Ma tempête

Publié le 12 Octobre 2023

Ma tempête

Voici l'histoire d'un homme, metteur en scène de théâtre, qui a appris que sa mise en scène d'une pièce de Shakespeare, faute de subventions, ne se fera pas. Il est donc au chômage. Le personnel de la crèche étant en grève, il garde sa fille dans leur appartement le temps d'une journée orageuse, pendant que sa compagne, enseignante, travaille. Unité de temps et de lieu, cinq actes et un entracte : telle une mise en abîme, le décor est planté. Le père, gorgé de frustrations professionnelles et de rancœur fraternelle, va improviser avec ferveur pour sa fille prénommée Miranda, comme le personnage féminin de la pièce, le récit dramatique de La Tempête de Shakespeare.

 

Les personnages et leur devenir nous sont racontés. Le récit se déploie tout en étant entrecoupé d'observations ou de réflexions : sur l'émerveillement que lui procure les réactions de sa fille, sur la considération relative dont bénéficie les acteurs culturels aujourd'hui, sur les conditions d'exercice des acteurs de l'époque élisabéthaine, etc.

 

Dans un premier temps, j'ai trouvé le propos original, bien écrit et amusant. En outre, il permet d'apprendre ou de réactiver des connaissances sur le théâtre de Shakespeare. On comprend bien que l'auteur a voulu soulever des questions qui lui tiennent à cœur : à quoi sert le théâtre ? A quoi servent les artistes ? Que laissent-ils à leurs enfants, aux autres, au monde ? En quoi faire entendre sa voix et dialoguer est-il important ?

 

Malheureusement, j'ai trouvé que la pièce s'éternisait et que les propos étaient parfois caricaturaux et plaintifs (sur le statut des intermittents du spectacle par exemple). On a l'impression que David se complaît dans son inaction. Dommage.

La mer est une enfant éclatant de rire au spectacle des bateaux en détresse. A des hauteurs vertigineuses, mousseuses et déchaînées, des vagues s'élèvent, tourbillonnent, s'enroulent, écument et s'ouvrent comme si elles obéissaient à un caprice espiègle. [...] La mer peut maintenant se calmer, d'autant plus que - dans le jeu - l'eau a giclé jusqu'au sol, le carrelage est trempé, il faudra passer un rapide coup de serpillière. L'enfant se relève, le divertissement est terminé, il n'était que la scène 1 de l'acte I, une bruyante et tumultueuse ouverture, géniale invention [...]

Sans vouloir psychologiser à outrance le théâtre de Shakespeare, cela serait très étonnant que ce bon vieux Will n'ait pas réalisé qu'il baptisait deux de ses plus antipathiques personnages des prénoms de ses propres frères.

Le monde ne s'écroulera jamais tout à fait tant qu'un enfant paisible dormira.

C'était son credo. Il confondait culture et amusement, comme beaucoup. Les politiques culturelles soumises à l'applaudimètre, rien sur l'éducation artistique, on donne aux gens ce qu'ils veulent, on ne cherche pas à enseigner, à développer la curiosité, à attirer les publics, à permettre l'expression d'une diversité, à soutenir la culture ; on reste dans le petit monde à paillettes du consensuel. La culture pensée comme un divertissement sans importance et jamais comme une émancipation, comme une émotion, et surtout pas comme un effort.

Pour connaître quelqu'un, il vaut mieux lui demander de révéler l'ensemble de ses masques plutôt que de le mettre à nu.

Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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