Publié le 31 Mars 2020

La pomme et d'autres fruits

En ces temps de confinement qui n'en sont pas moins printaniers, on relit des classiques hérités des étagères de chez papi et mamie. Ici un titre de la célèbre collection Mes premières découvertes de chez Gallimard jeunesse. Sa particularité : des pages transparentes qui stimulent la curiosité des 3-6 ans en montrant l'intérieur ou l'envers des choses. Ludiques, elles permettent de faire expérimenter des notions abstraites telles que l'envers et l'endroit, l'avant et l'après, le visible et le caché. Ici l'album consacré à la pomme nous parle de l'aspect de ce fruit, de son intérêt nutritif, de la façon dont il pousse. On assiste à l'évolution du pommier au fil des saisons puis on évoque d'autres fruits à pépins (kiwi, figue, poire, banane, pastèque, orange...) et à noyaux (pêche, cerise, prune...). J'adorais cette collection étant petite, mon fils moins. Question de génération ? En tout cas une jolie référence à proposer au printemps pour appréhender les changements à l'oeuvre dans la nature.

 

 

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Publié le 29 Mars 2020

La chaleur

Oscar est mort parce que je l'ai regardé mourir, sans bouger. Il est mort étranglé par les cordes d'une balançoire, comme les enfants dans les faits divers.

Ainsi commence, de façon déroutante, le premier roman de Victor Jestin. Ce jeune nantais d'origine fait une prometteuse entrée en littérature en nous proposant un roman moderne à l'ambiance prosaïque et pesante.

Le faux calme des pins, le fracas des vagues dont on sait bien qu'elles ont déjà tué [...]

Un camping lors d'une journée d'été caniculaire, voici le décor de l'histoire de Léonard, un adolescent de 17 ans en vacances dans Les Landes avec sa famille. Une unité de lieu et de temps : un cadre resserré pour un condensé à la fois trivial, pathétique et sensuel des élans de vie à l'oeuvre dans un camping du littoral. Léonard est à côté de ses tongs. Il peine à s’amuser et à se plier au conformisme divertissant imposé par les vacances en camping : oisiveté, festivités, corps huilés, parties de ping-pong ensoleillées et baignades salées... Un soir, il assiste à la mort accidentelle et presque burlesque d’Oscar, un garçon de son âge. Il n’intervient pas. N’empêche pas les cordes de la balançoire de se serrer ni le décès d’advenir. Il décide alors, de façon tout à fait irrationnelle, de transporter et enterrer le corps sous le sable de la plage. Le lendemain, chargé d’une implacable culpabilité, Léonard parviendra tant bien que mal à déambuler dans les allées du camping en pleine torpeur. Pire encore, il se rapprochera de Luce, l’ex de vacances d’Oscar, tout juste mort. L’atmosphère chargée et menaçante, mêlée à la juste description de la vie du camping, ainsi que l’écriture efficace, sont les points forts de ce roman. Le regard cynique de l’auteur est au service d'une intrigue oppressante et d'une certaine satyre sociale. La chaleur est un roman à la prose économe qui se lit d’une traite et nous fait perdre pied devant l’alternative offerte à l’adolescent : avouer l’impensable ou sauver sa peau ?

 

Le camping avait ses propres lois. Deux semaines de vacances, c’était une vie entière. On y arrivait comme on naît, pâle et seul. On en repartait dans un soupir de tristesse ou de soulagement comme on meurt. Les amitiés se faisaient, se défaisaient au détour des allées. Les coeurs s’enflammaient et se brisaient dans une même journée. J’avais vu quelque fois Luce et Oscar être amis, être amoureux, ou s’ignorer. Je marchais désormais avec elle comme si j’étais lui.

J'ai senti ma lèvre trembler et les larmes revenir du fond de la nuit dernière, rattraper leur retard. Peu de bêtises en dix-sept ans. Aucune véritable grosse bêtise. Je n'avais jamais triché, volé, frappé. Insulté rarement. La haine et la colère, je les avais accumulés sagement. Ce n'était pas un accident. J'avais laissé mourir Oscar. J'aurais pu le sauver et je ne l'avais pas fait. Ensuite, j'avais caché son corps. Je ne me rappelais plus pourquoi. J'aurais pu m'en aller. On l'aurait découvert au même endroit. On aurait vu les marques sur son cou et l'alcool dans son sang, on aurait noté l'heure du décès. Cela aurait jeté un froid tel que tout le monde serait parti, moi compris, loin d'ici. Mais je l'avais enterré. C'était ça, la vraie bêtise. J'avais consacré ma nuit à enterrer un mort.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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Publié le 26 Mars 2020

Écrire un poème, c'est découper en soi un morceau de silence
trempé de honte et d'inquiétude, puis on le fait sécher
sur une branche longue ou sur un fil tendu
entre deux maisons hautes,
le vent souffle dessus, le soleil l'entortille
et quand il est bien sec on l'offre à ceux qui savent
qu'un poète est à la fois un vieillard et une jeune fille.

Noir volcan

Romancière et poétesse primée (éditée chez Le Castor Astral à l'instar de Thomas Vinau), la jeune Cécile Coulon au blond visage d'ange et à la voix grave nous parle de sa terre natale, l'Auvergne, de coulées de lave, d'amour, de rupture, de manque, de solitude, de nature, de mort, de vie. C'est noir, vert, mouillé, parfois rude. Une poésie du quotidien et de l'intimité triste. C'est beau, presque organique. Assez mélancolique. Cécile Coulon offre des poèmes narratifs à la métrique moderne et libre, peignant des tableaux à partir de son vécu et de ses contemplations de paysages volcaniques. Elle défend une volonté de prise de recul, de douceur et même d'improductivité. Elle intitule ses poèmes "Tendrement", "Voix douce", "La douceur"... Elle dit "Je gronde" mais aussi ne "Rien dire" et "Apprendre à tomber". Bref, faire "De mon mieux" pour "épingler des étoiles au plafond des jours tristes".

 

Je pense que sang, morve, salive, cyprine,
glaires et sueur, je pense que croûtes, ongles,
miasmes et placenta font partie de ma propre vie.
Sans toutes ces choses qui vous ont tiré une grimace
de dégoût,
nous ne serions pas là.

Nous parlons de notre propre vie
car nous voulons qu'elle soit étincelante,
que son parfum soit enivrant
et que ces jardins impressionnent les visiteurs.
Mais il y a des rayures sur les carreaux,
une vieille odeur de rance en fin de nez,
et des feuilles mortes dans les allées.

Et ça ne fait rien.

Pour avoir une intelligence il faut d'abord se taire.

Interview dans Boomerang sur France Inter en novembre 2018

Publié le 25 Mars 2020

Bonne nuit, Monsieur Nuit

Voici un album jeunesse de Dan Yaccarino paru pour la première en France en 1998. Il est idéal comme lecture du soir avec les petits d'environ 3 ans. C'est l'histoire de Monsieur Nuit, qui se réveille chaque soir quand le soleil se couche derrière la colline. Il marche et remplit sa mission : préparer le monde à dormir. Il ferme les fleurs, apaise les animaux, veille sur les étoiles... Il ferme les yeux des enfants et souffle de jolis rêves à leurs oreilles. Puis, "quand le soleil commence à se lever, Monsieur Nuit se sent fatigué". Il suffit de baisser le volume de sa voix pour accompagner le calme insufflé par la lecture de ce livre et préparer tout en douceur l'arrivée du sommeil. Délicates et apaisantes, les phrases ondulent et s'accordent aux couleurs chaudes et enveloppantes des illustrations. On pourrait presque rapprocher ces dernières du fauvisme. Le personnage de Monsieur Nuit est à lui seul une jolie trouvaille poétique : une silhouette noire au costume étoilé tout en rondeur. Un bel album pour apprendre à se repérer dans le temps et à se préparer au sommeil.

 

Publié le 22 Mars 2020

Confinement : des ressources littéraires pour occuper les enfants

En ces temps de confinement, chacun va sortir la panoplie de jeux, déguisements, coloriages, activités créatives avec les moyens du bord, recettes à quatre ou six mains pour occuper les enfants. La toile fourmille de bonnes idées ! Pour ceux qui ont la chance d'avoir un jardin ou même un modeste balcon, pensez aussi au jardinage printanier et aux bulles de savon. En ce qui concerne le volet du langage et du maniement des mots chez les élèves de maternelles, voici quelques suggestions, sachant que les professeurs des écoles restent les premiers prescripteurs d'activités appropriées et en continuité avec le travail déjà fait en classe. Vous pouvez profiter d'une maison de la presse ouverte dans le quartier pour leur acheter un magazine jeunesse type Abricot, Les petits mondes de Petit Ours Brun ou autre, leur faire écouter des histoires sur la Fabrique à histoires, leur faire écouter des chansons / comptines. Les chanter avec eux pour faire travailler leur mémorisation. Vous pouvez aussi leur faire fabriquer des "marionnettes" mettant en scène certains personnages d'albums pour leur faire rejouer les histoires. J'évoquais cela dans l'article consacré à La sieste de Moussa. Il convient de lire et faire lire des livres à son enfant, évidement ! Il est temps de passer en revue toute sa bibliothèque. Mais si cela est déjà fait, voici quelques ressources utiles. Plusieurs organismes et maisons d'édition proposent en effet des contenus intéressants, spécifiquement du fait du confinement ou non, sur leur site web et/ou leurs réseaux sociaux.

 

Par exemple :

 

  1. Albin Michel jeunesse met une nouvelle lecture d'album en story Instagram chaque soir à 19h pendant la durée du confinement.
  2. L'école des loisirs propose chaque matin à 9h de nouvelles activités en ligne et des albums filmés également dans le cadre du confinement.
  3. Didier jeunesse propose des vidéos de livres lus sur sa page YouTube. Vous pouvez par exemple visionner l'histoire de La moufle (ci-dessous) et faire ensuite parler votre enfant : quels sont les personnages de l'histoire ? Que se passe-t-il dans cette histoire ?
  4. Flammarion offre l'accès numérique à des albums dans le cadre du confinement : Une graine de confiance pour Luna et Les trois petits cochons pour commencer.
  5. Audible stories participe à l'élan de soutien au confinement en offrant 21 titres gratuits pour petits et grands.
  6. Whisperies ouvre son catalogue dans le cadre de la période de confinement, en soutien aux familles, mettant ainsi à disposition des centaines d'histoires animées pour les enfants de la petite enfance à plus de 10 ans.
  7. À tester également : La grande histoire de Pomme d'Api mise en ligne chaque mois.

 

Pour les plus âgés (école primaire / collège), voici d'autres idées et ressources :

 

  1. France culture propose notamment l'écoute en ligne du ciné-concert Peter Pan ou le garçon qui ne grandissait pas mais aussi Les aventures de Mowgli ou encore Astérix et la Zizanie.
  2. France Inter propose Une histoire et... Oli : des contes pour les enfants de 5 à 7 ans.
  3. France Inter toujours propose Les Odyssées : un podcast sur de grandes figures de l'histoire pour les enfants de 7 à 12 ans.
  4. Le musée d'Orsay propose des promenades imaginaires sonores en ligne. À partir d'un tableau, l'auteure Béatrice Fontanel imagine des histoires.
  5. Pocket jeunesse, de même, nous offre la lecture de L'île, le nouveau roman-feuilleton de Vincent Villeminot.
  6. Dargaud n'est pas en reste et offre des lectures de bandes dessinées de son catalogue.
  7. Comme signalé plus haut : Whisperies ouvre son catalogue dans le cadre de la période de confinement, en soutien aux familles, mettant ainsi à disposition des centaines d'histoires animées pour les enfants de la petite enfance à plus de 10 ans et Audible stories participe à l'élan de soutien au confinement en offrant 21 titres gratuits pour petits et grands.

 

 

Vous avez repéré d'autres ressources intéressantes ?

N'hésitez pas à m'en faire part

pour que je complète la liste !

 

 

 

 

Publié le 21 Mars 2020

Dinogommettes

Voici un album grand format paru chez Actes sud en octobre dernier, à découvrir vers 4 ans. Ludique, il permet d'apprendre à compter en collant le nombre de gommettes approprié. Mon fils a adoré se prêter au jeu !

 

🦕🦖

 

Peggy Nille a le chic pour nous proposer des décors luxuriants et des couleurs irrésistibles. En y cachant des dinosaures, elle permet aux enfants de développer leur capacité d'observation. Ils apprennent également à manier les chiffres et enrichissent leur vocabulaire tout en s'amusant. On y apprend notamment grâce à la page récapitulative en fin d'ouvrage à repérer différentes espèces de dinosaures : du tyrannosaure au tricératops en passant par le stégosaure. "Quand 1 parasaure rencontrent 3 stégosaures, ça fait combien de dinosaures ?" : on repère les premiers cités, on additionne, on cherche les bonnes gommettes et hop, on colle ! Le papier est glacé et les gommettes repositionnables, ce qui permet d'envisager de profiter de l'activité si ce n'est à l'infini, du moins un certain nombre de fois. Le niveau de difficulté est croissant, passant de quelques dinosaures à une trentaine de créatures à chercher. Les décors en double-page sont très joliment colorés et riches de détails. Chacun a son ambiance chromatique, ce qui permet de ne pas se lasser et d'en prendre à chaque fois plein les yeux ! Les illustrations ne sont d'ailleurs pas du tout genrées. J'adore ce genre d'albums proposés aux enfants avec un vrai soucis d'exigence artistique : je ne peux qu'applaudir !

 

Dinogommettes
Dinogommettes