ร‰lise sur les chemins

Publiรฉ le 11 Mai 2022

Élise sur les chemins

๐ธฬ๐“๐’พ๐“ˆ๐‘’ ๐“ˆ๐“Š๐“‡ ๐“๐‘’๐“ˆ ๐’ธ๐’ฝ๐‘’๐“‚๐’พ๐“ƒ๐“ˆ est un roman en vers librement inspiré de la vie familiale du géographe et écrivain anarchiste du XIXe siècle Élisée Reclus. Un paysage champêtre, une famille nombreuse qui vit à l'écart du monde, une femme-serpent et une tourmaline magique, voici les principaux ingrédients du récit de Bérengère Cournut. En s'inspirant du personnage d'Élisée mais en le transposant dans un récit à la frontière du réel et de l'imaginaire, Bérengère Cournut interroge notre rapport au désir, à la nature et au travail. Son récit s'apparente à un conte, dont la forme poétique peut être déconcertante, mais qui m'a enchanté.

 

Nous entrons dans le récit par la voix d'Élise, une fillette de onze ans qui se présente comme une "๐‘’๐“ƒ๐’ป๐’ถ๐“ƒ๐“‰ ๐’น๐‘’๐“ˆ ๐’ถ๐“‡๐’ท๐“‡๐‘’๐“ˆ, ๐’ป๐’พ๐“๐“๐‘’ ๐’น๐‘’ ๐“'๐‘’๐’ถ๐“Š". Elle nous présente sa famille et son mode de vie. Les nombreux enfants de cette famille ont selon leur bourru voisin "๐’น๐‘’๐“ˆ ๐“…๐“‡๐‘’ฬ๐“ƒ๐‘œ๐“‚๐“ˆ ๐’ถฬ€ ๐“๐’ถ ๐’ธ๐‘œ๐“ƒ". En réalité, leur sophistication et leur poésie vaut inspiration pour de futurs enfants, jugez plutôt : Élisée, Onésime, Louise, Marie, Élise, Anna, Élie, Suzanne, Paul et Lison. Zéline, leur mère, est surnommée Féline, tandis que Jacques, leur père, est appelé Le Lion. Ils vivent isolés dans la forêt, à l'écart de la société. On ne sait pas au départ à quelle époque peut se dérouler le récit. Les fils aînés, Élisée et Onésime, de jeunes adultes, sont partis étudier l'horticulture et découvrir le vaste monde. Mais leur petite sœur Élise fait la rencontre d'une chimère inspirant plus ou moins confiance qui l'avertit que ses frères sont en danger. Cette petite femme-serpent "๐’ถ๐“Š ๐’ธ๐‘œ๐“‡๐“…๐“ˆ ๐“ƒ๐“Š ๐‘’๐“‰ ๐’ท๐“๐’ถ๐“ƒ๐’ธ, ๐’ถ๐“Š๐“ ๐’ธ๐’ฝ๐‘’๐“‹๐‘’๐“Š๐“ ๐’น๐‘’ ๐’ป๐“๐’ถ๐“‚๐“‚๐‘’๐“ˆ" craint qu'Élisée soit "๐“‡๐‘’๐“‰๐‘’๐“ƒ๐“Š ๐“…๐“‡๐’พ๐“ˆ๐‘œ๐“ƒ๐“ƒ๐’พ๐‘’๐“‡ ๐“…๐’ถ๐“‡ ๐’ช๐“ƒ๐’น๐’พ๐“ƒ๐‘’, ๐‘€๐‘’ฬ๐“๐“Š๐“ˆ๐’พ๐“ƒ๐‘’ ๐‘œ๐“Š ๐“Š๐“ƒ๐‘’ ๐’ถ๐“ƒ๐‘”๐“Š๐’พ๐“๐“๐‘’". Elle l'incite à partir à leur rencontre pour les défendre contre ses dangereuses cousines et lui confie une pierre magique : un éclat de tourmaline qui "๐’น๐’พ๐’ป๐’ป๐“Š๐“ˆ๐‘’ ๐’น๐‘’๐“ˆ ๐“‰๐‘’๐’พ๐“ƒ๐“‰๐‘’๐“ˆ ๐“‡๐‘œ๐“ˆ๐‘’๐“ˆ ๐‘’๐“‰ ๐“‹๐‘’๐“‡๐“‰๐‘’๐“ˆ" et qui "๐‘”๐“‡๐‘œ๐“ƒ๐’น๐‘’". La Vouivre la prévient : "๐ฟ๐’ถ ๐“‰๐‘œ๐“Š๐“‡๐“‚๐’ถ๐“๐’พ๐“ƒ๐‘’ ๐“‰๐‘’ ๐“ˆ๐“ˆ๐“ˆ๐“ˆ๐‘’๐“‡๐“‹๐’พ๐“‡๐’ถ ๐“‰๐“‡๐‘œ๐’พ๐“ˆ ๐’ป๐‘œ๐’พ๐“ˆ" après quoi elle s'enflammera. Après concertation entre sœurs, Élise part donc à la rencontre de ses deux grands frères. Elle descend de sa colline et marche quelques temps. Le récit, intemporel au départ, s'ancre dans l'époque contemporaine avec des indices de modernité à son arrivée dans un village (elle y entend alors des bruits de mobylette et de guitare électrique). Elle constate qu'une partie du territoire et de ses hommes est abimé par l'industrialisation et l'exploitation de la terre. Cela contraste avec ses habitudes de vie qui sont au plus près de la nature. Elle maîtrise en effet tout un vocabulaire que Bérengère Cournut se fait un plaisir de nous partager : ๐’ถ๐“ƒ๐’ธ๐‘œ๐“๐’พ๐‘’, ๐“…๐‘œ๐“๐“๐’พ๐“ƒ๐’พ๐“ˆ๐’ถ๐“‰๐‘’๐“Š๐“‡๐“ˆ, ๐‘”๐“๐“Ž๐’ธ๐’พ๐“ƒ๐‘’๐“ˆ, ๐‘”๐“‡๐’ถ๐“‚๐’พ๐“ƒ๐‘’ฬ๐‘’๐“ˆ, ๐’ธ๐‘œ๐“‡๐‘œ๐“๐“๐‘’๐“ˆ, ๐“…๐’พ๐“ˆ๐“‰๐’พ๐“๐“ˆ, ๐‘’ฬ๐“‰๐’ถ๐“‚๐’พ๐“ƒ๐‘’๐“ˆ, ๐“ˆ๐“…๐‘œ๐“‡๐‘’๐“ˆ ๐‘œ๐“Š ๐‘’๐“ƒ๐’ธ๐‘œ๐“‡๐‘’ ๐’ป๐“๐‘’ฬ๐‘œ๐“๐‘’๐“ˆ. Les valeurs de liberté et d'amour familial sont le fil rouge de ce roman d'apprentissage. Sont aussi évoqués : l'anarchisme (p. 139), l'homosexualité, la jalousie, l'écologie, l'immigration, la transmission.

 

À la fois chant d'amour et critique sociale, Bérengère Cournut nous propose un récit onirique plein de fraîcheur et de créatures merveilleuses : la vouivre ou femme-serpent anxieuse, Mélusine la chanteuse, Ondine la baigneuse et Ophélie la danseuse. Je garde en tête ce récit car je n'en ai pas encore toutes les clés d'interprétation. Il me semble qu'il y est question du pouvoir de séduction féminin. J'ai en tout cas passé un bon moment en compagnie de l'écriture sautillante, joyeuse et poétique de Bérengère Cournut et vous encourage à la découvrir.

 

"- Ondine a une voix haut perchรฉe et crisssstalline
Des cheveux fins qui lui tombent aux chevilles
Et surtout un affreux rire de petite fille
En outre, cette garcce adore miroiter
Sous les branches des peupliers
- D'accord, mais quel mal fait-elle aux garรงons ?
- Aucun... Elle les rend jusssste cons"
J'aimerais bien dire ร  la Vouivre que pour inoculer la connerie
Elle s'y connaรฎt aussi
Mais je choisis une autre stratรฉgie [...]

Je recueille une pierre
De la taille d'une musaraigne
Dans le creux de ma main ouverte
Elle diffuse des teintes roses et vertes
"Dis donc... c'est une pierre pastรจque ?
- Cccce que tu tiens lร , me dit la Vouivre
Cccc'est un รฉclat de tourmaline
Avec รงa, tu feras tomber Mรฉlusine
Tu mรฉduseras Ondine
Tu conssssumeras les anguilles
- Est-elle donc magique ?
- Comme toute les pierres
Elle vient du fond de la Terre
Elle a la vie longue
Et tout au fond d'elle
Quelque chose gronde..."

Va, va, me dit-elle. Ils dรฉlirent tous comme รงa un temps
Puis se rรฉveillent un matin en criant : Maman ! [...]
Toi, en attendant, tu descends dans la combe
Tu longes le torrent, tu empruntes la riviรจre
Et tu anรฉantis au passage toutes les crรฉatures
Qui traรฎnent leurs nageoires, leurs cheveux de sorciรจre
Tu zigouilles les rรชves de serpent, les fantasmes d'anguilles -
Tout ce qui ressemble ร  une illusion de fille - d'accord ?

Mon pรจre dit que les seules lois valables sont celles qui prรฉsident ร  la croissance de ses salades.

Ca vient du club derriรจre le bar
Me dit la femme qui m'a nourrie
- Du club ? Un club de quoi ?
- Bah, un club... une boรฎte, si tu veux !
- Une boรฎte ? Mais pour ranger quoi ?
La femme rigole : "Des jeunes comme toi !"

Je le sais maintenant : pour s'orienter les rรชves sont grands.

Élise sur les chemins

Rรฉdigรฉ par Nota Bene

Publiรฉ dans #Je lis, #Je lis un peu de poรฉsie

Partager cet article

Commenter cet article