La définition du bonheur
Publié le 8 Novembre 2021
Voici un roman de la rentrée littéraire qui, dans la même veine que Fille de Camille Laurens l'année dernière, me laisse pourtant plus mitigée. S'étirant sur plusieurs décennies, des années 80 à nos jours, le récit entrecroise les destins de deux femmes, vivant chacune d'un côté de l'Atlantique et dont nous apprenons le lien à la fin du roman. 𝓒𝓵𝓪𝓻𝓲𝓼𝓼𝓮, amoureuse passionnée et fervente voyageuse sur le continent asiatique, porte en elle depuis l’adolescence un traumatisme. 𝓔̀𝓿𝓮, dans une relation maritale profonde et stable, profite d'une vie aisée et en apparence épanouissante à New-York. À travers l’entrelacement tardif de leurs destinées, ce roman dresse le tableau d’une époque et interroge 𝓵𝓮 𝓻𝓪𝓹𝓹𝓸𝓻𝓽 𝓭𝓮𝓼 𝓯𝓮𝓶𝓶𝓮𝓼 𝓪𝓾 𝓬𝓸𝓻𝓹𝓼 𝓮𝓽 𝓪𝓾 𝓭𝓮́𝓼𝓲𝓻, 𝓪̀ 𝓵’𝓪𝓶𝓸𝓾𝓻, 𝓪̀ 𝓵𝓪 𝓶𝓪𝓽𝓮𝓻𝓷𝓲𝓽𝓮́, 𝓪𝓾 𝓿𝓲𝓮𝓲𝓵𝓵𝓲𝓼𝓼𝓮𝓶𝓮𝓷𝓽 𝓮𝓽 𝓪𝓾 𝓫𝓸𝓷𝓱𝓮𝓾𝓻, qu'elle que soit leur classe sociale. Les souffrances féminines sont évoquées depuis le viol jusqu'à la tromperie en passant par l'avortement, la fausse couche, les violences masculines et les féminicides… Une chose à savoir : dans le premier chapitre, le récit du viol en réunion de Clarisse est particulièrement difficilement soutenable. Catherine Cusset, dont je découvre la plume, veut rendre compte des malheurs et des difficultés qui peuvent s'abattre sur les femmes. Mais, à vouloir tout raconter, je trouve que son condensé ne rend pas service au roman : plat et cliché. La condition féminine se résumerait à vivre dans la crainte de l'agression, au risque de tomber sous le charme d'un mec irrespectueux, à découvrir l'adultère, à avoir un cancer du sein. Et les hommes, sont-ils vraiment tous violents, lâches, infidèles ou arrogants ? A-t-on besoin de l'étalage de toute cette médiocrité pour intéresser son lecteur ? Elle écrit d'ailleurs à la page 294 : "C'est l'écriture, pas l'histoire, qui fait la littérature, non ?". À mon sens, pour faire de la littérature, il faut justement savoir combiner les deux ! Et même au niveau de l'écriture, ce n'est pas transcendant (voir les exemples ci-dessous). Le début du roman s’annonçait prometteur et certains passages sont intéressants (l’adolescence de Clarisse, la période de l'adultère à New-York...) mais d'autres assez anecdotiques (l'accouchement, les vacances méditerranéennes...). Bref : à lire si vraiment la thématique féministe du point de vue des quinquas d'aujourd'hui vous intéresse mais pas forcément à mettre sous le sapin.
Avoir seize ans, foncer dans la nuit calme sur une route déserte et sentir la brise tiède caresser vos épaules tout en enlaçant la taille d'un garçon qui vous a embrassé hier pour la première fois, la joue appuyée contre son dos : ce devait être la définition du bonheur.
Qu'est-ce qu'il te ressemble ! Il a tes yeux, ton nez, ta bouche, tes cheveux.
- Je sais, le pauvre.
- Pas du tout ! Il est très beau. Mais on voit que c'est un autre moule. Martin et Lucas sont identiques, avec juste des couleurs différentes, le brun aux yeux bleus et le blond aux yeux marron. Il était plaisant de parler avec lui. Il s'intéressait à ses fils avec un œil de peintre.
Elle n'avait pas besoin d'aller en ligne pour rencontrer des hommes.