Publié le 31 Janvier 2022

Afrique

Merci à la maison Nathan pour le partage de ce nouvel album

 

paru en octobre dernier

 

 

Voici un album d'un grand format à la hauteur de l'immensité de ce beau continent qu'est l'Afrique. Pour apprendre à le connaître, de manière forcément quelque peu survolée, nous suivons un parcours jalonné de 12 étapes, du Maroc au Mali en passant par Madagascar. Biodiversité, paysages, patrimoine culturel, monuments, modes de vie, figures historiques : on va de surprises en découvertes sur chaque double-page consacrée à une région particulière. Des pays sont en effet regroupés comme par exemple le Kenya, la Tanzanie et le Mozambique, ou encore la République démocratique du Congo, l'Ouganda et le Rwanda. Certaines doubles-pages offrent des respirations avec des paysages grandioses comme ceux du désert du Sahara ou du delta de l'Okavango. L'album permet, à partir de 7 ans environ, de prendre conscience de la diversité des différents territoires africains. C'est une fenêtre ouverte sur la beauté du monde. Au-delà de la découverte des paysages, de la faune, de la flore, de certaines caractéristiques culturelles, sont parfois évoqués certains éléments moins agréables de l'histoire africaine. Ainsi, à travers la figure de Nelson Mandela, on aborde l'apartheid. Sont également évoqués, en vrac : le braconnage des éléphants, l'activité minière, l'esclavage, etc. En contre-point, on y parle aussi de prospérité ou de succès à travers, par exemple : la civilisation égyptienne, la défense des gorilles, l'athlétisme, le combat militant d'Aminata Traoré, etc. J'ai apprécié trouver en fin d'ouvrage deux doubles-pages consacrées respectivement à la faune et à la flore. Riche sans être exhaustif - mais comment le pourrait-on ? - ce carnet de voyage est plutôt un appel à s'intéresser plus encore à la géographie africaine et aux mille couleurs et senteurs qui composent les paysages de cet immense berceau de l'humanité.

 

Afrique
Afrique
Afrique
Afrique

Publié le 27 Janvier 2022

Bébé

Voici un album vintage dont la première parution française date de 1976. Emprunté à la bibliothèque, j'avoue l'avoir dans un premier temps faussement jugé à sa première de couverture. Je remercie finalement ma fille pour cette belle découverte ! Cet album tendre et poétique signé Fran Manushkin et Ronald Himler et édité par l'École des loisirs aborde le thème de la naissance avec délicatesse, humour et intelligence. Il rend hommage à Frédéric Leboyer, ancien gynécologue et obstétricien français ayant développé une méthode d'accouchement en douceur, "sans violence", permettant autant que faire se peut au nouveau-né de venir au monde sans traumatisme. Il a notamment préconisé de poser le bébé venant de naître sur le ventre de sa mère pour qu'il continue à en sentir la chaleur et le battement cardiaque (ce qui n'était pas fait avant). Il est également en partie à l'origine de la pratique du chant prénatal.

 

Mais revenons à notre histoire. Celle du bébé de Madame Bontemps. Madame Bontemps prend "grand soin" du bébé en train de grandir dans son ventre : elle lui donne à manger, s'enquiert de ce qu'il aime ou non, lui parle de la beauté de la nature... Bébé se trouve tellement bien dans le ventre de Maman qu'il n'a aucune envie de sortir. "Je reste où je suis" dit-il, un brin entêté. Malheureuse, Madame Bontemps se met à pleurer. Lorsque ses enfants reviennent de l'école, ils tentent de l'aider et de convaincre Bébé de sortir. Catherine menace, Marc tente le chantage. Même Grand-Maman et Grand-Papa essayent de l'amadouer et lui promettent gâteau au chocolat et promenade en voiture. En vain. Délicieusement insolent, Bébé les fait tourner en bourrique. Il y a pourtant une chose toute simple qui le fera changer d'avis : une promesse de baiser de Papa.

 

Les illustrations en noir et blanc sont une succession de vignettes dont les personnages débordent parfois quelque peu du cadre et qui rythment avec justesse le récit. Le bébé à naître, imaginé, que l'on visualise dans le ventre de sa mère, arbore une conséquente tignasse et adopte des postures improbables et comiques : assis en bouddha, allongé avec un bras sous sa tête, faisant mine de courir, etc. Une fois né, il ressemble à un véritable nouveau-né emmitouflé de tendresse.

 

Si on passe outre les stéréotypes genrés de l'époque (mamie gâteau et papi voiture) on peut apprécier la modernité de l'approche de la relation mère-enfant. Les perceptions que le bébé a de l'extérieur sont au centre du récit : le goût des aliments ingérés par sa maman, la beauté des tableaux ou des fleurs dont elle lui parle, les voix de ses proches, etc. C'est la perception via le toucher qui finira par manquer à Bébé. L'importance du dialogue, de la communication, est notable. L'enfant à naître est attendu par toute la famille, qui déploie des stratégies pas forcément pertinentes mais motivées d'une impatiente bienveillance, pour le voir pointer le bout de son nez. Le rôle du papa et la symbolique de l'amour de l'autre (autre que la fusion mère-enfant...) sont également au premier plan. Les valeurs de libre-arbitre et d'amour familial font de cet album original et malicieux une magnifique référence à connaître.

 

 

"𝑈𝑚𝑚𝑚 !" 𝑑𝑖𝑡 𝐵𝑒́𝑏𝑒́. "𝐽𝑒 𝑟𝑒𝑠𝑡𝑒. 𝐽'𝑎𝑖𝑚𝑒 𝑐̧𝑎."

 

 

Bébé
Bébé

Publié le 26 Janvier 2022

Soupe de sorcière !

Merci à la maison Nathan pour le partage de ce nouveau titre

 

 

J'ai récemment parlé des premières lectures et proposé un focus sur la collection J'apprends à lire avec Sami et Julie (chez Hachette). Avec le même objectif d'autonomisation du jeune lecteur, la collection Frissons au CP de chez Nathan accompagne les enfants qui débutent l'apprentissage de la lecture en proposant un roman qui peut être lu à deux voix. L'histoire est courte, amusante et illustrée. La typographie du texte est aérée et lisible. Dans cette collection, les lettres muettes ne sont pas grisées comme c'est le cas dans d'autres collections ou dans des manuels scolaires. En revanche, l'originalité de l'approche réside dans la présence de bulles. Ainsi, un lecteur confirmé peut prendre en charge le récit et inviter l'enfant apprenant à lire uniquement le texte des bulles, spécialement abordable. Ainsi, le jeune lecteur progresse vite dans l'histoire, sans frustration, tout en ayant la fierté de participer à la lecture. L'objectif, dans un deuxième temps, c'est que l'enfant, une fois familiarisé avec le propos et étant plus avancé dans ses apprentissages, puisse prendre en charge l'intégralité de la lecture.

 

Dans Soupe de sorcière ! nous suivons une petite fille scolarisée en CP qui mange à la cantine avec ses camarades et qui, voulant demander en cuisine un autre bol de soupe de potiron pour un camarade ayant renversé le sien, découvre avec horreur que la cuisinière est une sorcière. La soupe semble transformer les enfants en animaux : elle est ensorcelée ! Les CP vaincront-ils la sorcière, qui se fait appeler Madame Poiro, avant d'être changés en petits pois ou en crapauds ? Affreuses insultes ("Ses pieds sentent le camembert !") et bataille de potiron seront la solution.

 

Soupe de sorcière !

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

Partager cet article

Publié le 25 Janvier 2022

Jours de fête

Figures désormais classiques de la littérature jeunesse, l'espiègle petite souris Célestine et l'immense ours au grand cœur Ernest (créés dans les années 1980 par l'auteure belge Gabrielle Vincent) sont devenus réellement incontournables depuis la sortie du film d'animation fin 2012. J'ai d'ailleurs pu le redécouvrir récemment grâce à l'ONPL en assistant à une formidable adaptation en ciné-concert.

 

Dans les albums qui continuent de paraître, principalement chez Casterman, le dépouillement du texte et la puissante tendresse des illustrations à l'aquarelle font de ces récits d'une grande sensibilité une véritable école de la vie. Dans Jours de fête, en seulement quelques mots, comme des légendes dans un album photos aux couleurs pastels, Célestine retrace pour Ernest les différents temps forts des derniers mois écoulés et dresse un inventaire des petites et grandes fêtes ayant jalonnées leur année. Des petits riens - se souhaiter une bonne année, espérer trouver la fève dans la galette des rois, partager un pique-nique - aux grands évènements - être invités à un mariage, fêter son anniversaire, attendre Noël ensemble - sont égrenées toutes les joies et les fébrilités partagées. Abordable dès deux ans et bien au-delà, cet album d'une folle tendresse vous fera à coup sûr tomber sous son charme suranné.

 

Jours de fête
Jours de fête
Jours de fête
Jours de fête
Jours de fête

Publié le 24 Janvier 2022

Lady sapiens : enquête sur la femme au temps de la préhistoire

La préhistoire s'est longtemps écrite au masculin.

Qui étaient les femmes de la préhistoire ? Quel était leur quotidien ? Il semble que pendant 150 ans, les chercheurs ont sous-estimé leur rôle en interprétant les découvertes avec les a priori de leur époque. Dans ce livre, les auteurs, dont une enseignante et chercheuse en préhistoire, tentent de dresser un portrait juste et nuancé de la femme Sapiens, s'appuyant sur des sources archéologiques (ossements humains, objets, empreintes...) et prenant en compte les approches ethnographiques.

 

Voici une enquête scientifique rendue accessible et passionnante. Elle a d'ailleurs donné lieu a un documentaire diffusé sur France 5 en septembre dernier et dont des extraits sont à retrouver sur la plateforme Lumni. Entre vulgarisation scientifique et essai féministe, "au-delà des clichés hérités des siècles passés", un étonnant portrait-robot se dessine. Lady Sapiens aurait été musclée, métisse (avec une couleur de peau plus noire que blanche), aux cheveux plutôt noirs et crépus... et aux yeux bleus ! Elle aurait porté vêtements, bijoux, peintures corporelles. On estime qu'elle devait mettre au monde en moyenne 5 à 6 enfants, procréant de 14 à 30 ans environ, et allaitant ses enfants jusqu'à 3 ou 4 ans (et c'est fou d'imaginer que l'on sait ça grâce à l'analyse de dents humaines préhistoriques !). On pense que la société de l'époque proscrivait déjà l'inceste, que le lien entre sexualité et procréation était déjà connu. On apprend aussi que les femmes ménopausées devaient avoir un rôle assez capital à jouer pour contribuer à la survie des jeunes enfants et à la transmission des savoirs. Pas tellement chasseuse mais peut-être rabatteuse, Lady Sapiens devait plus sûrement être une formidable cueilleuse mais aussi une tanneuse, meunière, tisserande, céramiste voire une chamane ou une artiste. Pour en arriver à de telles certitudes ou quasi-certitudes, les auteurs se sont appuyés sur de multiples scientifiques aux métiers insoupçonnés : sociobiologistes, paléogénéticiens, paléoanthropologues, etc. Si bien des mystères demeurent, il est bluffant de prendre connaissance des techniques et des cheminements scientifiques ayant amenés à découvrir l'apparence ou les hypothétiques rôles de la femme préhistorique. Abordable, agréable à lire, cet essai surprenant nous apporte des éléments essentiels à la compréhension de notre (pré)histoire et éclaire notre présent.

 

La station debout a bouleversé nos corps et nos comportements à l'échelle individuelle comme à celle de la société [...] pourtant les femmes ont été davantage bousculées [...] car cette révolution posturale a modifié considérablement leur bassin.

Chapitre "Fonder une famille", au sujet de l'accouchement

L'arrêt de la fertilité bien avant l'âge de la mort constitue clairement un avantage évolutif. Une femme ayant encore une ou plusieurs décennies de vie devant elle mais qui n'enfante plus pourra investir son énergie dans la survie de ses propres enfants et petits-enfants.

Chapitre "Les grands-mères entrent dans l'histoire"

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

Partager cet article

Publié le 21 Janvier 2022

Le chemisier & Une sœur

L'occasion s'est présentée de découvrir le travail de Bastien Vivès. J'ai donc lu deux romans graphiques de cet auteur au look d'éternel adolescent. Le chemisier et Une sœur reflètent tous les deux son style graphique épuré à l'encrage particulier et ses thèmes de prédilection : l'adolescence, la découverte du plaisir sexuel, l'émancipation...

 

  • Dans les deux cas, j'ai été plutôt conquise par le trait élégant et le découpage scénaristique bien mené. En revanche, j'ai trouvé pour ℒ𝑒 𝒸𝒽𝑒𝓂𝒾𝓈𝒾𝑒𝓇 qu'on frôlait la vulgarité et l'invraisemblance. Étudiante en Lettres modernes à la Sorbonne, Séverine est une jeune femme qui vit une existence banale aux côtés d'un compagnon qui lui prête moins d'attention qu'aux séries télévisées ou aux jeux vidéos. A l'issue d'un baby-sitting, elle se voit prêter un chemisier en soie, et du jour au lendemain, les hommes semblent poser sur elle un regard différent, chargé de désir. Elle se révèle alors à elle-même. Au-delà des scènes érotiques qui m'ont dérangées, j'ai trouvé la psychologie des personnages insuffisamment travaillée, le dénouement peu crédible et les dialogues trop peu développés. L'idée scénaristique de départ était pourtant bien trouvée. Malheureusement, l'histoire est creuse comme un mauvais fantasme.

 

  • J'ai préféré 𝒰𝓃𝑒 𝓈𝑜𝑒𝓊𝓇, même si là encore on ne peut s'empêcher d'éprouver un certain malaise. Dans ce récit on suit Antoine, 13 ans, en vacances en famille dans une maison bretonne de bord de mer. Il dessine, passe du temps à la plage avec son petit frère Titi, jusqu'à ce que débarque Hélène, 16 ans, venu passer quelques jours de repos avec sa mère suite à la fausse-couche de cette dernière. Entre les deux adolescents va alors se nouer un attachement particulier. Ils vont partager des moments d'oisiveté allongés sur la plage et d'autres penchés sur l'assemblage d'un puzzle. Mais pas que. Hélène, qui n'a pas froid aux yeux, s'amuse à éveiller le désir d'Antoine et à l'initier aux plaisirs de l'adolescence : les sorties alcoolisées et la découverte du plaisir sexuel. C'est assez doux et charmant et en même temps malaisant. En effet, le lecteur est dans une situation de voyeur malgré lui. Surtout, on a le sentiment de frôler la lecture d'un récit d'inceste. Antoine est encore jeune et les deux adolescents pourraient presque être frère et sœur, comme le souligne le titre et comme ils l'évoquent plus ou moins eux-même. J'ai aimé le trait épuré car même en gommant souvent les nez voire les yeux de ses personnages, Bastien Vivès arrive à les faire s'incarner et livre une mise en scène fluide, centrée sur les postures de ses deux protagonistes adolescents. Le lecteur est renvoyé à ses propres souvenirs et goûte de nouveau par procuration aux troubles qui accompagnent la sortie de l'enfance. C'est donc le récit d'une initiation confuse et impudique qui me laisse perplexe.