Summer

Publié le 28 Septembre 2017

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En cette rentrée littéraire, se laisser happer dans les profondeurs du lac Léman...

 

Summer par Sabolo

 

 

La quatrième de couverture :

 

Lors d’un pique-nique au bord du lac Léman, Summer, dix-neuf ans, disparaît. Elle laisse une dernière image : celle d’une jeune fille blonde courant dans les fougères, short en jean, longues jambes nues. Disparue dans le vent, dans les arbres, dans l’eau. Ou ailleurs ?
Vingt-cinq ans ont passé. Son frère cadet Benjamin est submergé par le souvenir. Summer surgit dans ses rêves, spectrale et gracieuse, et réveille les secrets d’une famille figée dans le silence et les apparences.
Comment vit-on avec les fantômes ?

 

 

Mon avis :

 

Tentée par le résumé de l'intrigue et sa mise en avant sur les tables des libraires, j'étais tout de même encline à grimacer à la vue du titre : Summer. De l'anglais pour le nom d'une vulgaire héroïne aux cheveux chlorés ? Mais les quelques lignes reproduites ci-dessous m'ont tout de suite réconciliées avec l'auteur...

Ma soeur, Summer, née au tout début de l'été.
Ma soeur Summer disparue en été. Trois semaines à peine après son anniversaire. L'été de ses dix-neuf ans.
Ma mère disait qu'à sa naissance ses cheveux étaient si clairs qu'on aurait dit qu'ils étaient constitués de lumière.
Ma mère qui ne parlait pas l'anglais et n'a jamais fait preuve du moindre romantisme, avait choisi pour sa fille un prénom de pom-pom girl, de pop star californienne. Un prénom qui évoquait un champ de fleurs, où volettent des papillons écarlates. Ou une corvette rutilante, fonçant sur une corniche le long de l'océan.

Ma sœur ressemblait pour de vrai à une reine de beauté de feuilleton américain, ces filles saines, aux jambes élastiques, avec des dents blanches irréelles, et dans leurs yeux une lueur insaisissable évoquant le chagrin ou le mal. Ces filles qui ont des rêves trop grands pour elles, ou qui font naître une douleur, quelque chose qui ressemble à du ressentiment, dans le cœur des garçons, et qui finissent dans le coffre d'un 4 x 4, au fin fond d'une forêt.

L'écriture nous happe dès les premières pages, nous plongeant dans l'atmosphère chaude, éclatante et poisseuse de "ce mois de juillet où nos vies ont changé pour toujours". Ce dont il est question ici, c'est d'une évaporation. Benjamin, un homme de 38 ans, nous livre - à nous et au docteur Traub - ses pensées hantées par la disparition de sa sœur, absente depuis vingt-quatre ans. Summer, dix-neuf ans, blonde solaire entourée de ses amies, disparaît mystérieusement lors d'un pique-nique sur les rives du lac Léman.

 

Entre thriller et récit poétique, le roman de Monica Sabolo nous embarque au sein d'une famille de la bourgeoisie genevoise. L'intrigue s'inscrit dans un univers à la fois balnéaire et brumeux, filant une métaphore aquatique omniprésente. Le lac évoqué tout au long du récit est l'abîme symbolique des inconscients. L'indicible remontera pourtant peu à peu à la surface pour Benjamin.

 

Il évoque une mère rayonnante mais distante, un père d'une virilité triomphante, une sœur sublime mais insaisissable... une famille enviée. Lui se considère comme le vilain petit canard. Il n'aura de cesse de vivre son enfance puis son adolescence en se coupant des autres, se dévalorisant.

 

Il faudra attendre la page 205 pour que s'opère soudainement, une fois étudiant, l'heureuse "transformation du monde en une matrice gorgée de sang et d'hormones". La mémoire sensuelle des corps adolescents et des efforts nerveux nécessaires pour s'inscrire dans le monde à cette période de la vie est notable tout au long du récit de Monica Sabolo.

 

Ce roman est entêtant : je l'ai lu en deux sessions de lecture seulement. Il aborde des thèmes comme le mystère féminin, l'adolescence, les rapports parents-enfants... Il pourrait se dérouler au bord d'une piscine californienne ou dans une banlieue chic de Détroit. L'atmosphère y est particulière, entre souvenirs de festivités bourgeoises, détresse psychologique du narrateur, description contrastée du lac Léman...

 

On est bercés par le récit de Benjamin avant de se figer d'effroi et de dégoût dans le dernier tiers du roman lors d'une succession de révélations.

 

Les relents d'été de Monica Sabolo auront teintés mon début d'automne de grâce et de mystère. Je recommande la lecture de Summer pour qui ne craint pas le sordide et aime une écriture à la fois travaillée et onctueuse.

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La nuit, je plongeais dans un sommeil profond, peuplé de rêves intenses, et le jour, toutes sortes de souvenirs me revenaient à l'esprit, c'était une rivière brassée, un torrent puissant qui retournait tout ce qui reposait là-dessous, quelque chose de gluant et qui remontait à la surface, filant à toute vitesse dans le courant, nettoyé par l'eau vive.

 

Sabolo, Monica

Summer

Ed. J. C. Lattès

2017 / 315 p.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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