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Publié le 9 Avril 2024

Les lectures naturelles

Suite à mon compte-rendu de lecture de l’essai de Céline Alvarez Les lois naturelles de l'enfantvoici une présentation de sa collection de livres pour jeunes enfants : Les lectures naturelles. Entre méthode Montessori, appuis neuroscientifiques et bienveillance, voici comment Céline Alvarez nous aide à faire entrer les enfants dans la lecture dès la maternelle.

 

 

 

 

 

Ma petite puce venant de fêter ses 5 ans et étant assez à l'aise avec le langage oral et l'écrit (la reconnaissance et l'écriture des lettres), je me suis intéressée aux livres proposés par Céline Alvarez pour "entrer dans la lecture dès la maternelle". Le pré-requis est de (re)connaître les lettres par leurs sons, et non pas forcément par leur nom. Par exemple, savoir que le M qui s'appelle "aime" fait en réalité le son "mmm".

 

En ajoutant au répertoire des enfants les principaux digrammes français (groupes de deux lettres représentant un seul son, comme CH dans "chat" ou IN dans "matin"), ils possèdent un bagage linguistique suffisant pour commencer à composer des mots simples puis pour commencer à en lire. Ainsi, à partir des conseils de Céline Alvarez listés ci-dessous et après quelques séances (toujours courtes et ludiques, jamais imposées) d'exercices (avec des lettres imprimées et plastifiées par mes soins), nous nous sommes lancées dans la lecture d'un des livres de la collection Les lectures naturelles.

 

 

 

 

 

Tous ces livres se présentent de la même façon : une très grande illustration sur double-page immerge le petit lecteur dans une scène introduite par une phrase courte (par exemple "La course démarre."). Cette scène peut être ponctuée d'onomatopées pour un premier niveau de lecture très simple et de bulles qui font parler les personnages. Tout est écrit en lettres capitales pour faciliter la reconnaissance. Les lettres muettes sont grisées afin de simplifier le décryptage. Les digrammes sont signalés en vert. C'est très bien pensé et encourageant pour les enfants. Seul bémol : ma fille a tendance à tenter de deviner certains mots au lieu de les lire (connaissant les personnages du livre, en voyant un L elle tente sa chance et dit le mot "lièvre" alors que ce n'est pas celui-ci, par exemple). J'ai trouvé judicieux que soit ajoutée à la fin du livre l'intégralité de la fable de Jean de La Fontaine ici adaptée.

 

La collection se compose d'imagiers accessibles dès trois ans (avec du vocabulaire précis pour éviter que l'enfant ne devine au lieu de lire), de contes ou fables de "niveau 1" comme le livre présenté ici puis d'albums de "niveau 2". Dans ces derniers, la taille de la police est légèrement réduite, les digrammes ne sont plus signalés en vert, certains nouveaux digrammes font leur apparition (ER et EN par exemple) et on introduit des mots-outils comme EST, ET ou UN. On s'approche des collections plus classiques de premières lectures de niveau CP. Il existe par ailleurs un coffret de lettres magnétiques pour apprendre les sons des lettres et des digrammes ainsi qu'un cahier d'activités avec des jeux, des autocollants et des coloriages.

 

Les lectures naturelles
Les lectures naturelles

Pour revenir sur l'apprentissage de la lecture, retenons que la partie du cerveau dédiée à la reconnaissance de l'alphabet n'est pas génétiquement prévue et qu'elle se développe dans la zone initialement prévue à la reconnaissance des visages et des objets. C'est pour cela qu'un profil gauche est associé à un profil droit... et qu'une confusion peut intervenir (pic de confusion vers 5-6 ans) entre des lettres miroirs comme le p et le q minuscules par exemple. C'est tout à fait normal mais à accompagner. Voici, en résumé, les principes d'apprentissage de la lecture préconisés par Céline Alvarez :

 

  • 𝑫𝒐𝒏𝒏𝒆𝒓 𝒆𝒙𝒑𝒍𝒊𝒄𝒊𝒕𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒍𝒆 𝒄𝒐𝒅𝒆 𝒂𝒍𝒑𝒉𝒂𝒃𝒆́𝒕𝒊𝒒𝒖𝒆 aux enfants (c'est-à-dire le son des lettres) sans détour par le décompte des syllabes qui n'est pas franchement utile, voire qui peut gêner certains enfants. Le faire lettre par lettre puis à partir de mots simples mais aux sons variés, notamment au niveau du phonème d'attaque puis du phonème final. Associer éventuellement le geste au son (par exemple : mettre les doigts sur sa gorge pour indiquer que le son g se forme dans cette zone).
  • 𝑫𝒐𝒏𝒏𝒆𝒓 𝒍𝒆𝒔 𝒈𝒓𝒂𝒑𝒉𝒊𝒆𝒔 𝒅𝒆𝒔 𝒍𝒆𝒕𝒕𝒓𝒆𝒔 𝒆𝒏 𝒄𝒂𝒑𝒊𝒕𝒂𝒍𝒆𝒔 𝒅'𝒊𝒎𝒑𝒓𝒊𝒎𝒆𝒓𝒊𝒆 pour éviter les confusions de lettres miroirs et pour capter l'attention des enfants, car ils sont plus confrontés à des capitales dans leur vie quotidienne (panneaux indicateurs, emballages, boîtes de jeux, devantures de magasins, claviers informatiques...). Utiliser éventuellement dans un deuxième temps des lettres rugueuses cursives pour commencer à engrammer les gestes d'écriture.
  • 𝑳𝒆𝒖𝒓 𝒇𝒂𝒊𝒓𝒆 𝒄𝒐𝒎𝒑𝒐𝒔𝒆𝒓 𝒅𝒆𝒔 𝒎𝒐𝒕𝒔 𝒔𝒊𝒎𝒑𝒍𝒆𝒔 avec un alphabet mobile (lettres aimantées ou plastifiées). Voici des exemples de mots plutôt simples à constituer : papa, clé, moto, canari, chaton, cochon, panda, koala, mouton, etc.
  • 𝑳𝒆𝒖𝒓 𝒇𝒂𝒊𝒓𝒆 𝒍𝒊𝒓𝒆 𝒅𝒆𝒔 𝒎𝒐𝒕𝒔 𝒑𝒖𝒊𝒔 𝒅𝒆 𝒄𝒐𝒖𝒓𝒕𝒆𝒔 𝒑𝒉𝒓𝒂𝒔𝒆𝒔 de manière ludique avec des "enveloppes de lecture", des "messages secrets" ou des livres adaptés (comme la collection présentée ici). On peut souligner l'importance de posséder du vocabulaire : plus on connaît de mots et plus on est susceptible de les reconnaître en les lisant. Les premiers pas sur le chemin de la lecture sont ainsi soutenus par la démarche déductive.

 

 

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Publié le 19 Février 2024

La ville grise

𝑀𝑒𝑟𝑐𝑖 𝑎̀ 𝑙𝑎 𝑚𝑎𝑖𝑠𝑜𝑛 𝑀𝑖𝑗𝑎𝑑𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑎𝑔𝑒 𝑑𝑒 𝑐𝑒𝑡 𝑎𝑙𝑏𝑢𝑚

 

 

Nina vient de déménager. Est-ce son humeur maussade qui lui fait voir les choses en gris ou est-ce qu'il y a quelques chose qui cloche dans cette ville ? Bâtiments, véhicules, vêtements... tout semble se décliner en cinquante nuances de gris. La fillette décide alors de ne plus quitter son ciré jaune. Elle vient d'entrer en résistance.

Est-ce que toute la ville était vraiment aussi grise, ou était-ce la vue depuis sa chambre qui lui donnait cette impression ? Nina cherchait des couleurs. Mais au détour de chaque alignement d’immeubles gris, il y avait seulement d’autres rues grises pleines de voitures grises, de panneaux gris et de passants gris. Même dans la vitrine d’une papeterie, les tubes et les flacons de peinture ne contenaient que du gris. Gris souris, gris anthracite, gris granit… lut-elle, incrédule.
"Quelque chose ne va pas dans cette ville", pensa Nina en contemplant cet étrange étalage.

Plongé dans un gris terne et oppressant, dont les cadrages renforcent l'impression d'enfermement, le lecteur s'attache à la silhouette lumineuse de Nina. Le texte, un peu bavard, et les magnifiques illustrations qui mêlent crayonnés et aquarelle se répondent dans une dramaturgie certaine. Nous découvrons en même temps que Nina que ce monde dans lequel elle évolue désapprouve la couleur. Plus encore, les couleurs sont la métaphore de l'expression artistique et culturelle. Ainsi, sans que rien ne soit clairement énoncé, on devine qu'un système totalitaire essaie de prendre complètement le contrôle de l'imaginaire et de l'opinion des habitants.

 

Dans sa nouvelle école, Nina se fait remarquer dès le premier jour en arborant son ciré jaune et en faisant un dessin plein de couleurs. En retenue, elle doit visualiser un film pédagogique en noir et blanc rappelant les règles de vie en communauté intitulé "Les comportements sociaux souhaitables : adaptation, obéissance, discipline". Elle fait la connaissance d'un garçon, Alan, également puni. Il lui fait rencontrer son oncle et des amis, tous artistes sur le carreau. Par la suite, Nina, suivant son instinct et la piste d'un arc-en-ciel, trouvera à son pied un trésor : une bibliothèque et sa réserve clandestine. D'un documentaire scientifique sur l'optique à l'usine de gris, il n'y a alors plus que quelques pas.

 

La ville grise

Indirectement, sur un mode presque poétique, l'album dissèque les rouages d'un régime totalitaire, ou peut-être l'influence disproportionnée que pourrait avoir une entreprise digne d'un géant du net. Les ingrédients dystopiques sont rassemblés : la privation de liberté, l'endoctrinement, la propagande, l'espionnage, l'intimidation, la répression. Comme la novlangue mis en scène par George Orwell dans 1984, la palette de couleurs utilisables est ici réduite pour restreindre la capacité de pensée par eux-mêmes des citoyens. L'obscurantisme, donc. On pense évidemment aussi à un autre récit où la couleur a son importance : Matin brun de Franck Pavloff. A la fois aventure dystopique et récit poétique, cet album allemand signé Torben Kuhlmann s'apprécie pour son message et ses illustrations. On note qu'elles oscillent entre un charme intemporelle voire vintage (teintes utilisées, vêtements des personnages, télévision cathodique, téléphone à cadran...) et des éléments de modernité (graffiti, casque audio...).

 

Subtilement, l'auteur nous laisse percevoir différentes formes de résistance et de subversion : s'habiller comme on le souhaite, peindre un graffiti sur une façade, jouer et écouter de la musique, lire et faire circuler les livres, se forger une culture scientifique... Soyez donc sans crainte : le brouillard et les gaz d'échappement laisseront place aux arcs-en-ciel.

 

La ville grise
La ville grise
La ville grise

Publié le 12 Février 2024

Après la pluie

Aujourd'hui, ce n'est pas une journée ordinaire : Archibald, impatient, se prépare à partager un moment à jouer sur la plage avec ses amis Sam et Natacha. Il rayonne. "Les grands travaux peuvent commencer !" lance Natacha. Quelle satisfaction de bâtir une cabane entre amis avec l'océan pour horizon. Mais soudain, un char à voile heurte malencontreusement la fragile construction. Archibald sent la colère monter en lui. Puis se sent triste, une fois ses amis partis. Le lendemain, en se promenant, les parents d'Archibald, témoins attentifs de ces changements d'humeur, lui parlent des saisons qui passent et de la météo qui change. Ils lui indiquent que 𝑐ℎ𝑎𝑞𝑢𝑒 𝑒́𝑚𝑜𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑒𝑠𝑡 𝑛𝑒́𝑐𝑒𝑠𝑠𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑎𝑖𝑠𝑠𝑒𝑟 𝑝𝑙𝑎𝑐𝑒 𝑎̀ 𝑙𝑎 𝑠𝑢𝑖𝑣𝑎𝑛𝑡𝑒.

 

Dans une grande complémentarité entre le texte et l'image - car le texte ne sert pas à décrire l'illustration ni l'illustration à souligner le texte - le récit aborde le sujet de la gestion des émotions. Le propos est toujours aussi pertinent et doux. Le texte est peut-être un peu plus long que d'ordinaire dans cette collection. Le décor est plus caractérisé également : Archibald arpente les terres bretonnes au temps changeant, entre un bol d'air frais sur la plage et un goûter gourmand dans une crêperie. Le tout forme un album, comme d'habitude avec Astrid Desbordes et Pauline Martin, qui fait doucement grandir.

 

Après la pluie
Après la pluie
Après la pluie

Publié le 24 Janvier 2024

Stella, qu'est-ce qu'on va faire de toi ?

𝑀𝑒𝑟𝑐𝑖 𝑎̀ 𝑙𝑎 𝑚𝑎𝑖𝑠𝑜𝑛 𝑀𝑖𝑗𝑎𝑑𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑎𝑔𝑒 𝑑𝑒 𝑐𝑒𝑡 𝑎𝑙𝑏𝑢𝑚

 

Dans cet album aux magnifiques illustrations proches du crayonné, la couleur jaune illumine une blondinette prénommée Stella. Ses parents, ses grands-parents, ses oncles et tantes ont le sentiment de se reconnaître en elle et lui prédisent tour à tour un destin glorieux : danseuse étoile, astronaute, star de cinéma... Elle est au centre des préoccupations familiales et chacun lui fait preuve d'affection. D'affection certes, mais pas d'une réelle attention. Car ce que le lecteur peut observer au fil des pages ce sont les indices de couleur jaune égrainés par la petite fille sur sa véritable aspiration. Comment réussir à être soi-même quand ceux qui nous veulent du bien nous enferment dans des desseins qui ne nous appartiennent pas ? Stella a un prénom prédestiné qui signifie "étoile" mais souhaite briller à sa façon. Face à l'aveuglement des adultes bien intentionnés, toujours souriante et de bonne humeur, elle saura tout de même expliquer avec fermeté ce qu'elle veut vraiment. Cet album accessible à partir de 5 ans environ nous parle avec justesse d'épanouissement et d'affirmation de soi.

Stella, qu'est-ce qu'on va faire de toi ?
Stella, qu'est-ce qu'on va faire de toi ?
Stella, qu'est-ce qu'on va faire de toi ?
Stella, qu'est-ce qu'on va faire de toi ?

Publié le 20 Janvier 2024

Le voyage en parapluie

𝑀𝑒𝑟𝑐𝑖 𝑎̀ 𝑙𝑎 𝑚𝑎𝑖𝑠𝑜𝑛 𝑁𝑎𝑡ℎ𝑎𝑛 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝑝𝑎𝑟𝑡𝑎𝑔𝑒 𝑑𝑒 𝑐𝑒𝑡 𝑎𝑙𝑏𝑢𝑚

 

 

Le voyage en parapluie est un grand et bel album au titre doré qui allie une adorable histoire à un jeu d'observation, pour les petits à partir de 3 ans. Nous y retrouvons des personnages familiers : Max, son doudou Lapin et son amie Ginger qu'il a invité à dormir chez lui. Le papa de Max leur raconte l'histoire de l'ours Balthazar, un détective qui disparaît mystérieusement après une enquête. Max et Ginger décident de partir à sa recherche. Comme Mary Poppins, ils se laissent porter par leur parapluie à travers plusieurs décors. C'est alors aux petits lecteurs de jouer : en observant les pages, ils découvriront des détails, des personnages récurrents, ainsi que Balthazar et Lapin. Les illustrations sont doucement poétiques et d'une densité justement dosée. Elles nous font voyager de Broadway à Londres en passant par la jungle, la fête foraine ou encore les cuisines d'un grand restaurant. Astrid Desbordes et Pauline Martin nous font cette fois encore passer un bon moment de lecture partagée au plus près de la puissance d'imagination de nos enfants.

 

Publié le 7 Janvier 2024

Un mammouth dans le frigo

Voici un album trouvé à la médiathèque qui a fait mouche auprès de mes enfants. Le duo de choc Michaël Escoffier et Matthieu Maudet nous ravit une fois encore avec cette histoire (qui date de 2011) farfelue et pourtant si drôle. Nous avons pris beaucoup de plaisir à la lire à haute voix ! Il s'agit de l'histoire de Noé qui trouve un mammouth dans son frigo à l'heure du dîner. D'abord incrédules, les parents appellent les pompiers, qui courageusement ouvrent la porte et... laisse échapper le pachyderme ! Dès lors, que faire ? Et cet éléphant peureux, d'où vient-il ? Sans doute de notre imagination... Ce court album est loufoque, savoureux, et facilement accessible aux jeunes lecteurs autonomes. Un régal.