Les 100 mots de l'éloquence
Publié le 16 Novembre 2019
Voici un inédit de la célèbre collection Que sais-je ? dans lequel on se plaît à picorer de quoi enrichir ou remobiliser sa culture littéraire. Sont égrainés des mots classiques tels que "emphase", "allitération", "discours" mais aussi des termes plus contemporains comme "punchline", "spin doctor", "pitch", "battle", "storytelling", etc. L'ouvrage est divisé en quatre parties. Il aborde tout d’abord les principes de l'éloquence, hérités du monde antique. On s'attarde ensuite sur les genres ou formes d'éloquence. Certaines d'entre elles ont disparu (comme le panégyrique), d'autres ont perduré (l'oraison funèbre) et d'autres ont surgi (le pitch). L'auteur dresse ensuite une liste non exhaustive de procédés oratoires (de l'allitération au syllogisme). Enfin, il en vient à évoquer certains "caractères" ou personnages qui ont incarné / incarnent l'éloquence (tels que Socrate ou Maître Dupont-Moretti). Un peu moins intéressée par cette dernière partie, j'ai par contre été heureuse de raviver, préciser et enrichir ma culture littéraire, sans lourdeur, grâce aux brefs articles proposés pour chacune des entrées. On y croise aussi bien le corbeau, le renard, l'agneau, le mouton, Ruy Blas, Montaigne, Malraux, que plusieurs présidents de la Ve République... Le propos est à la fois classique et dans l'air du temps. J'en rapporte ici quelques passages dont j'aimerais garder trace.
[...] un grand orateur est un homme qui sait aussi se "mettre en scène". [...] Il est intéressant de souligner que Polymnie, la muse de la réthorique, est aussi la muse de l'art du mime !
La grandiloquence est moins une grande éloquence qu'un excès d'éloquence.
D'une certaine façon, dès qu'il y a "information", il y a aussi "déformation" et recherche d'un "effet" à produire. Nous sommes bien reconduits à la rhétorique.
[Le silence intègre] les stratégies rhétoriques les plus subtiles.
Le bavardage est constitué de paroles creuses, infondées et indiscrètes. Les connotations du mot sont franchement péjoratives. Ce que souligne par ailleurs l'origine même de ce vocable : "baver", au sens propre de sécréter de la bave, mais aussi au sens figuré de "médire", "dire du mal".
[La causerie] se veut sans prétention, exempte de tout protocole. Volontiers située "au coin du feu", elle révèle une intimité qu'ignore la "conversation". Le naturel de la causerie s'oppose alors à l'art de la conversation. Mais l'une comme l'autre sont des exercices de sociabilité où les français, autrefois, passaient pour exceller.
Le mot "discussion" nous vient du latin discussio, la "secousse", "l'ébranlement". Par conséquent, discutere c'est faire voler en éclats. La discussion est donc sinon violente par nature, du moins toujours "vive". La "dispute", en revanche, et contrairement à notre usage du mot, sera plus contrôlée, davantage "pensée" (puto, en latin : "je pense"). En poursuivant la déclinaison, on rencontre la "controverse", qui n'est pas autre chose qu'une discussion argumentée. Au sens large, on pourra même parler de "débat contradictoire". Enfin, la "polémique", mot construit à partir du terme grec qui signifie la "guerre" (polemos) il renvoie évidement à des échanges vifs, agressifs ; les arguments ne divergent pas, ils se combattent
Un pitch c'est [...] un "lancement". Pour "lancer" une oeuvre, la diffusion d'un film ou d'une émission de télévision, deux possibilités s'offrent au "lanceur" [...] soit une accroche un peu intrigante, soit un très bref résumé du synopsis, destiné à la fois à informer sur le contenu du film et à donner envie d'aller le voir. Dans tous les cas, le contexte reste celui de l'urgence. Il faut en un temps compressé susciter l'impression la plus forte et la plus favorable possible. Nous sommes bien au-delà de l'art de la concision !
Aujourd'hui, dans le cadre des levers de fonds des start-ups, on parle d'elevator pitch pour évoquer une présentation dans l’ascenseur, 45 secondes, montre en mains entre deux étages. Ce type de formulation est très rigoureusement théorisé : une accroche (la pépite), une promesse (quels résultats ?), une solution (l'offre) et un appel à l'action, à l'engagement. "Pitcher" un projet, c'est le présenter pour lever des fonds.