Le jeune homme
Publié le 23 Mai 2023
Le dernier roman d'Annie Ernaux est si court qu'on peine à le désigner comme tel. Il s'agit de quelques pages méprisantes et plutôt creuses dont ressort bien peu d'amour. Là où le thème se prêtait à une réflexion sur la condition féminine, sur le désir, l'émancipation, on ne trouve que des anecdotes, parfois risibles : "𝐿𝑎̂𝑐ℎ𝑒-𝑚𝑜𝑖 𝑙𝑎 𝑔𝑟𝑎𝑝𝑝𝑒, 𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑖𝑛𝑗𝑜𝑛𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑣𝑢𝑙𝑔𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑞𝑢𝑖 𝑙'𝑜𝑓𝑓𝑢𝑠𝑞𝑢𝑎𝑖𝑡, 𝑗𝑒 𝑛𝑒 𝑙'𝑎𝑣𝑎𝑖𝑠 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑎𝑑𝑟𝑒𝑠𝑠𝑒́𝑒 𝑎̀ 𝑝𝑒𝑟𝑠𝑜𝑛𝑛𝑒 𝑎𝑣𝑎𝑛𝑡 𝑙𝑢𝑖." Le récit de cette liaison avec un homme de 30 ans de moins aurait pu davantage être le prétexte à parler de la génèse de son récit L'évènement, qui raconte l'avortement clandestin subi alors qu'elle était étudiante. Transparaît seulement l'idée qu'elle avait déjà conscience au moment de vivre cette relation qu'elle en était le personnage de fiction. Elle revit à travers lui sa jeunesse : "𝑁𝑜𝑡𝑟𝑒 𝑟𝑒𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑝𝑜𝑢𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑠'𝑒𝑛𝑣𝑖𝑠𝑎𝑔𝑒𝑟 𝑠𝑜𝑢𝑠 𝑙'𝑎𝑛𝑔𝑙𝑒 𝑑𝑢 𝑝𝑟𝑜𝑓𝑖𝑡. 𝐼𝑙 𝑚𝑒 𝑑𝑜𝑛𝑛𝑎𝑖𝑡 𝑑𝑢 𝑝𝑙𝑎𝑖𝑠𝑖𝑟 𝑒𝑡 𝑖𝑙 𝑚𝑒 𝑓𝑎𝑖𝑠𝑎𝑖𝑡 𝑟𝑒𝑣𝑖𝑣𝑟𝑒 𝑐𝑒 𝑞𝑢𝑒 𝑗𝑒 𝑛'𝑎𝑢𝑟𝑎𝑖𝑠 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑖𝑚𝑎𝑔𝑖𝑛𝑒́ 𝑟𝑒𝑣𝑖𝑣𝑟𝑒." Elle considère leur histoire comme un "𝑝𝑎𝑠𝑠𝑒́ 𝑑𝑢𝑝𝑙𝑖𝑞𝑢𝑒́" et déclare que "𝑐'𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑒𝑢𝑡-𝑒̂𝑡𝑟𝑒 𝑐𝑒 𝑑𝑒́𝑠𝑖𝑟 𝑑𝑒 𝑑𝑒́𝑐𝑙𝑒𝑛𝑐ℎ𝑒𝑟 𝑙'𝑒́𝑐𝑟𝑖𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑑𝑢 𝑙𝑖𝑣𝑟𝑒 [...] 𝑞𝑢𝑖 𝑚'𝑎𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑠𝑠𝑒́𝑒 𝑎̀ 𝑒𝑚𝑚𝑒𝑛𝑒𝑟 𝐴. 𝑐ℎ𝑒𝑧 𝑚𝑜𝑖 𝑏𝑜𝑖𝑟𝑒 𝑢𝑛 𝑣𝑒𝑟𝑟𝑒 𝑎𝑝𝑟𝑒̀𝑠 𝑢𝑛 𝑑𝑖̂𝑛𝑒𝑟 𝑎𝑢 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑎𝑢𝑟𝑎𝑛𝑡 [...]". Ces quelques pages ont au moins le méritent de cristalliser les thèmes phares de l'œuvre de l'autrice : le rapport au temps, à l'écriture, à la mémoire, la condition féminine, la condition de transfuge de classe. Son style neutre est ici encore dans la droite ligne d'une sorte de documentaire au style froid, factuel et minimaliste.