livre lui permet d'évoquer également les premières années de son petit garçon, entre anecdotes amusantes, quotidien parfois épuisant voire pathétique mais aussi merveilleux de progrès. J'ai adoré et adhéré aux réflexions actuelles sur la parentalité et la transmission, l'histoire personnelle de l'auteur rejoignant évidement l'universalité de la condition parentale. Le propos est à la fois joyeux, angoissé, drôle et sérieux. C'est toujours d'une profonde sincérité et d'un optimisme mesuré. Ce n'est pas d'un égocentrisme exacerbé qui aurait pu tout gâcher. La gorge du lecteur est tour à tour serrée ou déployée par le rire.
Nous étions en plein "terrible two", la fameuse phase des deux ans durant laquelle l'enfant s'affirme en défiant l'autorité, en s'immisçant dans les moindres failles de la muraille parentale. Il refusait d'entrer dans son bain, puis refusait de sortir de son bain. Chaque étape du quotidien pouvait engendrer un casus belli.
[...]
Son besoin d'opposition était d'autant plus épuisant qu'il ne s'activait qu'avec ses parents. Il se montrait angélique avec les autres adultes. Quand il tapait un scandale dans la rue (parce qu'une voiture rouge venait de passer alors qu'il préférait les voitures bleues), j'étais tenté de demander de l'aide à des passants pour le sermonner à ma place avec plus d'efficacité. "Je vous en supplie, maîtrisez cet individu. Tenez, je vous file 10 euros."
[...]
Avant, quand je voyais des gens s'énerver sur leur enfant dans la rue, je secouais la tête en pensant 'Allons, allons, ce n'est pas comme ça qu'il faut faire.' Depuis que je suis passé par là, j'ai envie de leur taper fraternellement sur l'épaule : "Lâche rien".
Dans une dizaine d'années, ce petit être qui murmure "coucou papa" au réveil sera un adolescent qui écoutera de la musique pourrie, se branlera trois fois par jour, emploiera des expressions que je ne comprendrai pas, me considérera comme un vieux schnoque ; et je l'aimerai comme au premier jour.