Publié le 31 Mai 2022

Le monde sans fin

Une vraie claque que cette bande dessinée. On ressort de sa lecture terriblement inquiet mais aussi plus informé sur les enjeux énergétiques et climatiques. Comme une discussion entre un candide auteur de bande dessinée et un éminent spécialiste des questions énergétiques, ce témoignage argumenté, limpide et non dénué d'humour nous explique les changements profonds que notre planète vit actuellement. Les enjeux économiques, écologiques et sociétaux sont abordés de front et invitent à la réflexion et au débat. C'est dense, grave, plombant même... mais fluide et passionnant. On y parle gaz à effet de serre, énergie et loi de conservation, énergies fossiles versus énergies non carbonées, planification écologique, réchauffement climatique, consommation et striatum, etc. Jean-Marc Jancovici explique qu'une décroissance (courant de pensée estimant que la croissance économique n'est pas soutenable du fait des ressources limitées de la Terre) est inévitable pour enrayer la catastrophe climatique annoncée par les scientifiques. L’énergie nucléaire y est présentée comme le parachute ventral de la transition énergétique. C'est là que le bas blesse : les inquiétudes au sujet de la sûreté des centrales nucléaires et de la gestion des déchets radioactifs sont un peu vite écartées. La puissance de l'innovation technologique et les capacités des énergies dites "renouvelables" vite balayées. Le propos demande donc sans doute à être nuancé, discuté. Reste que le travail pédagogique de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici est impressionnant et forcément enrichissant. J'ai particulièrement aimé la personnification de la Terre, stoïque et plantureuse rousse aux cheveux longs. Comme les auteurs lui font dire : "Tu ne pourras jamais me sauver moi, si tu ne commences pas par te sauver toi-même". Ainsi, heureusement, sont tout de même abordées quelques pistes de "rédemption". À titre individuel : consommer moins et mieux (notamment en ce qui concerne la viande et les produits laitiers), utiliser le moins possible l'avion et la voiture (à défaut, investir dans une voiture électrique) et favoriser l'utilisation des transports en commun et du vélo (même électrique), installer des pompes à chaleur plutôt que des chaudières, utiliser des appareils électroménagers plus performants et plus modérément, etc. À plus grande échelle, investir dans ces changements d'agriculture et d'industries permettrait des créations d'emplois et rendrait la décroissance plus acceptable. En ce qui concerne les pays qui n'ont pas encore accès à notre niveau de confort, Jean-Marc Jancovici propose avant tout de montrer l'exemple et aussi d'encourager l'éducation des femmes, l'accès à la contraception et l'accès au système de solidarité (les retraites). Bref, il ne reste plus qu'à "affronter ensemble les problèmes".

Le retour aux énergies renouvelables, même sophistiquées, ne permettra pas de garder une société d'abondance complexe, avec son système de santé, sa culture, telle que nous la connaissons. Le nucléaire ne pourra pas remplacer toutes les énergies fossiles. Il est comme un parachute ventral. Il nous permettra de conserver une partie, et une partie seulement, de ce que nous avons aujourd'hui. Et d'amortir une chute trop brutale. Parce que le parachute fossile principal brûle.

Publié le 23 Mai 2022

Jimi de la planète aux couleurs

Merci à L'école des loisirs

pour le partage de cette jolie fable

signée Caroline Solé et Gaya Wisniewski

 

Caroline Solé et Gaya Wisniewski collaborent de nouveau à L'école des loisirs et enrichissent la collection Moucheron adressée aux enfants de 6 à 8 ans qui font leur entrée dans la lecture autonome. Dans ce court roman, nous faisons la connaissance de Jimi, un jeune garçon, brun, au visage strié d'un arc-en-ciel, habitant isolé de la planète aux couleurs. Il a le pouvoir de transformer les objets grâce à ses feutres magiques. Mais il se sent seul… Alors il prend sa fusée pour aller sur Terre et découvrir la vie à l’école, avec les autres enfants. Il découvre avec appréhension puis soulagement des camarades bien sympathiques et l'occasion d'égayer grâce à ses feutres magiques leur assiette à la cantine. Caroline Solé et Gaya Wisniewski nous offrent une plongée dans l'imaginaire à partir de très peu de mots. Nous rencontrons Jimi dans sa bulle de sensibilité, son imaginaire, qui doit se confronter au monde réel et aux autres. Il surmonte son appréhension pour finalement s'adapter et trouver un équilibre entre son intériorité à préserver et l'ouverture aux autres à développer pour s'enrichir aussi. Car, comme le dit lui-même Jimi, "[𝑠𝑒𝑠] 𝑏𝑎𝑙𝑙𝑜𝑛𝑠 𝑠𝑜𝑛 𝑚𝑢𝑙𝑡𝑖𝑐𝑜𝑙𝑜𝑟𝑒𝑠 𝑚𝑎𝑖𝑠 [𝑖𝑙 𝑛'𝑎] 𝑝𝑎𝑠 𝑑'𝑒́𝑞𝑢𝑖𝑝𝑒". Les aquarelles de Gaya Wisniewski illustrent et illuminent l'histoire à merveille et promettent une suite radieuse au personnage de Jimi.

 

🌈

 

Du même duo d'autrices :

 

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

Partager cet article

Publié le 18 Mai 2022

Je veux un super pouvoir !

Voici un album d’Émilie Vast paru en mars 2020 que j'avais repéré à l'époque et que j'ai pu me procurer à la médiathèque dernièrement. Émilie Vast a su faire sa place dans l'univers du livre jeunesse avec des albums mettant principalement en scène des plantes et des animaux dans des illustrations stylisées, douces et poétiques, utilisant les lignes pures, la couleur en aplat et les contrastes. Dans Je veux un super pouvoir ! un jeune lapin brun se rêve en super-héros. Il lui faut donc trouver son super-pouvoir. Son ami Lapin Beige, sans vouloir le vexer, lui indique que beaucoup de pouvoirs sont déjà pris... La tortue peut rester six heures en apnée, le caméléon change de couleur pour se fondre dans le paysage, la baleine bleue peut communiquer avec ses congénères à plus de huit cents kilomètres, le bousier soulève mille fois son poids ! Avec drôlerie, tendresse et justesse, Émilie Vast fait découvrir aux plus-petits les capacités extraordinaires des animaux… et leur révèle au passage qu’ils sont eux aussi des super-héros qui s’ignorent ! En effet, on apprend qu'un lapin a une vue exceptionnelle à près de 360 degrés et qu'un humain a la capacité de mémoriser et apprendre toutes les informations apportées dans cet album et bien plus encore. Un album adorable dont il me tarde de découvrir la suite, avec les mêmes personnages de bavards petits lapins, au sujet des espèces animales souvent confondues (escargot et limace ou abeille et guêpe).

 

Je veux un super pouvoir !
Je veux un super pouvoir !
Je veux un super pouvoir !

Quelques titres phares de l'autrice et illustratrice
Quelques titres phares de l'autrice et illustratrice
Quelques titres phares de l'autrice et illustratrice
Quelques titres phares de l'autrice et illustratrice
Quelques titres phares de l'autrice et illustratrice
Quelques titres phares de l'autrice et illustratrice
Quelques titres phares de l'autrice et illustratrice

Quelques titres phares de l'autrice et illustratrice

Publié le 12 Mai 2022

De pierre et d'os

Après ma lecture du roman en vers Élise sur les chemins, j'ai poursuivi ma découverte de l'univers de Bérengère Cournut par son précédent et plébiscité roman De pierre et d'os. Aux abords du cercle arctique, une nuit, une fracture de la banquise sépare une jeune femme inuit de sa famille. Uqsuralik se voit livrée à elle-même, plongée dans la pénombre et le froid polaire. Elle n’a d’autre solution pour survivre que d’avancer, trouver un refuge. Commence ainsi pour elle, dans des conditions extrêmes, une véritable quête. D'abord seule avec ses chiens puis en intégrant des clans, elle devra survivre - à la faim, au froid, aux agressions animales et humaines - vivre et donner la vie. Le lecteur la suit ainsi sur de nombreuses années et est spectateur de ce qui lui arrive, des premières parties de chasse à l'initiation chamanique auprès de son second mari Naja en passant par des traumatismes (un viol notamment) mais aussi des instants de plénitude (comme les naissances de ses enfants : Hila, Nanok et Amaqjuat). Bérengère Cournut nous offre une immersion poétique dans l'âpre mode de vie des inuits. Leur existence nomade au cœur d'un blanc froid infini est rythmée par la chasse, la pêche, le dépeçage des animaux, la couture, la construction d'abris mais aussi les chants, les superstitions et rituels. Ils côtoient de nombreux animaux : phoques annelés, bélugas, narvals, morses, renards arctiques, ours, caribous, palourdes, etc. L'écriture, sobre et factuelle, ponctuée de vocabulaire inuit (amauti, tupilak, inukshuk...) et de chants, nous transporte dans une autre réalité envahie de glace et d'étoiles polaires. Pour autant, j'ai trouvé la narratrice, Uqsuralik, un peu trop distante, froide et résignée. La narration est lente et les digressions chantées pas toujours intéressantes. Le roman aurait peut-être gagné à être plus court, comme un condensé au service de la découverte de la communauté inuit et des paysages arctiques. Il aurait sans doute aussi gagné à faire transparaître plus d'émotions, d'autant que les thématiques de l'amour, de la féminité, de la maternité, de la sororité, de la transmission, de la filiation ou encore du deuil s'y prêtaient tout à fait. En s'accrochant un peu, on ressort malgré tout de cette lecture charmé, curieux et sensible aux énergies.

Soudain, l'un [des chiens] bondit vers moi. Je me jette sur un tas de neige pour lui échapper. Les autres grognent , les babines retroussées. Passé par-dessus ma tête, le chien a atteint l'endroit où je me tenais lorsque la banquise s'est fendue. Il est comme fou. Il grogne, il gratte, se déchire la gueule sur la glace. Il est en train de dévorer le sang coagulé qui s'est échappé de mon ventre.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

Partager cet article

Publié le 11 Mai 2022

Élise sur les chemins

𝐸́𝓁𝒾𝓈𝑒 𝓈𝓊𝓇 𝓁𝑒𝓈 𝒸𝒽𝑒𝓂𝒾𝓃𝓈 est un roman en vers librement inspiré de la vie familiale du géographe et écrivain anarchiste du XIXe siècle Élisée Reclus. Un paysage champêtre, une famille nombreuse qui vit à l'écart du monde, une femme-serpent et une tourmaline magique, voici les principaux ingrédients du récit de Bérengère Cournut. En s'inspirant du personnage d'Élisée mais en le transposant dans un récit à la frontière du réel et de l'imaginaire, Bérengère Cournut interroge notre rapport au désir, à la nature et au travail. Son récit s'apparente à un conte, dont la forme poétique peut être déconcertante, mais qui m'a enchanté.

 

Nous entrons dans le récit par la voix d'Élise, une fillette de onze ans qui se présente comme une "𝑒𝓃𝒻𝒶𝓃𝓉 𝒹𝑒𝓈 𝒶𝓇𝒷𝓇𝑒𝓈, 𝒻𝒾𝓁𝓁𝑒 𝒹𝑒 𝓁'𝑒𝒶𝓊". Elle nous présente sa famille et son mode de vie. Les nombreux enfants de cette famille ont selon leur bourru voisin "𝒹𝑒𝓈 𝓅𝓇𝑒́𝓃𝑜𝓂𝓈 𝒶̀ 𝓁𝒶 𝒸𝑜𝓃". En réalité, leur sophistication et leur poésie vaut inspiration pour de futurs enfants, jugez plutôt : Élisée, Onésime, Louise, Marie, Élise, Anna, Élie, Suzanne, Paul et Lison. Zéline, leur mère, est surnommée Féline, tandis que Jacques, leur père, est appelé Le Lion. Ils vivent isolés dans la forêt, à l'écart de la société. On ne sait pas au départ à quelle époque peut se dérouler le récit. Les fils aînés, Élisée et Onésime, de jeunes adultes, sont partis étudier l'horticulture et découvrir le vaste monde. Mais leur petite sœur Élise fait la rencontre d'une chimère inspirant plus ou moins confiance qui l'avertit que ses frères sont en danger. Cette petite femme-serpent "𝒶𝓊 𝒸𝑜𝓇𝓅𝓈 𝓃𝓊 𝑒𝓉 𝒷𝓁𝒶𝓃𝒸, 𝒶𝓊𝓍 𝒸𝒽𝑒𝓋𝑒𝓊𝓍 𝒹𝑒 𝒻𝓁𝒶𝓂𝓂𝑒𝓈" craint qu'Élisée soit "𝓇𝑒𝓉𝑒𝓃𝓊 𝓅𝓇𝒾𝓈𝑜𝓃𝓃𝒾𝑒𝓇 𝓅𝒶𝓇 𝒪𝓃𝒹𝒾𝓃𝑒, 𝑀𝑒́𝓁𝓊𝓈𝒾𝓃𝑒 𝑜𝓊 𝓊𝓃𝑒 𝒶𝓃𝑔𝓊𝒾𝓁𝓁𝑒". Elle l'incite à partir à leur rencontre pour les défendre contre ses dangereuses cousines et lui confie une pierre magique : un éclat de tourmaline qui "𝒹𝒾𝒻𝒻𝓊𝓈𝑒 𝒹𝑒𝓈 𝓉𝑒𝒾𝓃𝓉𝑒𝓈 𝓇𝑜𝓈𝑒𝓈 𝑒𝓉 𝓋𝑒𝓇𝓉𝑒𝓈" et qui "𝑔𝓇𝑜𝓃𝒹𝑒". La Vouivre la prévient : "𝐿𝒶 𝓉𝑜𝓊𝓇𝓂𝒶𝓁𝒾𝓃𝑒 𝓉𝑒 𝓈𝓈𝓈𝓈𝑒𝓇𝓋𝒾𝓇𝒶 𝓉𝓇𝑜𝒾𝓈 𝒻𝑜𝒾𝓈" après quoi elle s'enflammera. Après concertation entre sœurs, Élise part donc à la rencontre de ses deux grands frères. Elle descend de sa colline et marche quelques temps. Le récit, intemporel au départ, s'ancre dans l'époque contemporaine avec des indices de modernité à son arrivée dans un village (elle y entend alors des bruits de mobylette et de guitare électrique). Elle constate qu'une partie du territoire et de ses hommes est abimé par l'industrialisation et l'exploitation de la terre. Cela contraste avec ses habitudes de vie qui sont au plus près de la nature. Elle maîtrise en effet tout un vocabulaire que Bérengère Cournut se fait un plaisir de nous partager : 𝒶𝓃𝒸𝑜𝓁𝒾𝑒, 𝓅𝑜𝓁𝓁𝒾𝓃𝒾𝓈𝒶𝓉𝑒𝓊𝓇𝓈, 𝑔𝓁𝓎𝒸𝒾𝓃𝑒𝓈, 𝑔𝓇𝒶𝓂𝒾𝓃𝑒́𝑒𝓈, 𝒸𝑜𝓇𝑜𝓁𝓁𝑒𝓈, 𝓅𝒾𝓈𝓉𝒾𝓁𝓈, 𝑒́𝓉𝒶𝓂𝒾𝓃𝑒𝓈, 𝓈𝓅𝑜𝓇𝑒𝓈 𝑜𝓊 𝑒𝓃𝒸𝑜𝓇𝑒 𝒻𝓁𝑒́𝑜𝓁𝑒𝓈. Les valeurs de liberté et d'amour familial sont le fil rouge de ce roman d'apprentissage. Sont aussi évoqués : l'anarchisme (p. 139), l'homosexualité, la jalousie, l'écologie, l'immigration, la transmission.

 

À la fois chant d'amour et critique sociale, Bérengère Cournut nous propose un récit onirique plein de fraîcheur et de créatures merveilleuses : la vouivre ou femme-serpent anxieuse, Mélusine la chanteuse, Ondine la baigneuse et Ophélie la danseuse. Je garde en tête ce récit car je n'en ai pas encore toutes les clés d'interprétation. Il me semble qu'il y est question du pouvoir de séduction féminin. J'ai en tout cas passé un bon moment en compagnie de l'écriture sautillante, joyeuse et poétique de Bérengère Cournut et vous encourage à la découvrir.

 

"- Ondine a une voix haut perchée et crisssstalline
Des cheveux fins qui lui tombent aux chevilles
Et surtout un affreux rire de petite fille
En outre, cette garcce adore miroiter
Sous les branches des peupliers
- D'accord, mais quel mal fait-elle aux garçons ?
- Aucun... Elle les rend jusssste cons"
J'aimerais bien dire à la Vouivre que pour inoculer la connerie
Elle s'y connaît aussi
Mais je choisis une autre stratégie [...]

Je recueille une pierre
De la taille d'une musaraigne
Dans le creux de ma main ouverte
Elle diffuse des teintes roses et vertes
"Dis donc... c'est une pierre pastèque ?
- Cccce que tu tiens là, me dit la Vouivre
Cccc'est un éclat de tourmaline
Avec ça, tu feras tomber Mélusine
Tu méduseras Ondine
Tu conssssumeras les anguilles
- Est-elle donc magique ?
- Comme toute les pierres
Elle vient du fond de la Terre
Elle a la vie longue
Et tout au fond d'elle
Quelque chose gronde..."

Va, va, me dit-elle. Ils délirent tous comme ça un temps
Puis se réveillent un matin en criant : Maman ! [...]
Toi, en attendant, tu descends dans la combe
Tu longes le torrent, tu empruntes la rivière
Et tu anéantis au passage toutes les créatures
Qui traînent leurs nageoires, leurs cheveux de sorcière
Tu zigouilles les rêves de serpent, les fantasmes d'anguilles -
Tout ce qui ressemble à une illusion de fille - d'accord ?

Mon père dit que les seules lois valables sont celles qui président à la croissance de ses salades.

Ca vient du club derrière le bar
Me dit la femme qui m'a nourrie
- Du club ? Un club de quoi ?
- Bah, un club... une boîte, si tu veux !
- Une boîte ? Mais pour ranger quoi ?
La femme rigole : "Des jeunes comme toi !"

Je le sais maintenant : pour s'orienter les rêves sont grands.

Élise sur les chemins

Publié le 4 Mai 2022

Harlem (T.1)

L'ambivalente Stéphanie Saint-Clair, martiniquaise installée à New York, chef de gang et figure de la communauté afro-américaine du Harlem des années 30, est de nouveau mise en lumière par le neuvième art, quelques mois après la sortie de l'élégant roman graphique Queenie : la marraine de Harlem. Cette fois, c'est l'auteur Mikaël qui lui consacre un diptyque au sein d'une série. Le premier volet est paru en janvier et peut se lire indépendamment des précédents (Giant T.1 & 2 et Bootblack T.1 & 2).

 

Première différence notable : le graphisme et la colorisation. Ici les tons chauds (marron, orange, vert kaki...) côtoient à la fois des plans larges représentant l'immensité de la ville de New York et des plans serrés, souvent à hauteur d'enfant ou en contre-plongée. Le trait est assez réaliste et expressif. Quelques planches bleues et muettes se différencient des autres, mettant en scène des flash back du parcours de Queenie où la couleur jaune, symbolisant la liberté, se charge de la narration. J'ai parfois remarqué l'influence du dessin manga (p. 8). J'ai apprécié l'ensemble même si l'originalité et l'élégance de ma précédente lecture était prégnantes.

 

Deuxième différence : la narration est prise en charge par un personnage secondaire - en l’occurrence un journaliste blanc qui n’a pas le droit d’enquêter sur la reine de Harlem mais qui fera en sorte de grappiller des informations - et mêle véracité historique et fiction. J'ai trouvé les dialogues parfois trop faciles et plaqués pour expliquer au lecteur le contexte dans lequel évolue les personnages (par exemple à la p. 18 au sujet de la loterie) mais c'est aussi ce qui permet de bien comprendre l'intrigue et de se passer de notes de fin d'ouvrage (présentent dans le roman graphique Queenie). J'ai mieux compris les différents rapports de force entre gangs mafieux et identifié les principaux "patrons" (Dutch Schultz le hollandais et Lucky Luciano l'italien).

 

Énigmatique, singulière, influente, intransigeante, maîtrisant un anglais mâtiné de français et de créole, la "négresse française" de Harlem au dos zébré de cicatrices, comparée à J. C. Walker, permet à Mikaël de nous plonger de façon renouvelée dans le New York de La Grande Dépression, entre speakeasies, barbiers, clubs de jazz et sombres ruelles. J'ai été un peu frustrée de voir la BD se terminer par un cliffhanger... mais c'est de bonne guerre pour nous faire revenir vers le deuxième tome - à la couverture tout aussi belle que le premier - dont la parution est prévue pour 2023.

 

 

 

L'oiseau en cage ne sait pas qu'il sait voler.

Harlem (T.1)
Harlem (T.1)
Harlem (T.1)