Publié le 29 Novembre 2022

Le flocon de Noëlle

Voici de nouveau un album sur le thème de 𝒩𝑜𝑒̈𝓁 paru en 2020. Il s'agit du récit d'un auteur-illustrateur dont on connait déjà très bien à la maison le personnage de Noé, ami des baleines. Avec le personnage de Noëlle, Benji Davies nous offre un conte de 𝒩𝑜𝑒̈𝓁 tout en douceur : une plongée dans le bleu sombre de la nuit, loin des histoires de cadeaux et de Père-𝒩𝑜𝑒̈𝓁. Il s'agit de l'histoire d'un flocon qui n'est pas rassuré à l'idée de tomber du ciel, poussé en tous sens par le vent, et qui par la suite, en voyant les merveilleuses vitrines des magasins décorées pour 𝒩𝑜𝑒̈𝓁, se prend à rêver de se poser au sommet d'un beau sapin. C'est aussi l'histoire d'une petite fille prénommée Noëlle qui n'a pas la chance d'avoir un si grand et beau sapin que ceux présents dans les vitrines et qui espère voir bientôt tomber la neige, pourquoi pas sur son modeste petit sapin décoré avec son grand-père et placé sur le rebord d'une fenêtre. Bien sûr, douceur, espoir et détermination seront les ingrédients qui permettront aux souhaits de se réaliser et au petit flocon et Noëlle d'irradier de bonheur. Les illustrations pleine page de Benji Davies nous séduisent tendrement et insufflent subtilement que la richesse ne se trouve pas dans la grandeur d'un sapin et la frénésie de consommation qu'il sous-tend mais plutôt dans les modestes moments partagés en famille, de façon à ce que chacun puisse s'émerveiller d'un flocon devenu une étoile.

 

Le flocon de Noëlle
Le flocon de Noëlle
Le flocon de Noëlle
Le flocon de Noëlle

Publié le 24 Novembre 2022

La belle nuit de Noël

Voici un tout petit album jeunesse au format carré paru en 2017 chez Nathan pour les jeunes enfants à partir de deux ans. Il s'agit de l'histoire du mignon petit Max (dont on connaît déjà Dans le ventre de maman, L'école ? Ah non merci !Et moi quand je serai grand, ou encore Le livre des problèmes et des solutions) et bien sûr de son fidèle doudou Lapin. Tous deux préparent 𝒩𝑜𝑒̈𝓁 avec fébrilité, en décorant le sapin avec Maman et en préparant des biscuits et un verre de lait pour le Père 𝒩𝑜𝑒̈𝓁 avec Papa. Max dépose ensuite ses chaussons devant le sapin et va au lit... mais il a bien du mal à trouver le sommeil ! Il parle avec Lapin et écoute d'une oreille attentive le silence relatif de la nuit. Et tout à coup, un bruit ! Serait-ce le Père 𝒩𝑜𝑒̈𝓁 ? Mais non, ce n'est qu'un oiseau auquel maman, Max et Lapin donnent quelques miettes de gâteau. Finalement, l'attendrissant petit blondinet finit par s'endormir. Le lendemain, au pied du sapin, il découvre un magnifique cadeau rouge et doré et une jolie plume bleu argenté. Fébrilité, curiosité, partage et magie de l'interprétation sont au rendez-vous pour faire le bonheur des petits.

 

La belle nuit de Noël

Publié le 22 Novembre 2022

Pour en voir plus, rendez-vous sur Instagram !

Pour en voir plus, rendez-vous sur Instagram !

Voici un album de 𝒩𝑜𝑒̈𝓁 qui nous plonge dans la douceur des fêtes de fin d'année comme il se doit. Les intemporelles et douces illustrations de Rebecca Harry, réhaussées de sur-impressions argentées, nous charment dès la couverture. L'autrice fait scintiller des éléments - tels que le fumet d'un gâteau, la vapeur d'un thé, la brillance d'une guirlande ou celle de la neige déposée sur des feuilles - pour mieux nous envelopper de la magie de 𝒩𝑜𝑒̈𝓁. L'histoire de Souricette et ses amis est mignonne à souhait. Souricette cherche un logis pour le réveillon de 𝒩𝑜𝑒̈𝓁. En chemin, elle croise Plume, Renardeau et Nounours. À chacun d'entre eux, en les voyant bien préoccupés par les préparatifs du réveillon, elle propose son aide. Elle prend ainsi plaisir à allumer un feu de cheminée, confectionner un gâteau et accrocher des décorations. Se faisant, le soleil descend à l'horizon et Souricette trouve in extremis un creux dans un tronc d'arbre lui permettant de s'abriter. Mais elle doit encore trouver de quoi se confectionner un lit. En revenant frigorifiée de sa sortie, elle a alors la surprise et le plaisir de découvrir ses nouveaux amis et leur décor de 𝒩𝑜𝑒̈𝓁 installé pour elle. Altruisme, générosité, persévérance, partage sont les belles valeurs mises en avant dans cet album - sans évoquer le Père 𝒩𝑜𝑒̈𝓁 et les cadeaux - dans une ambiance hivernale joyeusement ponctuée de houx, de bûches flamboyantes et de chocolat chaud.

 

Un toit pour Noël
Un toit pour Noël

Publié le 16 Novembre 2022

Compter jusqu'à toi

C'est l'automne. Saison à laquelle Élie Semoun, dont vient de paraître le premier roman, aime se comparer. Son court récit est celui d'une fugace histoire d'amour entre une jeune femme belle comme "un jardin d'été" prénommée Héloïse et lui. L'histoire d'un coup de foudre qui se fait rattraper par les affres du quotidien et les fantômes du passé. Un roman de soi forcément autocentré et une histoire d'amour qui, comme en général, se termine donc mal. On a malheureusement un peu trop l'impression d'assister à une séance de thérapie. D'entendre le refrain "je monte sur scène parce que j'ai besoin d'amour". Heureusement, Élie Semoun a une plume nuancée, sensible et poétique qui permet de relever le tout. On peut lui reconnaitre une justesse certaines des sentiments et des situations. C'est joli mais un peu triste. Cela mériterait de quitter le réel pour aller un peu plus avant dans la fiction.

 

"On ne vit qu'une fois", dit le proverbe. Et comme il a raison ! C'est une évidence mais il a raison, on n'a qu'une chance pour être heureux ou malheureux. Certains choisissent le malheur en se racontant des histoires de joie et de rires, mais vont droit dans le mur, un mur contre lequel ils se sont éclatés à plusieurs reprises et y retournent quand même allègrement, accusant la malchance. Probablement leur enfant intérieur décide-t-il qu'il est bien d'avoir des bleus, d'être un cabossé de la vie.

Je suis envieux de la bouffée de parfum qui va rester jusqu'au soir dans ton cou.

Le bonheur est sympa aussi. Avec lui, il est autorisé de dire des bêtises, de ne pas être intelligent ou grand philosophe. Tout l'intéresse car il aime le vrai. Il est franc, sincère, pas chiant du tout.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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Publié le 15 Novembre 2022

L'événement

Autre œuvre incontournable d'Annie Ernaux, adaptée l'année dernière sur grand écran, le récit autobiographique de son avortement clandestin au début des années 60. Annie Ernaux y décrit le plus fidèlement possible, en se basant sur des traces écrites (journal intime, agenda, carnet d'adresses...),  le parcours subit en tant que jeune étudiante pour avorter cette année-là, quatre ans avant la légalisation de la pilule contraceptive et douze ans avant la loi Veil. Elle est alors entourée, bien que laissée à elle-même, de son petit ami, d'un médecin, d'une faiseuse d'ange puis de sa voisine de chambre à l'université. Le récit, distancié, permet de mesurer les peurs et les humiliations auxquelles s'exposaient les femmes désirant avorter à cette époque. Il se fait témoin sociologique. Il dessine également des préjugés de classe. Mais ce récit témoigne bien sûr aussi d'un événement "𝒊𝒏𝒐𝒖𝒃𝒍𝒊𝒂𝒃𝒍𝒆" au sens de quelque chose d'important à l'échelle d'une vie, qui marque et transforme. Une sorte d'épreuve initiatique féminine, "𝒍'𝒆́𝒑𝒓𝒆𝒖𝒗𝒆 𝒅𝒖 𝒓𝒆́𝒆𝒍 𝒂𝒃𝒔𝒐𝒍𝒖". Cet événement signe la fin de l'insouciance pour Annie Ernaux, qui revient sur les circonstances de ce drame, cette "𝒆́𝒑𝒓𝒆𝒖𝒗𝒆 𝒐𝒓𝒅𝒊𝒏𝒂𝒊𝒓𝒆", des décennies plus tard, en le racontant mais aussi en le commentant, ponctuant son récit de parenthèses. La nuit de l'expulsion du fœtus est évidemment poignante, malgré la sobriété de l'écriture. C'est une lecture rapide et pourtant révoltante, qui permet de garder trace et mémoire de cette épreuve endurée par de multiples générations de femmes.

 

Il était impossible de déterminer si l’avortement était interdit parce que c’était mal, ou si c’était mal parce que c’était interdit.

(Il se peut qu’un tel récit provoque de l’irritation, ou de la répulsion, soit taxé de mauvais goût. D’avoir vécu une chose, quelle qu’elle soit, donne le droit imprescriptible de l’écrire. Il n’y a pas de vérité inférieure. Et si je ne vais pas au bout de la relation de cette expérience, je contribue à obscurcir la réalité des femmes et je me range du côté de la domination masculine du monde.)

Pour penser à ma situation, je n'employais aucun des termes qui la désignent, ni "j'attends un enfant", ni "enceinte", encore moins "grossesse", voisin de "grotesque". Ils contenaient l'acceptation d'un futur qui n'aurait pas lieu. Ce n'était pas la peine de nommer ce que j'avais décidé de faire disparaître.

Je n'avais pas imaginé avoir cela en moi. Il fallait que je marche avec jusqu'à la chambre.

Je l'ai pris dans une main - c'était d'une étrange lourdeur - et je me suis avancée dans le couloir en le serrant entre mes cuisses. J'étais une bête.

Nous ne savons pas quoi faire du fœtus. O. va chercher dans sa chambre un sac de biscottes vide et je le glisse dedans. Je vais jusqu'aux toilettes avec le sac. C'est comme une pierre à l'intérieur. Je retourne le sac au-dessus de la cuvette. Je tire la chasse.
Au Japon, on appelle les embryons avortés "mizuko", les enfants de l'eau.

[Elle] fait partie de ces femmes, jamais rencontrées, mortes ou vivantes, réelles ou non, avec qui, malgré toutes les différences, je me sens quelque chose de commun. Elles forment en moi une chaîne invisible où se côtoient des artistes, des écrivaines, des héroïnes de roman et des femmes de mon enfance. J’ai l’impression que mon histoire est en elles.

Je marchais dans les rues avec le secret de la nuit du 20 au 21 janvier dans mon corps, comme une chose sacrée. Je ne savais pas si j'avais été au bout de l'horreur ou de la beauté. J'éprouvais de la fierté. Sans doute la même que les navigateurs solitaires, les drogués et les voleurs, celle d'être allés jusqu'où les autres n'envisageront jamais d'aller. C'est sans doute
quelque chose de cette fierté qui m'a fait écrire ce récit.

J’ai fini de mettre en mots ce qui m’apparaît comme une expérience humaine totale, de la vie et de la mort, du temps, de la morale et de l’interdit, de la loi, une expérience vécue d’un bout à l’autre au travers du corps.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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Publié le 9 Novembre 2022

Regarde les lumières mon amour

Regarde les lumières mon amour, publié pour la première fois aux éditions du Seuil en 2014, explore une forme insolite, à mi-chemin entre l'essai et le journal de bord, et un sujet peu présent en littérature : l'hypermarché. Pour autant, on y retrouve l'écriture de l'intime d'Annie Ernaux ainsi qu'une fine observation du monde et des rapports socio-économiques. Annie Ernaux s'intéresse ici aux lieux, aux clients et aux personnels d'un hypermarché Auchan de la région parisienne. Sous forme d'un journal de bord tenu pendant une année, elle mêle descriptions, analyses, anecdotes et souvenirs personnels. On perçoit l'ambition sociologique assumée de l'autrice qui s'efforce de déshabituer son regard et le nôtre de ce lieu familier. Le style est clairement moins "littéraire" que dans ses autres livres. Dérives de la société de consommation, inégalités sociales, répartition sexiste des rôles dévolus aux hommes et aux femmes... Annie Ernaux met en évidence l'hypermarché comme produit de notre société et miroir de celle-ci, tel l'artiste américain Duane Hanson avec sa Supermarket Lady en 1970. Dans un entretien accordé aux éditions Flammarion en 2018 pour la parution de ce texte dans la collection Étonnants classiques, elle dit que le titre, phrase prononcée par une maman à sa petite fille dans l'hypermarché au moment de la période des fêtes de fin d'année, renvoie "à cette illumination de la marchandise, à sa séduction. Mais pas seulement : au besoin de beauté et de rêve, que ce lieu comble aussi." Le consumérisme induit suppose désir et frustration. C'est tout l'objet du livre d'Annie Ernaux, dans lequel on se reconnaît un peu, forcément.

Pas d'enquête donc ni d'exploration systématique donc, mais un journal, forme qui correspond le plus à mon tempérament, porté à la capture impressionniste des choses et des gens, des atmosphères. Un relevé libre d'observations, de sensations, pour tenter de saisir quelque chose de la vie qui se déroule là.

[J'ai] mesuré de plus en plus la force du contrôle que la grande distribution exerce dans ces espaces de façon réelle et imaginaire - en suscitant les désirs aux moments qu'elle détermine -, sa violence, recelée aussi bien dans la profusion colorée des yaourts que dans les rayons gris du super discount.

Parce que voir pour écrire, c'est voir autrement. C'est distinguer des objets, des individus, des mécanismes et leur conférer valeur d'existence.

 

Rédigé par Nota Bene

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