Publié le 20 Avril 2020

Max et les Maximonstres

Je vous présente aujourd’hui un album jeunesse incontournable : un classique qui à son époque, dans les années 60, a révolutionné la littérature pour enfants. Son auteur Maurice Sendak a donné à voir une partie du fonctionnement de l’inconscient enfantin et a proposé un travail d’illustration dynamique original.

 

Il s’agit de l’histoire d’un petit garçon prénommé Max. Un soir, Max enfile son costume de loup et fait de multiples bêtises. Envoyé au lit sans manger par sa maman, il part aux pays des monstres où il devient roi. Après une fête "épouvantable", il envoie ses sujets au lit. Resté seul, il a soudain une "terrible" envie d’être aimé. Une bonne odeur de cuisine achève de le convaincre : il décide de retourner chez lui. Il retrouve sa chambre où son dîner est servi.

 

Le costume de loup est évidemment une image significative des émotions en jeu chez le petit garçon : un trop plein d’énergie et un besoin de se confronter à l’autorité parentale lui font faire des bêtises. Puis, la sanction type (au lit sans manger) le fait atterrir dans sa chambre. Il dégaine alors une ultime provocation : "Je vais te manger" ! Une fois au calme dans sa chambre, l’imagination (le rêve ?) fait son œuvre. Une forêt pousse, des lianes pendent du plafond, et un bateau emporte notre petit protagoniste au pays des monstres. Dans un lieu différent mais aussi une toute autre temporalité car "le soir, les jours étaient comme des semaines". Il devient le roi des Maximonstres, une couronne posée sur sa tête. Il me semble que de façon intuitive, peut-être inconsciente, les enfants saisissent bien que le port de ce costume est jubilatoire mais surtout provisoire. À la fin du récit, Max commence à se départir de son costume d’animal sauvage.

 

Le texte, comme le titre de l’album, bien que plutôt économe, offrent des allitérations savoureuses : des "ks" et des "r" qui roulent et griffent gentiment. Les illustrations foisonnantes figurent des monstres inquiétants mais pas réellement effrayants. Elles prennent de plus en plus de place au fil des pages, jusqu’à éliminer totalement le texte, au paroxysme de la fête. Puis, la raison se faufile un chemin, à l’instar du texte qui se développe à nouveau de page en page, jusqu’à ce que deux uniques petits mots symbole de la sécurité affective et de la douceur maternelle clôturent le récit.


Tous les ingrédients sont réunis pour en faire une belle lecture, à partir de 3 / 4 ans environ. À se procurer dans le rayon jeunesse de toute bonne bibliothèque.

 

Publié le 15 Avril 2020

Les choses humaines

Le confinement sanitaire vécu en ce moment a au moins le mérite d'ouvrir le champ des possibles littéraires. J’ai donc enfin pris le temps de lire le dernier Goncourt des lycéens. Une fois n'est pas coutume, je vais rédiger ma critique sous forme de liste. En ouvrant ce livre, vous découvrirez :

 

  • ℒ'𝒽𝒾𝓈𝓉𝑜𝒾𝓇𝑒 𝒹'𝓊𝓃 𝒸𝑜𝓊𝓅𝓁𝑒 𝒹𝑒 𝓅𝑜𝓊𝓋𝑜𝒾𝓇. Jean est un célèbre journaliste politique français. Son épouse Claire est une essayiste connue pour ses engagements féministes. Ensemble ils ont un fils, étudiant dans une prestigieuse université américaine. Tout semble leur réussir. Mais une accusation de viol va faire vaciller cette parfaite construction sociale.
  • 𝒟𝑒𝓈 𝒻𝒶𝒾𝓉𝓈 𝒹𝑒 𝒻𝒾𝒸𝓉𝒾𝑜𝓃 𝒷𝒾𝑒𝓃 𝓅𝓇𝑜𝒸𝒽𝑒𝓈 𝒹𝑒 𝓁𝒶 𝓇𝑒́𝒶𝓁𝒾𝓉𝑒́ et de l’actualité sociale et médiatique, faisant pleinement écho aux révélations liées aux #metoo et #balancetonporc des mois précédents. L'auteure s'est par ailleurs grandement et librement inspirée du procès dit "de Stanford".
  • 𝒟𝑒𝓈 𝓇𝑒́𝒻𝓁𝑒𝓍𝒾𝑜𝓃𝓈 𝓂𝓊𝓁𝓉𝒾𝓅𝓁𝑒𝓈, 𝓈𝒶𝓃𝓈 𝓅𝒶𝓇𝓉𝒾 𝓅𝓇𝒾𝓈, sur des sujets brûlants : le viol, le harcèlement sexuel, la "zone grise", l’emballement de la machine médiatico-judiciaire, la célébrité et ses faux-semblants, la détermination sociale, le lien entre justice et moralité... L’auteure nous fait envisager les différentes facettes de la réalité d’un drame à travers le prisme de la vérité de chacun des personnages. C'est vraiment bien vu.
  • Qu’en tant que lecteur, passez un bon quart du roman qui sert à présenter les personnages et le contexte, vous êtes 𝒹𝒶𝓃𝓈 𝓁𝒶 𝓅𝑒𝒶𝓊 𝒹’𝓊𝓃 𝒿𝓊𝓇𝑒́ 𝒹’𝒶𝓈𝓈𝒾𝓈𝑒 𝒶𝓈𝓈𝒾𝓈𝓉𝒶𝓃𝓉 𝒶𝓊 𝓅𝓇𝑜𝒸𝑒̀𝓈 𝒹’𝓊𝓃 𝒿𝑒𝓊𝓃𝑒 𝒽𝑜𝓂𝓂𝑒 𝒶𝒸𝒸𝓊𝓈𝑒́ 𝒹𝑒 𝓋𝒾𝑜𝓁. Dès lors, on ne peut que se poser la question de la façon dont se positionner judiciairement parlant face à ce drame et ces multiples informations. Tout est retranscrit : les témoignages, les plaidoiries, etc. C’est parfois troublant, toujours instructif et intéressant.
  • 𝒰𝓃𝑒 𝒾𝓃𝓉𝓇𝒾𝑔𝓊𝑒 𝒷𝒾𝑒𝓃 𝒸𝑜𝓃𝓈𝓉𝓇𝓊𝒾𝓉𝑒. Un premier tiers un peu long mais une suite addictive dès lors qu'on nous rapporte l'implacable cheminement judiciaire.
  • 𝒰𝓃𝑒 𝓅𝓇𝑜𝓈𝑒 qui amasse malheureusement les détails biographiques au détriment de vecteurs émotionnels. Un peu 𝒻𝒶𝒹𝑒 𝓂𝒶𝒾𝓈 𝒻𝓁𝓊𝒾𝒹𝑒.
  • 𝒟𝑒𝓈 𝓅𝑒𝓇𝓈𝑜𝓃𝓃𝒶𝑔𝑒𝓈 𝓅𝒶𝓇𝒻𝒶𝒾𝓉𝑒𝓂𝑒𝓃𝓉 𝒸𝒶𝓇𝒶𝒸𝓉𝑒́𝓇𝒾𝓈𝑒́𝓈, au point d'avoir la mine figée de dégoût à la lecture des agissements de Jean Farel notamment. Des ressorts intimes superbement mis en scène.
  • 𝒰𝓃 𝒹𝑒́𝒸𝑜𝓇𝓉𝒾𝒸𝒶𝑔𝑒 𝒹𝑒𝓈 "𝒸𝒽𝑜𝓈𝑒𝓈 𝒽𝓊𝓂𝒶𝒾𝓃𝑒𝓈" 𝓂𝑜𝒹𝑒𝓇𝓃𝑒 𝑒𝓉 𝓅𝓁𝑒𝒾𝓃 𝒹𝑒 𝒿𝓊𝓈𝓉𝑒𝓈𝓈𝑒.

 

Rédigé par Nota Bene

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Publié le 9 Avril 2020

Merci aux éditions Albin Michel jeunesse

 

pour le partage du nouveau roman de Caroline Solé

 

La fille et le fusil

Résumons : Lou se sent invisible. Elle vit avec sa mère et sa grand-mère près d'une route que jamais personne n'emprunte. Au lycée, elle n'a pas d'ami et subit les brimades de ses camarades. Elle ne rêve que d'une chose : partir. Un soir, l'incroyable se produit : Phœnix, le garçon sur qui elle fantasme depuis des semaines, la raccompagne chez elle. Ce même soir, un homme politique célèbre frappe à sa porte. Alors qu'ils s'apprêtent à repartir tous les deux, sans elle, Lou force le destin : elle braque sur eux un fusil. Cette prise d'otages, c'est un geste désespéré. La célébrité désabusée, le garçon idéaliste et la lycéenne révoltée peuvent-ils réussir à s'écouter ?

Voici le dernier roman en date de Caroline Solé dont le dernier ouvrage Akita et les grizzlys édité par L'école des loisirs a été proclamé Pépite du Salon du livre jeunesse de Montreuil en décembre dernier. Ici, comme l'indique la première de couverture, le lecteur va tenter de comprendre se qui se cache au fond des yeux de Lou, jeune et rousse lycéenne en proie à un certain mal être. Bon, autant le dire tout de suite, cette lecture ne fera pas date pour moi. L'histoire semble peu vraisemblable, les raisons qui poussent Lou à agir aussi diverses que peu crédibles. J’ai eu du mal à la comprendre et à m’y attacher vraiment. J’ai trouvé la narration trop scénaristique, peut-être en partie à cause de l'emploi de la troisième personne, et l'écriture, parfois touchante, accumule les poncifs ("le cheval de fer", "la terre gorgée d'eau"...). Globalement, je le trouve un peu trop marketé adolescents : avec un personnage principal en proie à un certain mal-être, une solitude et une recherche de reconnaissance, avec la question de l’éveil politique, avec une happy end tirée par les cheveux... Ceci étant souligné, je me dois de nuancer mon propos : il y a aussi de beaux passages (comme ceux évoquant le père de Lou), une amorce de réflexion sur les pouvoirs militant et politique et j’ai plutôt aimé le personnage positif de Phœnix.

 

Rédigé par Nota Bene

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Publié le 7 Avril 2020

Licorne

🌈 𝑩𝒐𝒏𝒋𝒐𝒖𝒓 𝒎𝒆𝒔 𝒍𝒊𝒄𝒐𝒓𝒏𝒆𝒔 ! 🦄

 

Loin de moi l'idée de m'adresser à vous de cette façon. Il s'agit du salut de Maëla, alias 𝒎𝒊𝒔𝒔𝒎𝒂𝒆𝒍𝒂𝟗𝟖, la narratrice de Licorne, le premier roman de Nora Sandor. Licorne, comme une promesse d’arc-en-ciel et de vie plus belle. L’herbe paraît souvent plus verte ailleurs et les souvenirs filtrés par 𝑰𝒏𝒔𝒕𝒂𝒈𝒓𝒂𝒎 plus scintillants. C’est ce que ressent Maëla, Emma Bovary des temps modernes.

 

Étudiante en fac de lettres sans passion ni ambition, travaillant en supermarché pour financer sa colocation avec l’indolente Marilou, elle rêve d'une autre vie. Elle se fantasme influenceuse beauté. Un jour, le rappeur Mowgli dont elle est complètement fan la désigne gagnante du concours organisé pour lui trouver une figurante dans son prochain clip. Ce coup de projecteur va lui valoir un nombre d’abonnés démentiel en très peu de temps. C’est la consécration. Des marques vont la démarcher. Elle s’endette alors pour investir dans du matériel adapté (écran vert, projecteur, logiciel de montage vidéo...) afin d’honorer ses partenariats. Elle est invitée à Paris, y rencontre BodyMax, youtubeur fitness aux millions de vues. Entre eux va naître une idylle un brin particulière, ponctuée de baisers au bout d’une perche à selfies qui seront coupés au montage. Prise dans les filets de la virtualité et du paraître, Maëla ressent une profonde mélancolie. Elle est peu à peu désabusée et rêve de se fondre dans la figure de Baloo, l’ours domestiqué du rappeur qu’elle adore. Maëla est une jeune fille sans aucun réel soutien : père absent, mère qui s’avère défaillante, colocataire plutôt indifférente, ex lâche et égoïste, enseignante quelque peu hautaine et blasée... Elle est vulnérable et particulièrement influencée par la recherche et l’affichage de perfection à l’œuvre sur les réseaux. Elle est gavée de mantras (on devrais-je dire #quoteoftheday) tels que "Rome ne s’est pas bâtit en un seul snap" (citation du roman), "Je fais de mes obstacles des opportunités" et autres "Soit l’énergie que tu veux attraper" (non extraites du roman).

 

Virulente satire des réseaux sociaux et en particulier d'Instagram, Licorne décrit avec justesse et cynisme le monde virtuel contemporain fait de recherche de reconnaissance, de jeux de pouvoirs et d'influence. J’ai lu le roman assez rapidement, curieuse du propos développé. J’ai malheureusement été confrontée à des longueurs. J’ai trouvé la trame narrative un peu trop linéaire, sans tension dramatique forte. Les personnages manquaient de caractérisation. Surtout, j’ai eu du mal, les pages se tournant, à digérer l’omniprésence absurde du personnage de Baloo. La fin est brumeuse, comme si l’auteure se refusait à nous livrer la morale de sa fable. Ou peut-être est-elle celle du Livre de la jungle : en réalité "il en faut peu pour être heureux" ? Pour autant, ma moue  perplexe à la fermeture du livre s’est estompée et je garde du roman le souvenir d’une satyrique intelligence. Le propos est intéressant et même vraiment très bien vu.

 

Licorne est donc un premier roman déroutant et original sur la thématique du désœuvrement, du manque de confiance en soi et de la grotesque recherche de reconnaissance sur les réseaux sociaux. Une écriture ciselée et moderne à découvrir.

 

 

Licorne

Rédigé par Nota Bene

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Publié le 5 Avril 2020

Mes premiers mots à toucher : les véhicules

Un album reçu en cadeau il y a plusieurs mois déjà mais dont j’avais oublié de rendre compte ici ! Un imagier aux illustrations légèrement en relief et parfois texturées (la voile du bateau en tissu, la fusée miroir...) qui permet à bébé d’acquérir le vocabulaire des véhicules. Du plus banal et proche de son quotidien, la poussette, au plus extraordinaire, la fusée, en passant par les traditionnelles vélo, voiture, train ou encore bateau. Un album sans grande originalité et qui aurait mérité une logique d’approche des matières plus poussée. Pour autant, un joli imagier, dont on n’a jamais trop dans la bibliothèque de bébé !

Publié le 3 Avril 2020

Spot chez papi et mamie

Relecture des classiques hérités des étagères de chez papi et mamie encore et toujours. Le célèbre petit chien Spot est ici en visite chez son papi et sa mamie : l'occasion pour lui de jardiner et jouer avec son papi, écouter sa mamie lui lire une histoire et parfois aussi de faire quelques bêtises. Le texte est économe, à la portée des plus petits, et souvent sous forme interrogative. Les réponses aux questions ("Tu as déjà faim, Spot ?", Tu viens m'aider au jardin, Spot ?"...) se trouvent sous des volets à soulever, rendant l'enfant acteur de la lecture et apportant une dimension ludique à l'album. De plus, les réponses prennent la forme de bulles, sensibilisant l'air de rien aux codes graphiques de la bande dessinée. À la fin de la journée, après le goûter, la maman de Spot revient le chercher : "Alors, Spot, tu as passé une bonne journée avec papi et mamie ?" lui demande-t-elle. "C'était super ! Et regarde ce que j'ai trouvé !" répond Spot. Sans que ce soit formulé, la séparation de l'enfant avec ses parents est ici dédramatisée. À l'inverse, l'importance de partager des moments intergénérationnels et de transmettre un certain héritage familial est illustrée par le ballon appartenant à la maman de Spot retrouvé dans le jardin. Les illustrations simples et colorées séduiront sans mal petits et grands : une lecture à partager sans hésiter.