De pierre et d'os

Publié le 12 Mai 2022

De pierre et d'os

Après ma lecture du roman en vers Élise sur les chemins, j'ai poursuivi ma découverte de l'univers de Bérengère Cournut par son précédent et plébiscité roman De pierre et d'os. Aux abords du cercle arctique, une nuit, une fracture de la banquise sépare une jeune femme inuit de sa famille. Uqsuralik se voit livrée à elle-même, plongée dans la pénombre et le froid polaire. Elle n’a d’autre solution pour survivre que d’avancer, trouver un refuge. Commence ainsi pour elle, dans des conditions extrêmes, une véritable quête. D'abord seule avec ses chiens puis en intégrant des clans, elle devra survivre - à la faim, au froid, aux agressions animales et humaines - vivre et donner la vie. Le lecteur la suit ainsi sur de nombreuses années et est spectateur de ce qui lui arrive, des premières parties de chasse à l'initiation chamanique auprès de son second mari Naja en passant par des traumatismes (un viol notamment) mais aussi des instants de plénitude (comme les naissances de ses enfants : Hila, Nanok et Amaqjuat). Bérengère Cournut nous offre une immersion poétique dans l'âpre mode de vie des inuits. Leur existence nomade au cœur d'un blanc froid infini est rythmée par la chasse, la pêche, le dépeçage des animaux, la couture, la construction d'abris mais aussi les chants, les superstitions et rituels. Ils côtoient de nombreux animaux : phoques annelés, bélugas, narvals, morses, renards arctiques, ours, caribous, palourdes, etc. L'écriture, sobre et factuelle, ponctuée de vocabulaire inuit (amauti, tupilak, inukshuk...) et de chants, nous transporte dans une autre réalité envahie de glace et d'étoiles polaires. Pour autant, j'ai trouvé la narratrice, Uqsuralik, un peu trop distante, froide et résignée. La narration est lente et les digressions chantées pas toujours intéressantes. Le roman aurait peut-être gagné à être plus court, comme un condensé au service de la découverte de la communauté inuit et des paysages arctiques. Il aurait sans doute aussi gagné à faire transparaître plus d'émotions, d'autant que les thématiques de l'amour, de la féminité, de la maternité, de la sororité, de la transmission, de la filiation ou encore du deuil s'y prêtaient tout à fait. En s'accrochant un peu, on ressort malgré tout de cette lecture charmé, curieux et sensible aux énergies.

Soudain, l'un [des chiens] bondit vers moi. Je me jette sur un tas de neige pour lui échapper. Les autres grognent , les babines retroussées. Passé par-dessus ma tête, le chien a atteint l'endroit où je me tenais lorsque la banquise s'est fendue. Il est comme fou. Il grogne, il gratte, se déchire la gueule sur la glace. Il est en train de dévorer le sang coagulé qui s'est échappé de mon ventre.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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