Licorne
Publié le 7 Avril 2020
🌈 𝑩𝒐𝒏𝒋𝒐𝒖𝒓 𝒎𝒆𝒔 𝒍𝒊𝒄𝒐𝒓𝒏𝒆𝒔 ! 🦄
Loin de moi l'idée de m'adresser à vous de cette façon. Il s'agit du salut de Maëla, alias 𝒎𝒊𝒔𝒔𝒎𝒂𝒆𝒍𝒂𝟗𝟖, la narratrice de Licorne, le premier roman de Nora Sandor. Licorne, comme une promesse d’arc-en-ciel et de vie plus belle. L’herbe paraît souvent plus verte ailleurs et les souvenirs filtrés par 𝑰𝒏𝒔𝒕𝒂𝒈𝒓𝒂𝒎 plus scintillants. C’est ce que ressent Maëla, Emma Bovary des temps modernes.
Étudiante en fac de lettres sans passion ni ambition, travaillant en supermarché pour financer sa colocation avec l’indolente Marilou, elle rêve d'une autre vie. Elle se fantasme influenceuse beauté. Un jour, le rappeur Mowgli dont elle est complètement fan la désigne gagnante du concours organisé pour lui trouver une figurante dans son prochain clip. Ce coup de projecteur va lui valoir un nombre d’abonnés démentiel en très peu de temps. C’est la consécration. Des marques vont la démarcher. Elle s’endette alors pour investir dans du matériel adapté (écran vert, projecteur, logiciel de montage vidéo...) afin d’honorer ses partenariats. Elle est invitée à Paris, y rencontre BodyMax, youtubeur fitness aux millions de vues. Entre eux va naître une idylle un brin particulière, ponctuée de baisers au bout d’une perche à selfies qui seront coupés au montage. Prise dans les filets de la virtualité et du paraître, Maëla ressent une profonde mélancolie. Elle est peu à peu désabusée et rêve de se fondre dans la figure de Baloo, l’ours domestiqué du rappeur qu’elle adore. Maëla est une jeune fille sans aucun réel soutien : père absent, mère qui s’avère défaillante, colocataire plutôt indifférente, ex lâche et égoïste, enseignante quelque peu hautaine et blasée... Elle est vulnérable et particulièrement influencée par la recherche et l’affichage de perfection à l’œuvre sur les réseaux. Elle est gavée de mantras (on devrais-je dire #quoteoftheday) tels que "Rome ne s’est pas bâtit en un seul snap" (citation du roman), "Je fais de mes obstacles des opportunités" et autres "Soit l’énergie que tu veux attraper" (non extraites du roman).
Virulente satire des réseaux sociaux et en particulier d'Instagram, Licorne décrit avec justesse et cynisme le monde virtuel contemporain fait de recherche de reconnaissance, de jeux de pouvoirs et d'influence. J’ai lu le roman assez rapidement, curieuse du propos développé. J’ai malheureusement été confrontée à des longueurs. J’ai trouvé la trame narrative un peu trop linéaire, sans tension dramatique forte. Les personnages manquaient de caractérisation. Surtout, j’ai eu du mal, les pages se tournant, à digérer l’omniprésence absurde du personnage de Baloo. La fin est brumeuse, comme si l’auteure se refusait à nous livrer la morale de sa fable. Ou peut-être est-elle celle du Livre de la jungle : en réalité "il en faut peu pour être heureux" ? Pour autant, ma moue perplexe à la fermeture du livre s’est estompée et je garde du roman le souvenir d’une satyrique intelligence. Le propos est intéressant et même vraiment très bien vu.
Licorne est donc un premier roman déroutant et original sur la thématique du désœuvrement, du manque de confiance en soi et de la grotesque recherche de reconnaissance sur les réseaux sociaux. Une écriture ciselée et moderne à découvrir.