Tout doit disparaître

Publié le 4 Octobre 2011

Un livre reçu dans la dernière commande du lycée et choisi pour sa thématique : la découverte de l'île de Mayotte. Nous avons en effet plusieurs élèves mahorais au lycée, qui reçoivent une bourse spéciale pour venir étudier en métropole. J'étais curieuse d'en savoir plus sur leur île et désireuse de permettre à d'autres de la découvrir.

 

Tout doit disparaitre

 

La quatrième de couverture :

"Hugo a suivi ses parents en poste pour quatre ans à Mayotte, petit bout de France perdu au coeur de l'océan Indien. Seul élève blanc de sa classe, il a du mal à s'adapter : les bidonvilles, la chaleur, la façon d'appréhender le monde, les relations amoureuses. Pourtant c'est au retour en métropole que le choc est le plus brutal. Frénésie des soldes, invasion des marques, publicités tapageuses et surconsommation... Au regard de ce qu'il a vécu sous les tropiques tout révolte Hugo et le dégoute. Il entre en résistance."

 

Mon avis :

Je referme ce livre enchantée et avec l'impression d'avoir lu deux histoires en une. Le récit se découpe en effet en deux parties : le séjour à Mayotte (chapitre "Le bout du monde") et le retour en métropole (chapitre "L'autre bout du monde"). Si le livre s'ouvre sur les pensées présentes (en italique) du narrateur, il se poursuit par le récit rétrospectif de son arrivée et de sa vie à Mayotte.

  • "Sur place, j'ai détesté Mayotte. Surtout, je n'ai rien compris à cette île. Et il a fallu que je la quitte pour me rendre compte combien elle m'avait changé. En bien, je crois, même si tout le monde, ou presque, pense le contraire." (p. 15)

Ce m'zoungou (c'est de cette façon que les mahorais désignent un blanc) aura du mal à trouver sa place sur l'île. Il sera aidé par la documentaliste de son collège, une m'zoungou marriée à un mahorais. Elle continuera d'ailleurs à jouer pour lui un rôle de confidente avisée lors de son retour en métropole. Elle lui dira dès leur première rencontre :

  • "Tu vas vite te rendre compte qu'il y a deux catégories d'expatriés : les nouveaux, et les autres. Et les nouveaux, dont ta famille est le plus frais arrivage, sont toujours accueillis à bras ouverts parce qu'ils permettent aux autres de passer pour des durs à cuire." (p. 34)

Sa vie à Mayotte sera l'occasion pour Hugo d'appréhender le monde différemment, d'apprendre sur lui-même et sur les autres, sur les relations familiales, amoureuses, sexuelles. Je n'en dirai pas plus sur sa rencontre avec Zaïnaba, jeune mahoraise de 16 ans, qui le bouleversera...

  • "Même si, comme me l'avait dit Françoise, la société mahoraise était adolescente, la vie à Mayotte allait m'apprendre que l'adolescence était un luxe que les enfants de l'île n'avaient ni le temps ni les moyens de s'offrir." (p. 42)

Lorsque le jeune adolescent reviendra en métropole, il se sentira à nouveau en décalage, en marge, perdu :

  • "A mon retour, en plein hiver, j'ai eu autant de mal à me réadapter à la vie métropolitaine que j'en avais eu à trouver ma place dans la société mahoraise. Les premiers temps, j'avais l'inconfortable sensation de ne plus être nulle part. [...] Sans doute avais-je grandi trop vite, à Mayotte, même si là-bas, je m'étais finalement comporté comme un gosse. Trop immature pour Mayotte, trop mûr pour Béthune ? Je flottais entre deux eaux : ni triste, ni gai, ni en colère, ni résigné. Flottant. A coté de moi-même et des autres." (pp. 85-86)

Puis, bien vite, Hugo sera de plus en plus écoeuré et révolté par une société de surconsommation dans laquelle il ne se reconnait plus :

  • "Extérieurement impassible, visiblement détaché de tout, je vivais intérieurement, secrètement, une véritable fièvre." (p. 98)

Ici, l'auteur nous livre des pistes de lecture, évoquant Ravage de René Barjavel, IGH de James Graham ou encore Mendiants et orgueilleux d'Albert Cossery. Hugo, après bien des lectures suggérées par sa documentaliste préférée et des recherches sur Internet, entrera finalement en résistance dans un mouvement "anti-pub", dans lequel agit une certaine Charly. Il la verra lors de leur première rencontre en train de maquiller une affiche montrant :

  • "Une femme au bord de l'orgasme parce qu'elle venait de manger un yaourt." (p. 132)

Le récit tout comme les personnages sont tout à fait crédibles, l'évolution de chacun (en premier lieu de Hugo mais aussi de sa mère, de sa soeur...) particulièrement intéressante. Le lecteur assiste à une crise d'adolescence certes, mais surtout à une prise de conscience déstabilisante. Le narrateur mèle avec justesse et finesse les questions sur l'enfance, l'adolescence, la vie future qui attend Hugo, la place que l'on souhaite tenir dans la société, les concessions qu'elle peut impliquer, la mort (avec un passage touchant sur le grand-père d'Hugo), la surconsommation, le déséquilibre socio-économique mondial, la pauvreté mahoraise, le tourbillon culturel que représente chaque société, la sensualité et l'amour, la révolte, la liberté...

Un livre à ouvrir sans hésiter et qui me fera sans doute revenir vers un ouvrage de Mikaël Ollivier afin de découvrir davantage son oeuvre. Il m'aura permis, comme je le souhaitais, d'appréhender quelque peu la vie mahoraise. Par ailleurs, je pense l'intégrer à la sélection "Se libérer des écrans" (projet pour une classe de Seconde) en raison de ses références aux images publicitaires.

 

Plus d'infos sur :

Les éditions Thierry Magnier

 

 

Ollivier, Mikaël.

Tout doit disparaître

Ed. Thierry Magnier

Coll. Romans

2007/158 p.

 

Rédigé par Nota bene*

Publié dans #Je lis

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C
<br /> <br /> Je viens de me promener dans votre blog par curiosité et j'ai vu que vous aviez organisé des séances info-doc pour des élèves de DP, et que vous aviez également des problèmes de connexion et de<br /> financement. J'appartiens à une association (valorisation de l'enseignement technique) qui a financé l'an dernier des initiatives en matière d'information et d'orientation. J'aimerais pouvoir<br /> vous aider, en remerciement, mais je ne suis pas habituée aux blogs (65 ans !). Y a-t-il une adresse où je peux vous envoyer des infos ?<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Je doute qu'il soit utile de me remercier ! Pour me contacter sous une autre forme que les commentaires, vous pouvez m'envoyer un mail grâce au formulaire de contact présent sur la droite du blog<br /> (dans le module "Présentation", cliquer sur "contact").<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> <br /> Merci d'avoir attiré mon attention sur ce livre qui m'intéresse énormément pour la similitude de la situation que vivent en ce moment mes petits-enfants. Je cours l'acheter tout de suite.<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Ravie de vous l'avoir fait découvrir !<br /> <br /> <br /> <br />
H
<br /> <br /> Il me tente beaucoup, même si je n'ai que des petits campagnards des alentours du collège :)<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> <br /> Rien n'empêche de s'y plonger quand même. <br /> <br /> <br /> <br />