Carbone & Silicium
Publié le 28 Juin 2021
Voici une bande dessinée de pure science-fiction, et d'un certain volume, signé Mathieu Bablet. Son premier roman graphique paru il y a quelques années a connu un énorme succès. C'est donc avec beaucoup d'attente que les lecteurs ouvraient ce nouvel opus. N'ayant pour ma part pas lu Shangri-La, c'est sans attendus particuliers que j'ai ouvert en cette fin d'année scolaire Carbone & Silicium.
Ces deux éléments chimiques sont ici les prénoms donnés à deux intelligences artificielles. Nous sommes en 2046. Ces deux humanoïdes sont les derniers-nés de la Tomorrow Foundation dans la Silicon Valley. Ce sont des prototypes qui ont pour but de prendre soin de la population humaine vieillissante. Après un temps d'apprentissages enfermés entre quatre murs, ils s'évadent, se séparent et découvrent le monde extérieur. Ils vont par la suite, sur plusieurs siècles, chacun chercher leur place sur la planète, malgré les bouleversements climatiques et politiques.
Le récit est assez vertigineux du fait de son étirement sur près de 300 ans. Il pose des questions intéressantes sur la question des liens Homme/Machine (le libre-arbitre, la paternité...) mais aussi sur le rapport au corps (l'identité genrée, le transhumanisme...) et à l'environnement. L'enjeu climatique est présent. Une certaine réflexion philosophique sur le Beau également. J'ai particulièrement aimé le début du récit avec l'explicitation de certains choix opérés par les actionnaires (obsolescence programmée, apparences physiques...).
Bien que le style graphique ne soit pas particulièrement à mon goût, je ne peux qu'en attester une qualité certaine. J'en retiens un travail d'abstraction graphique pour représenter la conscience / le cloud. Une référence relativement évidente à Matrix. J'en retiens également le découpage. En effet, programmés pour vivre quinze ans, Carbone et Silicium doivent régulièrement changer d'enveloppe corporelle. Si Silicium reste attaché à son corps qu'il use jusqu'à sa décrépitude, Carbone s'empare elle de chaque occasion pour changer d'apparence et de genre. Ainsi, chaque page d'ouverture d'un nouveau chapitre est un portait, pour mieux identifier le personnage et se repérer. Les ellipses insufflent un rythme haché. Dans ma mémoire aussi : une planche choc où une humaine, sur son lit d'hôpital, ne se réduit qu'à un amas d'organes vitaux, "grâce" au développement de la technologie et à la quête d'immortalité des Hommes. J'ai aussi été séduite par une planche au coloris bleu océan contrastant, un appel d'air dans des paysages plutôt sombres et bétonnés.
Ce roman graphique ne manque donc pas d'intérêt mais s'étire en longueur. Je l'ai aussi trouvé un peu glauque. Dommage. J'ai apprécié mais j'ai été quelque peu circonspecte. Surtout en lisant la fin.