Publié le 26 Mars 2025

La très catastrophique visite du zoo

Je connaissais Joël Dicker et ses thrillers à succès sans jamais avoir eu particulièrement envie de les lire. Quand soudain, le phénomène médiatique a déferlé : ces dernières semaines, Joël Dicker est partout. Pour faire la promotion de son dernier roman en même temps que celle de la lecture en général, et de l'opération 11 mars, je lis / quart d'heure lecture en particulier. Son discours m'a évidemment interpellé, et la présentation de son nouveau roman aussi. Une enquête à hauteur d'enfant s'adressant à un public "multigénérationnel". De la littérature jeunesse qui ne dit pas son nom ?

 

C'est donc avec impatience que j'attendais de pouvoir découvrir La très catastrophique visite du zoo. Je n'ai pas été déçue. 𝑪𝒆 𝒍𝒊𝒗𝒓𝒆 𝒆𝒔𝒕 𝒖𝒏 𝒃𝒐𝒏𝒃𝒐𝒏. 𝑼𝒏𝒆 𝒈𝒐𝒖𝒓𝒎𝒂𝒏𝒅𝒊𝒔𝒆 𝒂̀ 𝒔𝒂𝒗𝒐𝒖𝒓𝒆𝒓 𝒂̀ 𝒏'𝒊𝒎𝒑𝒐𝒓𝒕𝒆 𝒒𝒖𝒆𝒍 𝒂̂𝒈𝒆. 𝑪𝒐𝒎𝒎𝒆 𝒍𝒆𝒔 𝒉𝒊𝒔𝒕𝒐𝒊𝒓𝒆𝒔 𝒅𝒖 𝑷𝒆𝒕𝒊𝒕 𝑵𝒊𝒄𝒐𝒍𝒂𝒔. 𝑺𝒂𝒖𝒇 𝒒𝒖𝒆 𝒔𝒂 𝒏𝒂𝒓𝒓𝒂𝒕𝒓𝒊𝒄𝒆 𝒔'𝒂𝒑𝒑𝒆𝒍𝒍𝒆 𝑱𝒐𝒔𝒆́𝒑𝒉𝒊𝒏𝒆.

 

Au début de l'histoire, la maman de Joséphine est "mortifiée". Joséphine ne sait pas très bien ce que ça veut dire mais se doute qu'avec le mot "mort" dedans, ce ne doit pas être très positif. Et surtout, elle est privée de dessert. Parce que la journée a viré à la catastrophe et que ses parents exigent de savoir pourquoi. Alors, Joséphine prévient : il va falloir l'écouter jusqu'au bout. Car pour comprendre pourquoi la visite du zoo s'est mal passée, il faut tirer le fil des événements et savoir pourquoi la soirée de Noël de l'école s'est mal passée, pourquoi M. André est tombé pendant le cours de sport ou encore pourquoi les lavabos des toilettes de l'école "spéciale" ont été bouchés et les robinets laissés ouverts, provoquant une catastrophique inondation. Car Joséphine n'est pas une enfant ordinaire. Elle est "spéciale", comme ses camarades de classe : Artie l'hypocondriaque, Thomas le karatéka, Otto qui sait tout sur tout, Giovanni qui a des parents très riches et Yoshi qui ne parle jamais.

 

On devine en tant que lecteur adulte que ces enfants sont probablement atteints de troubles du spectre autistique mais rien n'est jamais formulé si clairement. Leur naïveté face aux adultes est à la fois déconcertante et follement drôle. Elle pousse les raisonnements des adultes au bout - à bout - et ainsi dévoile leurs incohérences et les absurdités de certains discours. Leur naïveté est finalement une forme de lucidité et leur franchise une force extraordinaire. A travers son histoire - l'enquête que les enfants vont mener pour découvrir qui est à l'origine de l'inondation de leur école - Joël Dicker propose une réflexion sur le vivre-ensemble, la normalité et la démocratie. De manière joyeuse et drôle, les chapitres se succèdent, nous faisant découvrir une galerie de personnages irrésistibles : Mademoiselle Jennings, le directeur de l'école "normale" (on croirait presque reconnaître M. Bouillon), le gendarme, le prof de gym, la grand-mère de Giovanni, etc. Cette dernière va d'ailleurs aider les enfants, forte de son expérience tirée des feuilletons policiers, et leur apprendre du vocabulaire indispensable à leur investigation : suspect, alibi, indic, etc. Les déambulations des enfants nous mèneront de l'amphithéâtre de l'école au zoo en passant par l'hôpital et le centre commercial. L'auteur maîtrise l'art du comique de situation à la perfection. Sa plume est fraîche et alerte, au service de dialogues pertinents et drôles.

 

𝑪'𝒆𝒔𝒕 𝒕𝒓𝒆̀𝒔 𝒃𝒊𝒆𝒏 𝒆́𝒄𝒓𝒊𝒕, 𝒎𝒆̂𝒍𝒂𝒏𝒕 𝒔𝒖𝒔𝒑𝒆𝒏𝒔𝒆 𝒅𝒆 𝒍'𝒆𝒏𝒒𝒖𝒆̂𝒕𝒆, 𝒓𝒆́𝒇𝒍𝒆𝒙𝒊𝒐𝒏 𝒔𝒖𝒓 𝒍𝒆 𝒗𝒊𝒗𝒓𝒆-𝒆𝒏𝒔𝒆𝒎𝒃𝒍𝒆, 𝒉𝒖𝒎𝒐𝒖𝒓, 𝒑𝒆́𝒓𝒊𝒑𝒆́𝒕𝒊𝒆𝒔 𝒖𝒏 𝒑𝒆𝒖 𝒓𝒐𝒄𝒂𝒎𝒃𝒐𝒍𝒆𝒔𝒒𝒖𝒆𝒔 𝒆𝒕 𝒎𝒊𝒈𝒏𝒐𝒏𝒏𝒆𝒓𝒊𝒆𝒔. Un roman jeunesse à mettre entre les mains de tous à partir d'environ 9 ans.

 

Un lundi matin de la fin de l'automne, à quelques semaines de Noël, il s'est passé quelque chose de grave.
Comme toujours, lorsque survient une catastrophe, on ne voit rien venir. Ce lundi-là s'était donc déguisé en jour normal [...].

J'aime mon école. C'est une toute petite école pare qu'il n'y a qu'une seule classe. Elle est comme un grand pavillon en planches. Maman dit que c'est charmant. Moi je dirais plutôt que c'est chouette.

Et puis enfin, il y a moi : Joséphine. Il paraît que je comprends les choses trop vite. Je ne vois pas le problème, mais apparemment c'en est un. Ca fait au moins une chose que je ne comprends pas. Quand je serai grande, je veux devenir inventeuse de gros mots. C'est une idée qui m'a été soufflée par mon père.

- Dans une démocratie, a-t-il indiqué, nous vivons ensemble avec nos différences. Je serai très ferme sur ce point : il n'y aura pas de place pour les intolérants dans cette école !

Artie s'est alors mis à pleurer bruyamment, interrompant le Directeur.

- Pourquoi pleures-tu, mon petit coquin ? a demandé le Directeur.
- Parce que je suis intolérant au lactose, a expliqué Artie.
- Intolérant au lactose, ça va, a assuré le Directeur avant de déclarer solennellement : les intolérants au lactose seront tolérés.

Au fond, les gens sont comme les étoiles: c'est en les regardant attentivement qu'on se rend compte à quel point ils brillent.

Rédigé par Nota Bene

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Publié le 20 Mars 2025

Faudrait peut-être recadrer

C'est avec plaisir que j'ai retrouvé à la lecture de ce livre l'humour un poil militant des deux sœurs ne se cachant plus sous le pseudonyme de L'indéprimeuse. Comme dans le premier opus T'as pas l'impression de prendre toute la couverture ? la forme est ici aussi importante que le fond. Le message féministe est toutefois plus présent et combatif, comme le suggérait le sous-titre : Petites pensées féministes dans un monde plutôt genré. Peut-être un peu au détriment des clins d'œil littéraires. Les autrices s'amusent toujours de la typographie et nous offrent une sorte de poésie de l'absurde composée d'aphorismes, de fausses couvertures de livres, de variations typographiques, de "petites phrases (peut-être) prononcées par l'histoire du féminisme"... C'est un recueil plein d'ironie et d'autodérision à découvrir et à offrir aux amoureux des mots comme aux féministes.

Il se pourrait que la véritable leçon du féminisme soit de comprendre que l'affirmation "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants" avait pour but de nous convaincre, pas de nous faire rêver.

Quand on met des années à se fabriquer une zone de confort, c'est pas pour que le premier abruti nous dise d'en sortir.

L'anaphore est une figure de style.
L'anaphore est utilisée pour créer de l'impact.
L'anaphore est la répétition d'un même mot ou groupe de mots en début de phrases ou de vers.
L'anaphore crée l'emphase.
L'anaphore apparaît dans les discours politique quand l'heure est grave.
L'anaphore est un petit peu reloue au bout d'un moment.

Faudrait peut-être recadrer
Faudrait peut-être recadrer
Faudrait peut-être recadrer
Faudrait peut-être recadrer

Publié le 17 Mars 2025

Merci à la maison Nathan pour le partage de cet album

 

 

Le grand festin

Dans une clairière, une joyeuse effervescence s'empare des animaux, qui s'affairent pour organiser une soirée magique. Ils décorent, cuisinent, répètent, s'habillent... et le ciel s'obscurcit peu à peu. Voici le dernier album en date de la japonaise Emiri Hayashi (Regarde dans la neige, Promenade sous l'océan...). Ce livre cartonné destiné aux enfants dès 6/8 mois permet de sensibiliser à la lecture comme un temps d'observation et d'écoute. Le texte court et descriptif joue sur les rimes. Les illustrations foisonnantes, parées d'effets scintillants, transforment chaque double-page en un spectacle coloré captivant sur lequel on prend plaisir à s'attarder pour observer les nombreux détails. Le tout-petit lecteur part ainsi à la découverte des habitants de la forêt, dans un esprit de partage et d'enthousiasme. C'est un bel album à ajouter dans la bibliothèque de son bébé. Il existe également d'autres titres de cette série chez Nathan comme "Regarde dans la nuit", "Regarde, c'est Noël !" ou plus récemment "Regarde les saisons".

 

 

Le grand festin

Les lapins balaient les aiguilles de pin et les écureuils ouvrent les noisettes. On prépare une fête !

Publié le 11 Mars 2025

Ceux que j'ajoute à ma pile à lire du printemps

Voici mes repérages pour de prochaines lectures printanières :

 

 

  • ℒ𝒶 𝓉𝓇𝑒̀𝓈 𝒸𝒶𝓉𝒶𝓈𝓉𝓇𝑜𝓅𝒽𝒾𝓆𝓊𝑒 𝓋𝒾𝓈𝒾𝓉𝑒 𝒹𝓊 𝓏𝑜𝑜 de Joël Dicker, un roman "multigénérationnel" qui semble prometteur et qui me permettrait de découvrir cet auteur populaire et porteur d'un fort message de sensibilisation à la lecture.

 

  • ℋ𝑒𝓍𝒶 de Gabrielle Filteau-Chiba, un roman éco-féministe, du genre hopepunk, d'une autrice découverte avec la lecture du court roman Encabanée et que j'ai pris plaisir à écouter sur France Inter récemment.

 

  • 𝒟𝒾𝓋𝑜𝓇𝒸𝑒 𝒶̀ 𝓁𝒶 𝒻𝓇𝒶𝓃𝒸̧𝒶𝒾𝓈𝑒 d'Eliette Abécassis, repéré dans les parutions de fin d'année dernière et présenté comme un huis clos étourdissant sur la thématique du déchirement d'un couple.

 

  • Peut-être ℒ'𝒾𝓃𝒸𝑜𝓃𝓃𝓊𝑒 𝒹𝓊 𝓅𝑜𝓇𝓉𝓇𝒶𝒾𝓉 de Camille de Peretti qui a fait parler de lui sur les réseaux et qui vient de paraître en poche.

 

  • Peut-être ℒ𝑒𝓈 𝒷𝑜𝓊𝒸𝒽𝑒̀𝓇𝑒𝓈 de Sophie Demange, premier roman décrit à la fois comme très noir et très rose (entendez par là féministe).

 

  • Peut-être ℐ𝓃𝓈𝑜𝓂𝓃𝒾𝑒𝓈 de Clothilde Salelles, premier roman "écrit comme aux aguets" (dixit Raphaëlle Leyris dans Le Monde) révélé lors de la rentrée littéraire de janvier.

 

Et j'espère d'autres titres savoureux trouvés sur mon chemin ensoleillé...

 

Hâte

 

Rédigé par Nota Bene

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Publié le 10 Mars 2025

Il n'a jamais été trop tard

Lola Lafon regroupe et partage ici les chroniques publiées dans Libération chaque samedi en 2023 et 2024 en y ajoutant des récits inédits plus personnels, en italique, mêlant l'actualité de la France et du monde à ses ressentis. Le texte est découpé en saisons (hiver, printemps, été...) et évoque l'actualité (contestation de la réforme des retraites, guerre en Ukraine, procès Mazan...) tout en la faisant dialoguer avec des réflexions intimes sur le fait de grandir, vieillir ou faillir. L'autrice partage l'état de tristesse ou de colère dans lequel peuvent la plonger les événements du monde sans renoncer à chercher, parfois dans l'étymologie, une forme de lumière et d'espoir en nous encourageant à "𝓹𝓮𝓻𝓼𝓮́𝓿𝓮́𝓻𝓮𝓻 𝓪̀ 𝓹𝓻𝓮𝓷𝓭𝓻𝓮 𝓪̀ 𝓫𝓻𝓪𝓼-𝓵𝓮-𝓬𝓸𝓻𝓹𝓼 𝓵𝓮𝓼 𝓶𝓸𝓽𝓼 𝓯𝓪𝓽𝓲𝓰𝓾𝓮́𝓼".

 

On a quitté sa place d'enfant. On est devenue celle qui, désormais, préviendra des obstacles, guidera, indiquera les pièges. Ca n'est qu'un rôle, mais il semble bien que tout le monde y croie, à cette incarnation d'adulte responsable dans laquelle on s'est glissée. On en sourit, d'être crédible. Quelle mascarade. Ce sourire est bordé d'une vague tristesse, aussi : parce qu'on le sait, en faisant comme si on avait vraiment grandi, on a perdu le privilège d'être consolée, protégée, épargnée.

On aura été témoins de tant de gestes exceptionnels, cet été olympique ; on aura célébré la force, la capacité à dépasser ses limites. Qu'est-ce qu'un exploit ? C'est une "action d'éclat, héroïque", une prouesse. Aujourd'hui, une femme s'apprête à accomplir un exploit. Sa force est inimaginable. Son courage, sans pareil. Elle n'est porteuse d'aucun drapeau, à moins qu'elle ne les porte tous. Aucune médaille ne viendra la récompenser : tout juste espère-t-on qu'elle sera entendue. C'est elle qui nous regarde. Elle nous invite à nous pencher sur l'abîme dans lequel elle n'a pas sombré ; qu'on y plonge, avec elle. Cette femme se prénomme Gisèle.

Au sujet de Gisèle Pélicot

Rédigé par Nota Bene

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Publié le 4 Mars 2025

Tout le monde aime Clara

Clara est une adolescente, enfant unique et chérie d'un couple qui s'est séparé. Un soir, elle se rend à un concert avec sa meilleure amie Lola et le père de celle-ci. En rentrant, sa vie bascule. Elle se retrouve dans le coma. Quelques mois plus tard, son père Alexis s'inscrit à un atelier d'écriture. Il rencontre l'écrivain "Ruprez", qui n'a publié qu'un seul roman. Ils ne savent pas encore que dans quelques mois, la vie de Ruprez sera bouleversée par sa rencontre avec Clara.

 

Les destins des personnages s'entrelacent sous la plume fine et sensible de David Foenkinos. Il offre ainsi une réflexion sur la manière dont nos vies sont façonnées par les rencontres et les conjonctures. La quête de sens, l'ésotérisme et les hasards de la vie sont les thèmes du roman. Malheureusement, malgré le fait que le roman soit plutôt bien écrit et divertissant, j'ai trouvé qu'il manquait de profondeur. Parler d'une œuvre d'art ou du métier d'écrivain ne fait pas d'un texte de la littérature. David Foenkinos peine à se renouveler : ses notes de bas de pages typiques sont moins pertinentes, son regard amusé sur les relations humaines s'essouffle dans une trame narrative brouillonne. Dommage.

 

Rédigé par Nota Bene

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