Un incontournable tout juste réédité et enrichit :

 

 

 

La quatrième de couverture :

 

"Pour les chats, j'étais au courant. J'avais dû me débarrasser du mien qui avait eu la mauvaise idée de naître blanc, taché de noir. C'est vrai que la surpopulation des chats devenait insupportable et que, d'après les scientifiques de l'Etat national, il valait mieux ne garder que les bruns. Pour les chiens, ça m'avait surpris un peu plus..."

 

 

Mon avis :

 

Cela fait 16 ans que le texte de Franck Pavloff circule entre les mains des prescripteurs du livre et des lecteurs. Cela fait 16 ans que ses mots ont entamés un voyage dans plus de 25 pays, véhiculant non pas une morale mais une réflexion profonde sur la montée du totalitarisme et des extrémismes. Il est aujourd'hui à juste titre réédité et enrichit d'illustrations percutantes, passant d'une sorte de fasicule marron au petit format qu'on imagine se transmettre sous le manteau à un véritable album au format carré et à la couverture rigide. Dans ce nouvel ouvrage, le travail d'illustration est à mon sens parfaitement réussi : moderne, captivant et ayant pour but d'ouvrir à une interprétation artistique plutôt que de chercher à expliquer le propos du texte. C215, de son vrai nom Christian Guémy, est un pochoiriste parisien qui cherche à peindre sur des objets de recyclage ou du mobilier urbain des personnages colorés (des enfants, des laissés-pour-compte, des anonymes...) afin de poétiser la ville. Il a récemment rendu hommage "au courage et à la tolérance" de la Garde des Sceaux Christiane Taubira en réalisant son portrait sur un mur de Vitry-sur-Seine. Ainsi, les portraits proposés pour accompagner le texte de Franck Pavloff (français d'origine bulgare) possèdent, à l'instar de celui présent sur la première de couverture, des regards poignants dont on se détache difficilement. Ils contribuent à nous faire réfléchir sur la responsabilité individuelle face à la banalisation de l'intolérance.

 

Crédit AFP / Thomas Samson / Christian Guémy

 

Mais venons-en au propos du livre. Nous suivons les pensées d'un personnage ordinaire : Charlie. Un jour, dans un futur que l'on devine assez proche, l'Etat interdit aux citoyens de posséder un chat qui ne serait pas brun. Puis c'est au tour des chiens n'arborant pas un pelage de couleur brune d'être supprimés. Personne - Charlie et son copain pas plus que les autres - ne dit rien. Face à des arguments scientifiques et au désir de ne pas faire de vagues, pour avoir la paix, comme tout le monde, Charlie et son ami se débarrassent de leurs animaux de compagnie. Mais la volonté régalienne ne s'arrête pas là et les choses finiront mal. La logique qui se met en place tout au long du récit est colorée d'absurdité et pourtant implacable. On ne peut s'empêcher de se demander : et moi, à leur place, aurais-je réagit ? C'est la conclusion à laquelle arrivera Charlie : "Après tout, il était à moi mon chat, comme son chien pour Charlie, on aurait dû dire non." Bref mais intense, cet apologue incontournable, accessible à tous, est à mettre entre toutes les mains pour faire en sorte que le message de Franck Pavloff se diffuse : "Ni couleur imposée ni pensée unique, nos matins seront libres."

 

 

Plus d'infos sur :

 

Littérature audio pour accéder à une lecture audio gratuite

France inter avec une interview de Franck Pavloff

C215 pour découvrir le travail de l'artiste urbain Christian Guémy

 

 

15e album !

 

 

Pavloff, Franck.

Guémy, Christian.

Matin brun

Ed. Albin Michel

2014 (pour la présente édition)/1998 (pour le texte)