Publié le 31 Mars 2023

Merci aux éditions Nord-Sud pour le partage de cet album

 

Ne crois pas tout ce qu’on te raconte, Arc-en-ciel

En cette veille de 1er avril, voici le tout dernier album de la série Arc-en-ciel, le poisson bien peu ordinaire créé par Marcus Fisteren en 1992. Dans cette nouvelle histoire, Ronald, un impressionnant nouveau poisson, apprend une terrible nouvelle à Arc-en-ciel : quelqu'un de mal intentionné compterait retirer le bouchon du fond de l'océan et vider ainsi toute l'eau ! Arc-en-ciel a du mal à le croire mais avertit néanmoins ses amis. Le lendemain, surprise ! C'est une tout autre histoire qui préoccupe Ronald. Il suggère de construire un mur de coraux pour se protéger d'une soi-disant invasion. Arc-en-ciel et ses amis doivent-ils croire ces déconcertantes histoires ? Ce poisson au prénom étrangement proche de celui d'un ancien président américain ne semble pas tenir de propos cohérent. L'auteur nous parle de l'importance d'être honnête et met de nouveau en avant des valeurs d'amitié et de bienveillance. Les illustrations sont toujours aussi séduisantes et se mettent au service, à hauteur d'enfant, de la lutte contre la désinformation.

Publié le 28 Mars 2023

Leurs enfants après eux

𝐿𝑒𝓊𝓇𝓈 𝑒𝓃𝒻𝒶𝓃𝓉𝓈 𝒶𝓅𝓇𝑒̀𝓈 𝑒𝓊𝓍 a obtenu le Prix Goncourt en 2018, mettant sur le devant de la scène son jeune auteur vosgien et ses personnages issus de la petite ville fictive de Heillange, au passé industriel sinistré. Nicolas Mathieu nous fait parcourir la décennie 90 le temps de quatre étés et évoque la difficulté d'échapper à son conditionnement social au travers des yeux et des cœurs de trois personnages principaux ; trois adolescents "𝒿𝑒𝓊𝓃𝑒𝓈 𝒶̀ 𝒸𝓇𝑒𝓋𝑒𝓇" dont les destins s'entrecroisent : 𝒜𝓃𝓉𝒽𝑜𝓃𝓎, 𝐻𝒶𝒸𝒾𝓃𝑒 𝑒𝓉 𝒮𝓉𝑒𝓅𝒽. De l'été 1992 suffocant d'hormones à 1998 et sa fiévreuse coupe du monde, leur passage à l'âge adulte ne se fait pas sans heurts ni passions tristes. Les quelques péripéties se concentrent sur un double vol de moto, des flirts, des altercations. En réalité, il s'agit de dépeindre une jeunesse dénuée de perspectives et nourrie de rancœurs. Des jeunes qui traînent dans la chaleur étouffante de leurs vacances, jouent au flipper, matent des filles, descendent des bières, écoutent Nirvana, fument, mentent et longent les nationales plein gaz en rêvant de foutre le camp.

 

Il serait trop fastidieux d'entrer ici dans les détails du récit. Malgré des longueurs et d'assez nombreux personnages à identifier au départ - car il est également beaucoup question des parents plus ou moins défaillants - j'ai apprécié suivre les destinées des personnages principaux et comprendre avec nuances les mécanismes sociaux à l'œuvre. On note une certaine parenté à Annie Ernaux dans l'engagement de Nicolas Mathieu à parler de la France par le prisme d'une époque, d'une région, d'un milieu, d'un âge, d'un sexe. J'ai descellé au fur et à mesure de ma lecture une écriture ciselée : vive, sincère, proche d'une certaine oralité et parfois dense de poésie pour raconter les émois, les frustrations et la mélancolie. Comme il le dit dans son roman, pour chaque génération, l'adolescence sera la même, unique, et "𝓁'𝑒́𝓉𝑒́ 𝓅𝒶𝓉𝒾𝑒𝓃𝓉 [𝒸𝑜𝓃𝓉𝒾𝓃𝓊𝑒𝓇𝒶 𝒹𝑒 𝒻𝒶𝒾𝓇𝑒] 𝓈𝑜𝓃 𝒹𝑜𝓊𝓍 𝒷𝓇𝓊𝒾𝓉 𝒹'𝒽𝑒𝓇𝒷𝑒."

 

A l'horizon, le ciel avait pris des couleurs exagérées. Grisé, il lâcha le guidon et ouvrit les bras. La vitesse faisait battre les pans de son débardeur. Il ferma les yeux un instant, le vent sifflant à ses oreilles. Dans cette ville moitié morte, étrangement branlée, construite dans une côte et sous un pont, Antony filait tout schuss, pris de frissons, jeune à crever.

Pour Anthony, Paris était un truc abstrait et creux. Paris c'était 7 sur7. La tour Eiffel. Les films de Belmondo. Un genre de parc d'attractions, en plus prétentieux. Il ne comprenait pas très bien ce qu'elle irait foutre là-bas.
- J'irai, je m'en fous.
Pour Steph, Paris était noir et blanc. Elle aimait Doisneau. Elle y allait à Noël avec ses parents. Elle se souvenait des vitrines et de l'Opéra. Elle serait parisienne un jour.

Anthony avait beau ne pas croire à cette fantaisie biblique, l'élancement de la pierre, les bleus du vitrail, cette verticalité, ça faisait quand même un truc.

[...] tout à coup, quelque chose se passait au dedans, sous la peau, à même l'organe, et vous vous retrouviez comme la mer, toute de profondeur et de clapotis.

Dans sa bouche, la nourriture était brûlante, avec un bon goût d'habitude et de beurre.

L'enfance, c'était fini.
Il en avait bien profité. Combien de fois on lui avait dit : t'as de la chance d'être mineur ? Toutes ces années à chercher la merde, se retrouver dans des histoires de trafic, de vols de scoot, à dégrader du mobilier urbain pour rigoler, à glander et sécher les cours. La minorité avait cette vertu ambigüe, elle vous protégeait mais, en prenant fin, vous précipitait tout d'un coup dans un monde d'une férocité insoupçonnée jusque-là. Du jour au lendemain, la réalité de vos actes vous revenait en pleine gueule, les deuxièmes chances n'avaient plus lieu d'être, les patiences sociales s'évanouissaient. Anthony avait redouté ce cap sans y croire vraiment. L'armée était une autre giron où se cacher. Là-bas, il n'aurait qu'à obéir.

[...] elle était cette puissance de résignation et de tendresse, cette hémorragie inlassable, débordante de lait, de larmes, d'amour et de fatigues.

Les chandelles fusaient à travers la nuit, pétillantes et raides, avant d'éclater dans les poitrines et de crever les tympans.

C'était la 47e minute du match et Lilan Thuram, qui ne marquait jamais, remonta la moitié du terrain et marqua. Le rade, alors, prit feu. Un seul cri monta de toutes les bouches. Une table fut renversée. De la bière se répandit sur le sol. Les spectateurs se mirent à sauter sur place, gueulant, se prenant dans les bras. Hacine avait dressé ses deux poings vers le ciel, il sentit qu'on le secouait. C'était Anthony, hors de lui, devenu amnésique, terriblement français, heureux comme un enfant.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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Publié le 27 Mars 2023

Un [pas]sage en librairie V

Mon dernier passage en librairie (il y en a eu de nombreux depuis celui dont je parlais ici heureusement !) ne s'est pas soldé par des achats de livres mais par ceux d’activités manuelles en vue des prochains week-ends. Pour autant, voici quelques repérages d'albums printaniers :

 

 Fleurs de saison d'Emmanuelle Kecir-Lepetit et Léa Maupetit chez Gallimard jeunesse :

 

Voici un album au format portrait allongé qui offre de douces et colorées illustrations à la façon d'un herbier pour découvrir 37 fleurs qui apportent leurs couleurs aux paysages et aux jardins au fil des saisons. Descriptions et anecdotes historiques ou culturelles jalonnent chaque page et nous font redécouvrir les caractéristiques des fleurs du printemps (lilas, muguet, tulipe...) et celles de l'hiver (camélia, perce-neige, mimosa...) en passant par celles de l'été (coquelicot, rose, tournesol...) et de l'automne (anémone, crocus, chrysanthème...).

 

 

 La fête du printemps de Silvia Borando chez Kimane :

 

Un petit album cartonné pour les jeunes enfants (environ 2 ans) qui nous raconte l'histoire mignonne et drôle d'une tortue et d'un escargot se rendant - à leur rythme - à la fête du printemps.

 

 

 Le jardin de Basilic : les mauvaises herbes n'existent pas ! de Sébastien Perez et Annelore Parot chez Flammarion jeunesse :

 

Voici un livre faisant partie d'une série dont je ne connaissais pas l'existence jusqu'à présent et dont j'ai adoré les thèmes traités. L'éditeur indique une tranche d'âge un peu restrictive (4-6 ans) : selon moi, en fonction de l'enfant, on peut aborder ces récits dès 3 ans et bien au-delà (8 ans). Un petit garçon, Basilic, a pour terrain de jeu le jardin de Mamie Carotte. Il est interpellé par certains phénomènes naturels, s'interroge. Sa mamie lui répond alors à hauteur d'enfant. Elle lui transmet les secrets de la nature sous un angle à la fois instructif et amusant. En fin d'album on trouve d'ailleurs une double-page qui récapitule les explications de façon plus documentaire. Dans Les mauvaises herbes n'existent pas ! Basilic apprend - et nous aussi - que certaines plantes sont plus sauvages que mauvaises et qu'elles peuvent même faire preuve de bienfaits : servir d'abri aux insectes, fertiliser les sols, nous nourrirent... Pourquoi ne pas cuisiner une tarte aux orties ? Voici les autres titres de la série : Comment les arbres font-ils caca ? sur la croissance des arbres, Comment naissent les bébés plantes ? sur les boutures, Les fleurs tombent-elles amoureuses ? sur la pollinisation, Les couleurs de la nature sur les pigments naturels et leur utilité.

 

 

 La chasse aux œufs de Pâques d'après Beatrix Potter chez Gallimard jeunesse :

 

Un livre animé avec des languettes à tirer et un pop-up en dernière page qui nous plonge dans le tendre univers de Pierre Lapin pour fêter Pâques en sa compagnie et chercher avec lui (dès 2 ans) les œufs sans se faire prendre par le fermier qui travaille non loin du potager.

 

 

 Qui es-tu ? de Peggy Nille chez Actes sud  :

 

Un livre-jeu avec des devinettes et des animaux lumineusement colorés à retrouver et compter dans de magnifiques illustrations. Dès 2 ans, le petit lecteur sera happé par la multitude de détails et les étonnantes comparaisons : peut-on confondre un caméléon et un papillon ? Ou bien encore une girafe et une autruche ?

 

 

 Les gens sont beaux de Baptiste Beaulieu et Qin Leng chez Les arènes  :

 

Un album jeunesse signé par le médecin et écrivain Baptiste Beaulieu sur la thématique de la différence, de l'acceptation de soi, de la beauté des corps, de la vie qui passe, abîme parfois mais reste jolie si on la parsème d'optimisme et de bienveillance. L'histoire d'un médecin généraliste à la retraite qui fait part à son petit-fils de ses observations et de sa conviction : les gens sont beaux. Le corps humain n'a pas vocation à être façonné par la société. Derrière les imperfections se cachent toujours des histoires de vie.

 

 

 Marée haute, marée basse de Max Ducos chez Sarbacane  :

 

Un grand album aux magnifiques illustrations à la gouache accessible à partir de 4 ou 5 ans environ. Un paysage de plage, qu'on imagine bordelaise et qu'on découvre après avoir tournée la première de couverture ajourée de pins, est reproduit sur chaque page et fluctue au rythme d'une journée d'été et des marées. Le ciel est tantôt bleu et tantôt gorgé de pluie noire. La plage est tantôt vide et tantôt animée de multiples personnages, bambins constructeurs de châteaux de sable et navigateurs amateurs. Le narrateur nous parle de la plage mais aussi de l'enfance et du temps qui passe. C'est apaisant et quelque peu mélancolique. A l'image des lumières changeantes du bord de mer et du bruit du ressac.

 

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Publié le 23 Mars 2023

Jimi : Bleu nuit

Merci à L'école des loisirs

pour le partage de ce livre

signé Caroline Solé et Gaya Wisniewski

 

Caroline Solé et Gaya Wisniewski collaborent de nouveau à L'école des loisirs et enrichissent la collection Moucheron adressée aux enfants de 6 à 8 ans qui font leur entrée dans la lecture autonome. Dans ce court roman, nous retrouvons le jeune Jimi au visage strié d'un arc-en-ciel. Il a le pouvoir de transformer les objets grâce à ses feutres magiques. Ce soir, il est invité chez son copain Marco. Mais dormir dans le noir l’inquiète. En rêvant qu’une fusée vienne le chercher, il s’évade et part avec Marco chercher leur amie Lili sur la planète des animaux. L’imaginaire poétique et coloré chasse les inquiétudes et les peurs : de retour dans la chambre, Jimi trouve que le noir n’est plus si noir. Apaisé, il peut s’endormir. Malheureusement, j’ai cette foistrouvé le propos peu lisible, peu imaginatif et surtout trop enfantin pour le public visé.

 

🌈

 

Du même duo d'autrices :

Rédigé par Nota Bene

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Publié le 10 Mars 2023

 

Arte radio propose depuis 2020 un podcast mené par le journaliste et écrivain Richard Gaitet, consacré aux écrivain.e.s français.e.s et à leurs méthodes de travail, inspirations et difficultés. C'est le récit d'un récit, les coulisses d'une carrière littéraire et ses questionnements : C'est quoi, le style ? Comment construit-on une intrigue, des personnages ? Hors de toute promotion, des écrivains se racontent, des prémices de leur attrait pour la lecture et l'écriture à la réception critique et publique de leurs livres en passant par la discipline, les découragements, les motivations, etc. Les entretiens sont découpés en trois épisodes d'environ 20 à 90 minutes (!) chacun. Il semble que les 30 minutes des premiers épisodes ait été dépassées comme le podcast par son succès.

 

C'est avec plaisir que j'en ai découvert certains. J'ai notamment écouté ceux consacrés à Nicolas Mathieu et Delphine de Vigan. Parfois drôles, politiques, intimistes, les propos sont toujours pertinents, précis et généreux.

 

Depuis janvier dernier, ces entretiens se déclinent en livres de poche. Arte radio s'associe aux éditions Points pour la conception d'une nouvelle collection proposant la retranscription des longs entretiens tirés du podcast, enrichis pour l'occasion de nouvelles questions et donc de nouvelles réponses. Les deux premiers livres sont consacrés à Nicolas Mathieu et à Alice Zeniter.

 

Publié le 9 Mars 2023

Dictionnaire des clichés littéraires

Dictionnaire brièvement parcouru que j'ai trouvé savoureux bien qu'un peu inhibant. Il propose trois exercices de repérage de clichés (pas si évident !), avant d'énumérer sous forme de dictionnaire des clichés littéraires tels que : le silence enveloppant, les dettes dont on peut être criblé, le cœur qui bat la chamade ou palpite... Tics littéraires et expressions toutes faites sont ainsi listés sans concession mais avec un humour distrayant.

Dictionnaire des clichés littéraires
Dictionnaire des clichés littéraires
Dictionnaire des clichés littéraires