Publié le 22 Septembre 2022

Deux pour moi, un pour toi

Un ours et une belette s'apprêtent à partager un déjeuner. Au menu : de succulents champignons tout juste trouvés par l'ours et cuisinés par la belette. Oui mais voilà : il n'y en a que trois. Chacun en mange un, d'accord, mais comment faire avec le troisième ? Ils ont tous les deux de solides arguments pour se l'approprier...

 

On résiste difficilement à la drôlerie de cette album tant les dialogues sentent le vécu de disputes enfantines mêlant sens inné de la justice et solide mauvaise foi. "Je suis beaucoup plus grand que toi ! C'est pour ça que ma faim est beaucoup plus grande que la tienne !", "Mais j'ai dit en premier que mon estomac criait famine !". La solution au problème n'est pas énoncée, et c'est là tout le sel de l'album, ce qui permet de questionner les enfants sur ce qu'ils en pensent en refermant le livre. Les thèmes du partage, de la cohabitation, de l'amitié et de la rivalité sont tendrement abordés et offrent un album hilarant à ajouter dans la bibliothèque de vos jeunes lecteurs. Ah et au fait... il y a trois fraises pour le dessert !

 

Deux pour moi, un pour toi
Deux pour moi, un pour toi
Deux pour moi, un pour toi
Deux pour moi, un pour toi

Publié le 21 Septembre 2022

Nos voisins silencieux

Dixième album pour le personnage d'Archibald

 

 

 

Voici une nouvelle pépite d'Astrid Desbordes et Pauline Martin tout juste paru chez Albin Michel jeunesse. Un tendre album qui met de nouveau en scène Archibald, le petit garçon aux mille questions et aux cheveux couleur du beurre. Lorsqu'il sort de chez lui, Archibald croise souvent ses voisins. Il croise aussi beaucoup de monde en se promenant dans les rues du centre-ville avec sa maman ou encore à l'école. Il fait remarquer à sa maman que "𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑎 𝑛𝑎𝑡𝑢𝑟𝑒, 𝑐'𝑒𝑠𝑡 𝑡𝑟𝑒̀𝑠 𝑑𝑖𝑓𝑓𝑒́𝑟𝑒𝑛𝑡. 𝐼𝑙 𝑛'𝑦 𝑎 𝑝𝑎𝑠 𝑑𝑒 𝑏𝑟𝑢𝑖𝑡. 𝐶'𝑒𝑠𝑡 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑠𝑖 𝑜𝑛 𝑒́𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑠𝑒𝑢𝑙 𝑎𝑢 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒." Sa maman lui fait alors prendre conscience que les paysages qui s'étendent devant lui ne sont pas si désertés que cela. On observe, en même temps qu'Archibald, les abeilles qui préparent le retour du printemps, les arbres qui abritent les écureuils et les oiseaux, les petites bêtes qui contribuent à la bonne santé du potager, et même dans la nuit des lucioles et des chauves-souris. Le matin suivant, quand le petit garçon sort de chez lui, il croise ses voisins Abel, Anouk et Olga mais prête aussi attention aux voisins qu'il connaît moins et habitent la Terre à leur façon : les vaches, les papillons, le tilleul et le pinson.

 

Comme toujours, les illustrations de Pauline Martin contribuent à créer une atmosphère d'une joyeuse douceur qui semble concilier nature et habitat citadin dans une harmonie de couleurs pastels. Astrid Desbordes nous parle à nouveau très bien de notre place sur Terre et du respect et de l'attention que cela nécessite pour y cohabiter avec les animaux. Ils ne sont d'ailleurs jamais désignés comme tels mais appelés "voisins" ou "habitants". L'absence de langage chez eux est constaté à plusieurs reprises pour mieux souligner en creux leurs chants et leurs savoir-faire. Comme elle le fait dire à la maman d'Archibald : "𝐶𝑎 𝑛𝑒 𝑠𝑒 𝑣𝑜𝑖𝑡 𝑝𝑎𝑠 𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑡𝑒𝑟𝑟𝑒 𝑛𝑜𝑢𝑠 𝑠𝑜𝑚𝑚𝑒𝑠 𝑡𝑜𝑢𝑠 𝑟𝑒𝑙𝑖𝑒́𝑠. 𝐶𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑙𝑒𝑠 𝑓𝑖𝑙𝑠 𝑑'𝑢𝑛𝑒 𝑡𝑜𝑖𝑙𝑒 𝑑'𝑎𝑟𝑎𝑖𝑔𝑛𝑒́𝑒." C'est un album antispéciste qui souligne l'émerveillement que procure l'observation de la faune et de la flore et nous laisse de nouveau des étoiles dans les yeux devant le travail soigné de ses autrices.

 

Nous les humains, nous parlons fort et nous bâtissons haut. Mais il existe d'autres manières d'habiter la Terre.

Les abeilles, sans faire de bruit, préparent le retour des fleurs et des fruits. C'est grâce à elles que le printemps est si joli.

Les arbres abritent les écureuils et les oiseaux. Ils nous offrent leurs fruits, leur ombre, l'air que nous respirons.

Dans l'océan, Archibald voit un dauphin, des étoiles de mer et des crabes arlequins. Eux aussi se disent peut-être : "Tiens, un Archibald !" Chacun se regarde, et se fait un petit signe de loin. C'est normal, pense Archibald, on est polis entre voisins.

Nos voisins silencieux

Publié le 19 Septembre 2022

Le petit illustré de l'intimité (T.1 & 2)
  • Tome 1 : de la vulve, du vagin, de l'utérus, du clitoris, des règles, etc.
  • Tome 2 : du pénis, du scrotum, des testicules, du prépuce, des érections, etc.
  • Tome 3 : des conceptions, de l'adoption, des familles, de la parentalité, etc. 
  • Tome 4 : de la sexualité, de la contraception, des IST, du consentement, etc.

Bon, que dire de ces albums qui ont déjà tant fait parler d'eux ? Peut-être l'essentiel : en les ayant enfin entre les mains, il y a quelques mois de ça, je n'ai pas été déçue. Tout y était : fraîcheur, douceur, pertinence, inclusivité. A découvrir seul(e) ou accompagné d'un adulte à partir de 8 ans, pour comprendre son anatomie, celle de l'autre et la notion d'intimité. Outre l'anatomie, sont abordées les questions de puberté, de genre, de consentement, d'amour, de parentalité. Ni filtre ni tabou mais au contraire des éléments montrés et nommés clairement : des érections au clitoris en passant par les protections périodiques, les stéréotypes genrés ou encore le périnée. Chaque double-page magnifiquement illustrée est consacrée à un thème de façon moderne, claire et concise. En fin d'ouvrage se trouve un lexique, une page "contact" listant des associations ressources et aussi une invitation à se regarder pour prendre conscience de son propre corps, se connaître et s'aimer. Dans la lignée des deux premiers tomes est également paru le tome 3 Le petit illustré de l'intimité : des conceptions, de l'adoption, des familles, de la parentalité, etc. Ces livres ont reçu le label de la chair santé sexuelle et droits humains de l'UNESCO. Pour en savoir plus sur le parcours des autrices (Tiphaine Dieumegard, sage-femme, et Mathilde Baudy, professeur d'arts appliqués) et sur la conception et le contenu des différents tomes, vous pouvez vous rendre sur le site de la campagne de financement participatif ou sur leur compte Instagram. Le tome 4 est actuellement en cours de création, sur la sexualité, la contraception, les IST, le consentement, etc. et s'adressera d'avantage aux adolescents. 

 

Le petit illustré de l'intimité (T.1 & 2)
Le petit illustré de l'intimité (T.1 & 2)
Le petit illustré de l'intimité (T.1 & 2)
Le petit illustré de l'intimité (T.1 & 2)
Le petit illustré de l'intimité (T.1 & 2)

Publié le 15 Septembre 2022

Les bruits du souvenir

En résumant très vite : Claire se sépare de son conjoint pervers narcissique / violent / harceleur en même temps qu'elle perd sa mère et quitte son emploi d'enseignante. Le jour où elle vide l'appartement qui appartenait à sa mère, on lui livre un appareil photo commandé avant sa mort, qui contient une pellicule contenant quelques photos. Claire découvre aussi le journal intime tenu par sa mère lorsqu'elle était jeune. Elle part avec ses deux objets sous le bras et l'aide improbable de la gardienne de son immeuble pour changer de vie et se reconstruire.

 

Cette lecture était pour moi une découverte de Sophie Astrabie, qui à suivre sur Instagram est drôle et déculpabilisante sur la thématique de la maternité, mais dont le livre a manqué d'épaisseur pour moi. Je l'ai lu facilement, presque avec avidité, m'attendant à être enthousiasmée dans les derniers chapitres. Mais non. Plutôt frustrée. Tout ça pour nous dire que ce que l'on croyait vrai ne l'est pas. Je comprends ce qu'elle a voulu faire - brouiller les pistes et nous faire nous demander qui a écrit quoi dans tout ça - mais ça tombe à plat. La faute a des éléments superflus et peu crédibles. Surtout au début. Une écriture fluide mais assez ordinaire. C'est du feel-good improbable. Si vous aimez des histoires de résilience, de personnes qui changent de vie et s'aventurent dans des petits villages gorgés de gens authentiques et gentils, alors je vous propose plutôt de lire Tout le bleu du ciel de Mélissa Da Costa. Les bruits du souvenirs risque de peu à peu s'effacer de ma mémoire... pour autant, je salue son travail au-delà du livre : l'alimentation de son compte Insta, le choix de l'illustratrice pour la première de couverture, ses messages en réponse à nos questions quand on veut "tout savoir" !

 

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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Publié le 14 Septembre 2022

Simone Veil

Depuis 1975 en France, en grande partie grâce à Simone Veil, les femmes - nos sœurs, nos mères, nos amies, nos voisines - ont le droit d'avoir recours à l'avortement ou l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Ce droit fondamental permet d'avoir le choix et d'éventuellement renoncer à des grossesses non désirées. Aujourd'hui en France on estime que 33 % des femmes avortent au moins une fois dans leur vie. Mais des polémiques insensées autour de ce sujet existent toujours. En écho à l'actualité de santé publique américaine, j'ai ressenti la nécessité de me plonger en début d'été dans des lectures sur le droit à l'avortement. J'ai lu Les hommes aussi s'en souviennent, le discours de Simone Veil du 26 novembre 1974 suivi d'un entretien mené par la journaliste Annick Cojean en 2004 et d'un rapide historique de l'avortement, puis la bande dessinée Simone Veil : l'Immortelle qui entremêle de façon accessible son parcours adolescent pendant la Shoah et son combat politique au moment de défendre la loi pour l'IVG. J'ai adoré découvrir ces deux livres me donnant le sentiment d'enrichir mes connaissances et mes convictions de femme. J'ai également assisté en avant-première à la projection du film Simone, le voyage du siècle grâce auquel j'ai eu une vision incarnée de l'éventail de combats personnels et politiques menées par Simone Veil. Je pense notamment à son travail pour de meilleures conditions de détention des prisonniers et prisonnières. Le film n'est pas du tout construit de manière chronologique ; ce n'est donc peut-être pas évident à suivre pour les plus jeunes, mais c'est édifiant. Cela m'a donné envie de lire son autobiographie Une vie. Cette figure française, son parcours extraordinaire et exemplaire, mérite toute notre attention ; et ces lectures ne peuvent laisser les cœurs et les corps indifférents.