Célèbre

Publié le 19 Septembre 2024

La célébrité est ma vie. Celle que je savais que j’aurais, celle que j’ai fait en sorte d’avoir. […] La célébrité est une drogue dure, un monstre féroce. Et je suis allée la chercher avec ma rage, avec mes ongles, avec mes dents. L’extrême notoriété a libéré la bête en moi, impitoyable et cruelle. Autant le dire d’emblée : je me suis sali les mains.

Célèbre

Se maintenir en haut de l'affiche : l'enjeu était de taille pour Maud Ventura après la parution remarquée de son premier roman Mon mari en 2021. Elle a de nouveau ensoleillée ma rentrée littéraire, avec le thème de la célébrité.

 

Depuis sa plus tendre enfance, Cléo rêve d'être une star. Elle veut devenir chanteuse et révolutionner l'industrie musicale internationale. Elle est convaincue que le succès n'arrive pas par hasard. Elle est prête à tout pour l'obtenir. De la France aux États-Unis, au fil d'efforts, de persévérance et d'égoïsme, Cléo trace son chemin vers la notoriété et son monde où règne l'artifice. Lorsque nous la découvrons, elle est au sommet de la gloire, vers ses 30 ans. Elle ressemble à un mélange entre Taylor Swift, Lady Gaga et Beyoncé. Elle part seule pour trois semaines sur une île déserte au milieu de l'océan Pacifique, sans eau ni électricité : "𝘭𝘦 𝘨𝘦𝘯𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘧𝘢𝘯𝘵𝘢𝘴𝘮𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘭𝘢 𝘤é𝘭é𝘣𝘳𝘪𝘵é 𝘱𝘦𝘳𝘮𝘦𝘵 𝘥'𝘢𝘤𝘩𝘦𝘵𝘦𝘳. 𝘘𝘶𝘢𝘯𝘥 𝘰𝘯 𝘢 𝘵𝘰𝘶𝘵, 𝘪𝘭 𝘧𝘢𝘶𝘵 𝘣𝘪𝘦𝘯 𝘧𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘱𝘳𝘦𝘶𝘷𝘦 𝘥'𝘶𝘯 𝘱𝘦𝘶 𝘥'𝘪𝘮𝘢𝘨𝘪𝘯𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘴𝘦𝘴 𝘷𝘢𝘤𝘢𝘯𝘤𝘦𝘴 𝘥'é𝘵é." A la manière d'une autobiographie intérieure, nous suivons le récit de son ascension. Tout ce que Cléo ne peut pas dire en interview ou publier sur Instagram, elle nous le livre sans faux-semblants. Le portrait est féroce. Cléo est odieuse, vaniteuse, pleine de méchanceté magnifiquement cachée. Évidemment, on aborde les affres de la célébrité : les transformations des rapports avec les gens, le manque de vie privée, le rapport à l'argent, l'addiction à la notoriété, l'angoisse de l'échec et l'ivresse du succès. On explore le caractère malsain du star-system. Mais surtout, on est happé et séduit par le ton acide de Cléo. Sans filtre, elle nous dévoile son sentiment de supériorité. Le titre de sa première chanson, 𝘐 𝘧𝘦𝘦𝘭 𝘯𝘰𝘵𝘩𝘪𝘯𝘨, est en cela révélateur du peu d'estime qu'elle a réellement pour son public : "𝘌𝘴𝘵-𝘤𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘫'𝘢𝘪 𝘥é𝘫à 𝘦𝘹𝘱𝘭𝘪𝘲𝘶é à 𝘲𝘶𝘦𝘭 𝘱𝘰𝘪𝘯𝘵 𝘫'é𝘵𝘢𝘪𝘴 𝘥éç𝘶𝘦 𝘱𝘢𝘳 𝘮𝘦𝘴 𝘧𝘢𝘯𝘴 ? 𝘔ê𝘮𝘦 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘶𝘯𝘦 𝘷𝘪𝘭𝘭𝘦 𝘢𝘶𝘴𝘴𝘪 𝘳𝘪𝘤𝘩𝘦 𝘦𝘵 𝘴𝘰𝘱𝘩𝘪𝘴𝘵𝘪𝘲𝘶é𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘔𝘪𝘭𝘢𝘯, 𝘪𝘭𝘴 𝘴𝘰𝘯𝘵 𝘮𝘢𝘭 𝘩𝘢𝘣𝘪𝘭𝘭é𝘴 𝘦𝘵 𝘪𝘭𝘴 𝘰𝘯𝘵 𝘭𝘦𝘴 𝘥𝘦𝘯𝘵𝘴 𝘫𝘢𝘶𝘯𝘦𝘴 𝘛𝘰𝘶𝘵𝘦𝘴 𝘭𝘦𝘴 𝘴𝘵𝘢𝘳𝘴 𝘩𝘰𝘭𝘭𝘺𝘸𝘰𝘰𝘥𝘪𝘦𝘯𝘯𝘦𝘴 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘥𝘪𝘳𝘰𝘯𝘵 𝘭𝘢 𝘮ê𝘮𝘦 𝘤𝘩𝘰𝘴𝘦 : 𝘭𝘦𝘴 𝘧𝘢𝘯𝘴 𝘧𝘰𝘯𝘵 𝘳𝘢𝘳𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘱𝘢𝘳𝘵𝘪𝘦 𝘥𝘶 𝘩𝘢𝘶𝘵 𝘥𝘶 𝘱𝘢𝘯𝘪𝘦𝘳."

 

Maud Ventura reprend les ingrédients de son premier roman : une narratrice affreusement égoïste et maniaque du contrôle, un déséquilibre psychique qui s'exprime à travers le corps, un ton cruellement drôle, une thématique percutante. Elle nous le dit clairement par le biais de son personnage : "𝘑'𝘶𝘵𝘪𝘭𝘪𝘴𝘦 𝘭𝘢 𝘮ê𝘮𝘦 𝘳𝘦𝘤𝘦𝘵𝘵𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘭𝘦 𝘱𝘳𝘦𝘮𝘪𝘦𝘳 𝘢𝘭𝘣𝘶𝘮 : 𝘫𝘦 𝘱𝘢𝘳𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘮𝘰𝘪 𝘦𝘯 𝘨𝘰𝘮𝘮𝘢𝘯𝘵 𝘭𝘦𝘴 𝘥é𝘵𝘢𝘪𝘭𝘴 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘵𝘰𝘶𝘤𝘩𝘦𝘳 à 𝘭'𝘶𝘯𝘪𝘷𝘦𝘳𝘴𝘦𝘭." Le dénouement en deux temps, sur la question de l'impunité, est imprévisible et brutal comme dans Mon mari. J'ai passé un excellent moment en compagnie de ce récit. Mais attention, bien qu'elle ait su revisiter sa recette pour ce deuxième roman, il faudra que Maud Ventura sache se renouveler par la suite, au risque de s'enfermer dans un même schéma narratif et de lasser. En attendant, si ce n'est pas encore fait, n'hésitez surtout pas à faire la connaissance de la nouvelle idole Cléo Louvent : j'ai adoré !

 

La célébrité n'est pas une victoire, c'est une vengeance.

C'est l'un des secrets les mieux gardés à mon sujet : je suis une besogneuse. Parfois, il m'arrive même de penser que je n'ai aucun talent. Rien ne m'a jamais été offert. Au mieux quelques rares fulgurances dans un océan de labeur.

Bientôt, je dirai que j'ai mis dix ans à être connue du jour au lendemain.

Je suis plus riche que je ne l'ai jamais été - je le sais parce que je commence à désirer très fort des choses qui ne s'achètent pas.

Je ne l'avouerai jamais publiquement, mais je suis épuisée. J'étais prête à toutes les guerres pour être célèbre, sans imaginer que je devrais donner autant pour le rester.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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