Publié le 28 Juin 2022

Il est de même indispensable de promouvoir la lecture. Elle est le meilleur moyen pour chacun d’aller au-delà de lui-même, d’aller à son rythme le plus loin possible.

Pap NDIAYE

Ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse

Message aux professeurs du 28 juin 2022

Publié le 28 Juin 2022

Ah ! Ah ! Même pas vrai !

Voici un récent album des désormais célèbres Simon et Gaspard ayant fait beaucoup rire mes loulous, qui se trouvent faire partie de la tranche d'âge idéale pour succomber au charme de ses farceurs protagonistes. Dans ce dernier opus, Simon a trouvé un nouveau jeu très marrant. Il dit quelque chose d'épatant, comme par exemple : "J'ai fait gagner mon équipe au foot en marquant 10 buts à moi tout seul", alors tout le monde répond : "Oh ! Bravo ! Super !", mais lui, aussitôt, rectifie : "Ah ! Ah ! C'est même pas vrai !". Son petit frère Gaspard ne perd pas une miette de sa tactique autorigolante et, bientôt, il décide que c'est à son tour de jouer... Le langage colle parfaitement à celui des enfants, les illustrations aux couleurs vives cernées de noir sont indéniablement attirantes et le tout est parfaitement malicieux et drôle. J'ai pris un sincère plaisir à surjouer les répliques des dernières pages !

 

La lecture de l'album en ligne

Publié le 26 Juin 2022

Je confonds tout !

Voici le dernier album en date d’Émilie Vast. Dans Je confonds tout ! le jeune Lapin Brun raconte une histoire à son ami Lapin Beige. Mais ce dernier pointe toutes les incohérences de Lapin Brun, qui a une fâcheuse tendance à confondre les animaux. Escargot et Limace, Abeille et Guêpe, Mouette et Goéland ou encore Pingouin et Manchot, Lapin Brun - tout comme le lecteur - a du mal à faire la différence. Mais après tout, Lapin Brun pourrait lui aussi apprendre des choses à Lapin Beige sur sa propre famille. En effet, qui sait si Jeannot Lapin ne serait pas un lièvre... ? Avec de l'humour et une tendre justesse, Émilie Vast nous fait encore une fois découvrir les caractéristiques des animaux, en particulier les différences entre des espèces animales souvent confondues. Ses illustrations stylisées aux couleurs douces et l'expressivité de ses mignons personnages nous charment toujours autant. Le travail de mise en abîme (le récit de Lapin Brun dans le récit de l'autrice) est à noter. L'album est instructif, drôle et la dernière page est un chouette clin d'œil à l'album Je veux un super pouvoir !

Je confonds tout !
Je confonds tout !
Je confonds tout !
Je confonds tout !

Publié le 9 Juin 2022

Samouraï

Primo-romancier au faible retentissement médiatique, Alan Cuartero est en difficulté depuis que sa compagne l'a quitté, pour un universitaire spécialiste de Ronsard, en lui reprochant au passage de ne pas écrire de roman "sérieux". Chargé par ses voisins de surveiller leur piscine le temps de leurs vacances, il se convint que l'occasion est belle de s'astreindre à une discipline de samouraï de l'écriture en rédigeant dix mille signes par jour sur cette terrasse idyllique. Il brillera sur les plateaux de télévision et Lisa se mordra les doigts d'avoir abandonné un écrivain adulé. C'était sans compter sur son couple d'amis qui s'est donné pour mission de lui dégoter une nouvelle amoureuse dans l'été ("Quand on tombe de cheval, il faut tout de suite se remettre en selle. Voilà la théorie de Jeanne et Florent. Et j'ai envie de leur répondre : sauf quand la chute entraîne un tassement de vertèbres"). Sans compter non plus sur la maman de son ami d'enfance fraîchement suicidé et les notonectes et batraciens envahissant soudainement la piscine pourtant chlorée. Malgré tout, Alan s'enthousiasme tour à tour pour les fraîches idées de romans qui lui viennent : un récit sur ses grands-parents, réfugiés espagnols, ou encore sur la mystérieuse disparition d'une joggeuse de sa commune... Fantasmant sur les futures critiques élogieuses de Claire Chazal et Télérama ("Un roman poignant sur la filiation, la transmission et la résilience [Pictogramme Bonhomme très enthousiaste]"), il en oublie d'écrire et se laisse submerger par l'eau de plus en plus verdâtre de la piscine et les cocasses imprévus du quotidien. On retrouve dans ce roman les caractéristiques propres à l'auteur : la narration à la première personne d'un gentil looser, l'humour cynique et les disgressions. Le présent de narration, introspectif, permet de rendre compte des proportions insensées et handicapantes que prennent les observations et cogitations du narrateur. On rit et glousse à ses dépends, manière de tenir éloignées nos propres faiblesses lues en miroir. C'est drôle à souhait. Mais attention à ne pas trop user les ficelles… A lire pour son regard décalé tant sur les événements anodins que sur le monde littéraire, et surtout pour sa auto-dérision réjouissante.

 

Je me visualise attablé sous le store, devant mon ordinateur, cintré dans un peignoir brodé de mes initiales, un thé à la menthe dans la main, une cigarette dans l'autre, le regard tendu vers l'œuvre. A l'instar des enfants qui se targuent d'avoir des chaussures qui courent vite, il me semble que cette terrasse pourrait écrire quelque chose de qualité.

Avec ce roman, il est simplement question de susciter chez elle une admiration qui, durant ces longs mois, lui a fait défaut, et tant pis si c'est trop tard. De manière un peu perverse, je veux qu'elle réalise à quel point elle est passée à côté de moi [...]. Je vais consacrer mon mois d'été à écrire un roman poignant, sensible et émouvant, réveiller mes démons, transformer mon chagrin en matière brute, descendre à la mine et en remonter le texte le plus beau, le plus bouleversant qui soit. Je vais plonger dans l'écriture avec l'acharnement et la concentration d'un guerrier samouraï, un chemin dont rien ne m'écartera, je vais m'astreindre à un rythme strict et physique, dix mille signes par jour, guidé par l'écriture et elle seule [...].

Voilà ce qui nous a toujours rapprochés, Florent et moi : le gène de la catastrophe auto-immune, une aptitude à se rendre la vie plus pénible encore sans la moindre aide extérieure. Un vrai don de Dieu.

Je vois bien que le type de Bricomarché ne me prend pas au sérieux [...] et son attitude transpire le racisme social, dans chacun de ses mots, de ses regards au loin, ce mépris de classe qui s'applique indifféremment du haut vers le bas et du bas vers le haut, je ne suis pas manuel, je suis un putain d'intellectuel, ça se voit, j'ai les mains trop propres, pas assez marquées, sans la moindre corne, si ça se trouve je suis un Parisien en vacances dans sa résidence secondaire, la totale.

Nous sommes là, tous les trois, debout au bord du bassin, mes voisins comme pétrifiés, leurs bagages posés à leurs pieds, fixant l'eau verte dans un silence hébété. Des camionnettes d'équipe de télé sont stationnées devant leur maison, de temps en temps on entend un journaliste les interpeller derrière le mur. Ils semblent perdus, visiblement ils cherchent à reconstituer ce qui a bien pu se passer entre leur départ en vacances et maintenant, et l'imagination la plus débridée ne suffirait pas à assembler les pièces du puzzle, et leurs yeux hagards semblent dire : depuis combien d'années sommes-nous partis au juste ?

 

D'autres titres déjà chroniqués sur le blog :

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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Publié le 2 Juin 2022

Comment faire lire les hommes de votre vie

Vincent Monadé, ancien libraire et ancien directeur du CNL, partant du constat que le lecteur est une lectrice, propose ici un court livre plein d'humour qui évoque la différence entre les hommes et les femmes dans leur rapport à la littérature. Au CNL, des études sur les pratiques de lecture des français sont réalisées depuis plusieurs années et font apparaître de manière constante que les décrocheurs sont les adolescents et les hommes. Les femmes continuent à lire tout au long de leur vie. En 2021, les grands lecteurs (20 livres sur support papier ou plus lus par an) sont à 63% des femmes (source). Les hommes lisent aussi, mais plutôt la presse ou bien des ouvrages à caractère utilitaire ou professionnel. J'en ai le parfait exemple à la maison. Pour recentrer leurs lectures dans une sphère de lecture "plaisir" et fictionnelle, Vincent Monadé propose dans son livre d'aiguiller les femmes vers des techniques leur permettant d'être de redoutables prescriptrices de livres pour leur compagnon, désigné par le terme très typé magazine féminin Chéri. L'approche frontale ("Tu devrais lire, tu ne sais pas ce que tu perds") est selon lui vouée à l'échec. Par de courts chapitres, il met en place une stratégie digne d'un coach sportif. Il énumère ainsi le chantage, la flatterie, le recours aux enfants (via l'histoire du soir), à sa propre mère, aux encouragements, ou même à la littérature érotique. Des suggestions de lectures à chaque fin de chapitre s'ajoutent à ses trucs et astuces pour amener les plus récalcitrants à s'intéresser aux livres et à sortir de la case de "non lecteur" dans laquelle leur jeunesse les a laissé. C'est parfois un peu trop caricatural, même sous couvert de l'humour, mais c'est au fond un véritable plaidoyer pour la lecture et les librairies (quid des bibliothèques ?). C'est aussi un hommage aux mères, par qui le goût pour la lecture est le plus souvent transmis et entretenu. C'est rapide et plaisant à lire.

Mesdames, mettez-vous dans la peau d'un entraîneur, d'un coach, de Didier Deschamps. Travaillez le foncier, les fondamentaux, la montée en puissance. Jean de Brunhoff n'ayant jamais écrit "Babar serial killer" ou "Babar contre les vampires", il ne s'agit pas non plus, entendons-nous bien, de commencer par la "bibliothèque rose". Chéri pourrait mal [le] prendre.

Vos enfants ont besoin de livres comme de manger et de boire, comme d'être vêtus et scolarisés. L'histoire du soir devrait faire partie de la déclaration universelle des droits de l'enfant. Un enfant auquel on raconte des histoires, qu'on endort le soir avec un livre, avec qui on partage un moment privilégié, a de bonnes chances d'être lecteur.