𝑅𝑜𝓈𝑒, 𝓇é𝓊𝓃𝒾𝑜𝓃𝓃𝒶𝒾𝓈𝑒 𝒶𝓊𝓍 𝒸𝒽𝑒𝓋𝑒𝓊𝓍 𝒸𝓇é𝓅𝓊𝓈, 𝓇ê𝓋𝑒 𝒹𝑒 𝓁𝑒𝓈 𝒶𝓋𝑜𝒾𝓇 𝓁𝒾𝓈𝓈𝑒𝓈. 𝒞𝑜𝓂𝓂𝑒 𝐵𝒶𝓇𝒷𝒾𝑒, 𝒸𝑜𝓂𝓂𝑒 𝒮𝒶𝒾𝓁𝑜𝓇 𝑀𝑜𝑜𝓃 𝑒𝓉 𝒸𝑜𝓂𝓂𝑒 𝐵𝓇𝒾𝓉𝓃𝑒𝓎 𝒮𝓅𝑒𝒶𝓇𝓈. Qui en plus sont blondes. Petite, c'est d'abord la souffrance qu'implique le coiffage quotidien de ses cheveux par sa maman qui la met en colère. Ses frères aux cheveux courts, eux, n'ont pas ce problème. Lorsqu'elle découvre que l'on peut les lisser, elle est aux anges. Le jour de sa profession de foi, autorisée par sa mère à les lisser pour l'occasion, "pour la première fois de [sa] vie, [elle est] belle". Pour son entrée au collège, elle ne veut plus "être coiffée comme une petite fille" et lisse ses cheveux chaque dimanche. Mais sa nature la rattrape au fil de la semaine et engendre les moqueries de ses camarades. Le jour où un chewing-gum est collé dans ses cheveux, elle n'a pas d'autre choix que de se raser. Dès lors, elle devient une lycéenne qui a le sentiment d'avoir perdue sa féminité. Avec l'obtention de son baccalauréat arrive le moment de s'envoler pour la métropole. Pour se conformer aux normes sociales, elle est prête à tout, quitte à gommer son identité métissée. Elle cache d'abord ses cheveux courts sous des bérets et chapeaux. Puis fait diverses tentatives de passage chez des coiffeurs "classiques" ou "afro". Un long parcours semé de plaisirs et de peines, de edge control et de box braids.
𝐿𝑜𝓊 𝐿𝓊𝒷𝒾𝑒 𝑒𝓍𝓅𝓁𝑜𝓇𝑒 𝓁𝑒 𝓈𝓊𝒿𝑒𝓉 𝒹𝑒𝓈 𝒸𝒽𝑒𝓋𝑒𝓊𝓍 𝒶𝒻𝓇𝑜 𝑜𝓊 𝓂é𝓉𝒾𝓈𝓈é𝓈 𝓆𝓊'𝑜𝓃 𝓅𝑒𝓊𝓉 𝒶𝓊𝓈𝓈𝒾 𝒶𝓅𝓅𝑒𝓁𝑒𝓇 𝒸𝒽𝑒𝓋𝑒𝓊𝓍 𝓉𝑒𝓍𝓉𝓊𝓇é𝓈. Entre récit de vie plus ou moins autobiographique et enquête, elle propose une bande dessinée sur l'identité et l'acceptation de ses origines. Mais on touche aussi au sujet du sexisme. De la dysmorphophobie. Et même du harcèlement scolaire. Et évidemment au racisme. Les pages sont remplies à la fois de tendresse et de colère. Le tout est démêlé au fur et à mesure et rendu fluide, drôle et passionnant. Déjà sensibilisée par mes lectures (des albums jeunesse L'afro doux de Maïssanou et Comme un million de papillons noirs et de la BD Mes cheveux crépus dans la revue Topo), j'ai appris encore beaucoup grâce à cette bande dessinée signée Lou Lubie (dont j'ai déjà lu Et à la fin, ils meurent et Goupil ou face). Elle a ici le chic pour mettre en scène de riches apports d'informations tout en faisant transparaître beaucoup d'émotion. On apprend, en vrac et sans exhaustivité, qu'il existe une catégorisation (pas une hiérarchie !) de texture des cheveux, pourquoi la nature (notamment l'épaisseur) des cheveux n'est pas la même selon l'origine ethnique, que L'UNESCO a classé le défrisage parmi les séquelles psychologiques de la traite négrière (et que 81% des enfants afro-américains souhaiteraient que leurs cheveux soient lisses), la façon dont s'est peuplée l'Île de la Réunion, qu'il existe une discrimination professionnelle des coupes afro, qu'émerge en France depuis quelques années le mouvement Nappy (terme qui signifie "crépu" en anglais mais qui a été détourné en contraction de "natural and happy"), etc. Le titre de la BD est à dessein doublement significatif : comprendre et "dompter" ses cheveux texturés c'est aussi comprendre et assumer pleinement ses origines.
J'ajoute à cela la très bonne idée de la magnifique couverture en relief, texturée comme les cheveux. Dernier argument s'il en fallait encore un pour vous inciter à ouvrir cette formidable bande dessinée. 𝒥𝑒 𝓈𝓊𝒾𝓈 𝓈𝑜𝓊𝓈 𝓁𝑒 𝒸𝒽𝒶𝓇𝓂𝑒 et je sais déjà qu'elle se retrouvera bientôt sous le pied d'un sapin.