La Place
Publié le 24 Mai 2023
J'ai complété mes lectures du Prix Nobel 2022, Annie Ernaux, avec son récit autobiographique centré sur la figure de son père. Son style neutre, épuré et pudique, met en relief le parcours d'un homme : son ascension social de garçon de ferme à commerçant. Dans La Place, la narratrice retrace l'histoire de sa famille et à travers elle décrit une époque et un mode de vie. Annie Ernaux évoque le langage comme marqueur social, l'argent comme indice d'une ascension sociale, la honte c'est à dire la peut d'être humilié en sortant de son milieu. La Place que l'on occupe dans la société. L'anecdote du train est à ce sujet révélatrice : son père, monté par erreur dans le wagon de Première avec un billet de Seconde, doit s'acquitter d'une amende. Il ressent alors de la honte, non pas parce qu'il s'est trompé, mais parce qu'il a eu la sensation de ne pas avoir été à sa place. Annie Ernaux réussit à rendre hommage à son père en évitant tout lyrisme, tout pathos, et en taisant ses émotions. Elle montre la distance que ses études et son mariage ont installée entre elle et son père au fur et à mesure des années, jusqu'au récit de sa mort (plutôt déstabilisant pour une femme de ma génération). L'écriture du livre est en quelque sorte l'aboutissement du rêve d'un père pour sa fille, qui la conduisait de la maison à l'école sur son vélo, "𝑝𝑎𝑠𝑠𝑒𝑢𝑟 𝑒𝑛𝑡𝑟𝑒 𝑑𝑒𝑢𝑥 𝑟𝑖𝑣𝑒𝑠, 𝑠𝑜𝑢𝑠 𝑙𝑎 𝑝𝑙𝑢𝑖𝑒 𝑒𝑡 𝑙𝑒 𝑠𝑜𝑙𝑒𝑖𝑙".
Peut-être sa plus grande fierté, ou même la justification de son existence : que j'appartienne au monde qui l'avait dédaigné.
D'Annie Ernaux, j'ai aussi lu :