Écrire en deuxième division
Publié le 10 Novembre 2020
Après ma découverte du premier roman de Jeff Sourdin, Ripeur, je me suis procurée Écrire en deuxième division, paru en 2017, curieuse de lire les réflexions d'un modeste écrivain sur sa condition. Dans cette chronique de l'écriture, le narrateur, Rubempré, auteur sans succès, livre ses impressions sur son activité et le monde littéraire "vu d'en bas". Entre fantasme et résignation, il nous divertit de ses propos à la fois pathétiques et attachants. Il évolue dans un village où se côtoient notamment Monsieur le maire, le louche pharmacien et son chien, sa séduisante voisine ou encore la bibliothécaire communale prénommée Marie (comme dans Ripeur !). Rubempré anime chaque semaine un atelier d'écriture et fait partie de l'hilarante CASS : la Confrérie des auteurs sans succès. Les courts chapitres se succèdent, entrecoupés de textes fictifs écrits par Rubempré et de lettres de refus reçues de différentes maisons d'éditions imaginaires. La prose de Jeff Sourdin est, comme dans son premier roman, assez scolaire et quelque peu empruntée. Pour autant, j'ai apprécié certaines tournures et surtout l'humour dont est imprégné le roman.
Chaque premier mercredi du mois, nous sommes ainsi une cinquantaine d'écrivaillons, de journaleux, de mauvais nègres, de peine-à-écrire, de poètes de petite vérole et de tâcherons sans imagination à prendre le chemin de la CASS et à nous regrouper sous cette bannière peu glorieuse. Illustres seconds couteaux, nous avons comme point commun d'être tous d'authentiques calamités éditoriales.
Difficile de penser à autre chose quand on a les pieds mouillés. Mes belles phrases étaient diluées, mes rimes prenaient l'eau et je n'avais plus qu'une seule obsession : arriver au plus vite pour me mettre au chaud. Aujourd'hui, je suis rentré de balade l'introspection toute mouillée et la vie intérieure à sec.
Être un écrivain sans succès est une curiosité sociétale, c'est une image qui ne colle pas avec l'histoire, avec le fantasme qui se joue lorsque vous annoncez en soirée, au cocktail, entre les mezzés froids et chauds, que vous écrivez. Les cinq minutes qui suivent cette annonce sont, à chaque fois, magiques. L'attention se fait maximale, chacun tend l'oreille pour saisir ce que vous avez à dire et vos interlocuteurs ont les yeux qui brillent d'excitation.
On résume souvent la force de l'écrivain à sa capacité d'imagination en oubliant que l'observation est essentielle. La fiction se nourrit de réalité et bien souvent il suffit de se baisser pour ramasser des tonnes d'histoires qui ne demandent qu'à être écrites.