Toucher la terre ferme
Publié le 22 Février 2022
Dans son dernier livre, la nantaise Julia Kerninon expose ses contradictions et sa réflexion sur la façon de réconcilier les deux facettes d'une femme à la fois libre écrivaine et mère. Le sujet avait tout pour me plaire. C'est précieux un livre sur le devenir mère qui ne soit pas un énième guide évoquant insomnies, hémorroïdes et éducation bienveillante. C'est précieux un témoignage de cette expérience qui ébranle, transforme, peut faire perdre pied. Et pourtant. Certes, Julia Kerninon réfléchit à ce que l'on perd et ce que l'on gagne en si peu de temps en devenant mère. Elle se questionne avec franchise. Mais plutôt que d'approfondir réellement le sujet du devenir mère, elle nous livre en fait un très court texte (plein de marges...) autobiographique où elle aborde avec peu de pudeur son cheminement émancipateur et amoureux. J'ai même trouvé un manque d'humilité dans ses propos. De l'indélicatesse envers son mari aussi. J'aurais aimé en savoir moins sur son passé, ses excès et ses rencontres chancelantes. Les fragments biographiques ne m'ont pas semblé suffisamment en cohérence avec la thématique annoncée. J'ai tout de même noté la longue et émouvante anaphore consacrée à ses enfants en fin d'ouvrage, un style globalement fluide et maîtrisé et quelques réflexions intéressantes.
[...] la sage-femme m’a dit avec joie, en pressant ses paumes sur les miennes, C’était un accouchement tellement brillant, et dans mon orgueil comme dans mon innocence, j’ai pensé que tout s’arrêtait là, alors qu’au contraire, tout commençait.
Si seulement mon écriture pouvait un jour rivaliser avec ça - si seulement mes phrases pouvaient avoir cette force et cette certitude, cette élégance, cette absence de retenue, et pourtant cette hauteur.
[...] les traits de caractères auxquels je devais les réussites de la vingtaine - l'obstination, la solitude, l'intransigeance - n'étaient d'aucune utilité à une mère [...]
Sur le parking de la maternité, cette nuit de novembre, j'ai compris la force de la réalité qui venait avec le fait d'endosser ce rôle, la vie quotidienne, la vie domestique, la platitude. J'ai compris le lien de vie et de mort que j'avais noué avec l'enfant et son père. J'ai compris qu'il n'y aurait pas de retour, seulement des échappées.