Publié le 23 Novembre 2016
La quatrième de couverture :
Ils sont gardiens de la paix. Des flics en tenue, ceux que l’on croise tous les jours et dont on ne parle jamais, hommes et femmes invisibles sous l’uniforme. Un soir d’été caniculaire, Virginie, Érik et Aristide font équipe pour une mission inhabituelle : reconduire un étranger à la frontière. Mais Virginie, en pleine tempête personnelle, comprend que ce retour au pays est synonyme de mort. Au côté de leur passager tétanisé, toutes les certitudes explosent. Jusqu’à la confrontation finale, sur les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle, où ces quatre vies s’apprêtent à basculer. En quelques heures d’un huis clos tendu à l’extrême se déploie le suspense des plus grandes tragédies. Comment être soi, chaque jour, à chaque instant, dans le monde tel qu’il va ?
Mon avis :
"Le sang sur son treillis n'est pas le sien" : ainsi commence le roman d'Hugo Boris. Virginie et ses collègues policiers se voient confier une mission inhabituelle : conduire un étranger sans-papier à l'aéroport afin qu'il soit renvoyé dans son pays. En chemin, ils apprennent que cet homme, mutique tout au long du récit, y sera condamné à mort. Le temps d'un simple trajet de Paris à Roissy, ils sont donc confrontés à un cas de conscience. Le titre du livre écrit en miroir pour pouvoir être lu dans un rétroviseur est une invitation de l'auteur à monter à bord de la voiture de police : une fois embarqué dans le véhicule, le lecteur est lui aussi obligé de se positionner moralement.
Mais au-delà de la thématique de la reconduite à la frontière des sans-papiers, des tensions individuelles entre en jeu : Virginie, jeune maman d'un petit Maxence de 18 mois, s'est laissé prendre dans les filets de l'adultère avec son collègue Aristide et se trouve enceinte à nouveau. Il est prévu qu'elle avorte le lendemain. Son jeune amant inconsistant n'approuve pas forcément cette décision. Le troisième policier présent dans la voiture, Érik, est partagé entre professionnalisme et désir de baisser les armes pour retrouver une vie paisible dans sa Bretagne natale. Chacun réagit donc en fonction de son contexte personnel aux événements et aux non-dits, sur fond de paysage routier où défilent les panneaux de signalisation et les chaînes de magasins mornes et uniformes.
Réaliste, ce roman nous laisse entrevoir le quotidien si délicat des gardiens de la paix oscillant entre l'anodin et la tragédie. Dans le huit-clos oppressant de la voiture de fonction, les choix personnels se mêlent aux désaccords professionnels et donnent lieu à un suspens sensible et plein d'humanité. J'ai particulièrement apprécié la description du personnage d'Aristide. L'écriture fluide d'Hugo Boris se met au service d'un roman à la fois intimiste et questionnant d'un point de vue social. Une lecture au charme inattendu que je recommande !
L'échange commerçant est fini. La pharmacienne lève les yeux vers Virginie. Le regard sans précipitation de la jeune femme enjambe l'uniforme de la police national, enjambe l'avortement, plonge dans le sien avec douceur, gentillesse, une sollicitude d'être humain à être humain qui voudrait soulager l'autre de la pierre à son cou. Virginie essaie de sourire mais sent que ce n'est pas beau à voir. Elle rejoint le véhicule les mains aussi vides qu'elle en était sortie.
Boris, Hugo
Police
Ed. Grasset
2016 / 187 p.