Après nous, les animaux

Publié le 7 Avril 2021

Après nous, les animaux

Voici un roman young adult complètement atypique signé Camille Brunel.

Il s'agit d'un récit à mi-chemin entre le roman d'anticipation et la fable écologique.

 

En 2086, dans un monde où l'humanité s'est éteinte suite à une invasion d'insectes, des animaux - anciennement bêtes de cirque espagnol - sont embarqués dans une sorte d'arche de Noé avec un groupe d'humains survivants, dont Aria. Après un long et éprouvant périple au bout duquel Aria décide d'ouvrir les cages avant de rendre son dernier souffle, ils accostent sur la terre mexicaine. Les seuls survivants de l’équipage sont trois taureaux, une vache, un lion, quatre chevaux, deux geais, cinq lycaons, trois pandas roux, deux chimpanzés, deux éléphants, une panthère et un python. Prédateurs ou proies, ces animaux déboussolés s'aventurent en territoire inconnu, menés par les deux chimpanzés et les deux geais, partant plus ou moins consciemment à la recherche d'une protection humaine. Nous allons suivre leur parcours vers le Nord du Mexique (en nous appuyant sur une carte bienvenue en début de roman). Nous allons comme eux découvrir et observer la faune locale : xoloitzcuintles, baleines à bosse, jaguars, etc. Il y a, si ce n'est du suspens, du moins une observation appuyée de l'environnement. Nous constatons également en filigrane ce que l'humanité aura laissé derrière elle. La lecture est lente, à l'instar de leur long périple ponctué de quelques attaques et changements d'habitudes. Ce récit hors norme ne nous épargne pas une réalité animale qui peut être dure, dirigée par l'instinct de survie. Mais il nous offre aussi des scènes suspendues telles que le ballet des baleines à bosse. L'exercice littéraire est original et sert formidablement la cause animale. Je n'ai pas été bouleversée par ce livre mais je salue pour autant sa singularité. Il a réussi à me tenir en haleine avec des "dialogues" réduits au minimum, faisant communiquer subtilement les animaux sans qu'ils ne le fassent oralement. Tout l'enjeu était là : malgré des pensées moins élaborées que celle du lecteur, les idées et le sort des animaux nous interpellent. Intelligence, instinct, conscience, bien-être, servitude... ces notions philosophiques sont bien sûr indirectement interrogées, en particulier au regard du leadership des singes qui se développe au fil du récit. Un ovni littéraire qui mérite attention. Un bémol toutefois : la difficulté d'identifier chacun des animaux, pourtant prénommés. Pour en découvrir un extrait, rendez-vous sur le site de l'éditeur.

 

Les animaux de l'arche gardaient au moins un souvenir du temps trop long de leur domestication : on surestimait souvent le danger représenté par l'inconnu. Le plus souvent les gens - humains ou non - n'étaient qu'une horde de proies, prêtes à décamper au premier feulement. À un jaguar monstrueux près, cela n'avait pour l'instant jamais cessé d'être vrai.

Et c'était assez vrai, au fond : ils avaient déjà tant survécu que mourir devenait improbable. Marguerite avait eu raison, ils étaient arrivés dans un monde où l'on ne mourait que si l'on était tué.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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