Queenie : la marraine de Harlem

Publié le 3 Mai 2022

Queenie : la marraine de Harlem

Manteau au col de fourrure, chapeau cloche, escarpins, avec tour à tour entre les mains une cigarette, une liasse de billets ou un revolver : l'allure élégante de Stéphanie Saint-Clair, martiniquaise installée à New York, assoit son personnage de chef de gang et de figure de la communauté afro-américaine du Harlem des années 30.

 

Le roman graphique signé Elizabeth Colomba et Aurélie Lévy retrace de façon inédite la vie de celle appelée Queenie. Dirigeant une loterie clandestine pendant la Prohibition, elle était aussi influente dans le milieu intellectuel de la Harlem Renaissance (mouvement de renouveau de la culture afro-américaine dans l’Entre-deux-guerres). À ce titre, de nombreuses références artistiques sont égrenées tout au long du récit : le peintre et sculpteur Charles Alston, le poète Walt Witman, les musiciens Thelonious Monk et Duke Ellington ou encore la danseuse Florence Mills. Le scénario se concentre sur l'année 1933, charnière pour le business de Queenie du fait de la fin de la Prohibition, tout en étant densifié par des flash-back sur sa jeunesse. Le tout est très cinématographique. Outre les références culturelles, on trouve aussi des références historiques : la mise en scène de personnages comme Al Capone ou l'intervention glaçante (pour ne pas dire brûlante...) du Ku Klux Klan.

 

Le graphisme d'un noir et blanc ultra élégant, se grisant lors des flash back en évitant tout manichéisme au personnage, nous plonge dans une atmosphère classique aux accents mafieux. Certaines planches sont remarquables : la construction parallèle des pages 56 et 57 sur les agressions sexuelles, celle du cinéma avec la prise de parole de l'indien du film qui se charge d'expliciter les paroles de Bumpy, fidèle associé de Queenie (p. 71), celles sur le KKK qui font également référence à la mort de George Floyd (p. 95 à 100), ou encore celle de la noyade (p. 122). Le danger est symbolisé à plusieurs reprises par les sabots des chevaux.

 

Cet album est à la fois un récit d'émancipation féminine, un thriller et un manifeste antiracisme documenté. Bientôt adapté sur grand écran, son histoire continuera sans nul doute de faire parler d'elle. N'hésitez pas : plongez dans le quartier effervescent, corrompu et contrasté de Harlem, le travail déployé au fil des pages de cette bande dessinée n'a d'égal que le charisme de Queenie.

 

Queenie : la marraine de Harlem
Queenie : la marraine de Harlem
Queenie : la marraine de Harlem
Queenie : la marraine de Harlem

Donnez un poisson à un homme et vous le nourrissez une journée. Apprenez-lui à pêcher et il n'aura plus jamais faim.

- Tu aimes ces merdes de westerns Bumpy ?
- C'est une piqûre de rappel. Quand j'étais petit, j'étais toujours du côté du cow-boy.
- Et il t'est arrivé quoi ?
- Il m'est arrivé l'Amérique. J'ai grandi et réalisé que j'étais un indien depuis le premier jour.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis aussi des BD

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