"Circulaire de mission, mon amour"

Publié le 6 Octobre 2008

Circulaire de mission, mon amour

[Les mots en gras sont tirés de la circulaire de mission du 13 mars 1986]

 

Circulaire de mission, mon amour,

Depuis 20 ans, j’ai toujours fait comme tu m’as dit. J’ai eu recours, comme tu me le recommandais si gentiment, aux nouvelles technologies. Avec les encouragements de Jean-Pierre Chevènement, j’ai remplacé mon antique machine à écrire contre un rutilant Thomson T07 (ordinateur que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître). J’ai jeté mes fiches cartonnées et j’ai acheté Memolog au CRDP de Poitiers. Puis cheveux au vent (ou du moins ce qu’il en restait), j’ai surfé sur le net.

Comme toi, Circulaire de mission, mon amour, j’ai été jeune et moderne. Avec les collègues, j’ai instauré un dialogue permanent. Les yeux dans les yeux, on travaillait main dans la main, en se serrant les coudes et, tu l’imagines bien, ce n’était pas toujours facile. Tu aurais vu comment nous « transversions » les thèmes, projetions les actions éducatives, développions l’autonomie, rénovions la pédagogie et même, tu vas rire, nous combattions l’échec scolaire.

Grâce à toi, Circulaire, mon amour, j’étais, comme tu l’écrivais, membre à part entière de l’équipe éducative. Et franchement, cela me faisait super plaisir d’être membre à part entière.

En même temps, je prêtais une particulière attention, tu me connais, à l’organisation de la mise à disposition d’éléments de documentation servant à la préparation d’expositions parfois en étroite collaboration avec la conseillère d’orientation. Tu vois, Circulaire, mon amour, je n’ai pas oublié ton goût pour les rimes en « ion ».

Comme tu me le conseillais également, j’ai ouvert l’établissement.  Je l’ai ouvert sur le local, le régional, le national, l’international, parfois même sur l’abyssal et le sidéral.

Tu voulais faire aussi du CDI un lieu de rencontres et d’échanges. Tu étais tellement innocente à l’époque, Circulaire, mon amour, tu ne te rendais pas compte des mots que tu employais. Les rencontres et les échanges, il y a des clubs spécialisés pour cela.

Et puis 20 ans ont passé. Tu n’as pas su évoluer. Tu as refusé les liftings. Tu as refusé le moindre petit ravalement. Maintenant j’ai bien peur que tu ne sois plus de ton temps. La preuve, tu continues à m’appeler documentaliste-bibliothécaire, tu ne sais pas, mon cœur, que je suis professeur.

Enfermées dans les classeurs poussiéreux du RLR, tes pages ont jauni. Tu sens le renfermé. Tu as plein de cheveux gris. Tu n’es plus aussi jolie. Tu as vieillie.

Une jeune va arriver, bientôt, pour te remplacer. Dans le cycle de la vie, il en est souvent ainsi.

Mais même si j’attends avec impatience son arrivée, Circulaire, mon ancien amour, crois-moi, je n’oublierai jamais que c’est toi qui a accompagné mes premiers pas dans ce beau métier.

P.S. : Avec le temps qu’elle passe dans la salle de bains à se préparer, je me dis qu’elle a intérêt à être canon, ma nouvelle circulaire de mission...
 

* * *


Texte de Jean-Marc David, professeur documentaliste dans un collège d'Epinay-sur-Seine (93). Tiré de la revue InterCDI n°202, numéro spécial de juillet/août 2006.

La circulaire de mars 1986
Le discours du ministre Lionel Jospin en 1989

Un texte à la fois ironique et d'une certaine poésie, que j'ai pris plaisir à découvrir. La nouvelle circulaire se fait bien attendre... mais certains disent qu'on sait ce que l'on perd, pas ce que l'on peut gagner. En tout cas, les fiches de révision sur les textes essentiels sont amorcées ! 

Rédigé par Nota bene*

Publié dans #J'ai étudié

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J
Chère Nota Bene,<br /> Je ne sais pas si je dois :<br /> 1- te gronder d'avoir mis mon article en ligne sans mon autorisation<br /> 2- te remercier de lui donner une seconde vie...<br /> Comme ton site est super joli, je choisis la deuxième option...<br /> Si tu veux des renseignements sur le métier tu peux me contacter à mon collège au 01 48 22 65 96 ou sur ma boite email. Cordialement. Jean-Marc David
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N
<br /> Je m'empresse de vous offrir ici mes plus plates excuses. En tant que future professeure documentaliste, il n'est en effet pas très<br /> judicieux d'avoir agi de la sorte. Le web n'est aucun cas une zone de non-droits, notamment en terme de droits d'auteurs, et je me dois moi aussi de me plier aux règles. Vous comprendrez qu'il<br /> n'était pas évident pour moi de vous contacter. Je me suis effectivement permise de le publier en prenant soin d'en préciser la source dans le but de le faire découvrir. Teinté d'humour et de<br /> tendresse, j'ai trouvé ce texte pertinent et agréable. Vous aurez bien compris mes bonnes intentions. Je remercie par ailleurs Pascal Duplessis de me l'avoir fait connaître... Bravo à vous et, à<br /> nouveau, mes excuses.<br /> <br /> <br />