Fin de saison
Publié le 10 Février 2021
Voici le dernier roman en date de Thomas Vinau, sur une thématique qui a de l'avenir : le survivalisme. Un roman espiègle qui met en scène un anti-héros burlesque et pathétique à la Fabrice Caro. C'est bien différent de ce que j'avais pu lire de Thomas Vinau jusqu'à présent (Ici ça va ; Comme un lundi : carnet de bord assis tout au bord du temps ; C'est un beau jour pour ne pas mourir : 365 poèmes sous la main).
Alors, de quoi ça parle ? D'un film catastrophe qui s'ancre dans la réalité de Victor, compagnon de Madeleine et père de leurs deux enfants. Comme il le dit lui-même : "Le sujet c'est que le monde est parti en sucette". Il était chez lui, "à traîner sans bouger" quand "tout a commencer à finir". Une tempête s'est levée et une "putain de poisse dégueulasse a commencé sa dégoulinade du ciel. [...] Dehors les arbres se déracinaient, le monde s'écroulait, la moitié de la cuisine était déjà éventrée par les bourrasques et inondée de merde grise et glacée". Le Déluge. Victor-Noé prend alors sous son bras, chien, lapin et kit de survie et plonge dans la cave juste avant que l'escalier ne se remplisse de combles. "C'est la fin du monde ! Dehors c'est assourdissant. La planète se fait déchirer en deux, mâchouiller par la mort." S'ensuit alors un temps indéfiniment long où, entre quatre murs, Victor va devoir survivre et, aidé - ou pas - par l'alcool, quelque peu philosopher.
J'ai aimé l'humour burlesque omniprésent, ponctué de références plus ou moins pop (NTM, Victor Hugo, Mike Horn, Charles Bukowski, Games of Thrones, etc), les quelques réflexions plus sincères et poétiques, l'idée même de l'intrigue. J'ai moins aimé la verve souvent vulgaire du personnage, l'équilibre qu'on sent difficile à tenir pour l'auteur de ménager son effet sur une longue distance comme celle du roman. En cela, le format de la nouvelle aurait peut-être été plus approprié. Ce que j'en retiens : un plaisant moment à sourire des bons mots du personnage et à s'imaginer comme lui coincé entre quelques litres d'alcool et une hypothétique fin du monde. Juste des bémols au niveau du ton et du suspens moyennement bien entretenu. Ben oui, on le devine, que la fin du monde après un magistral mais non moins simple grain, c'est juste dans sa tête...
À lire pour rire de nos angoisses parfois démesurées et relativiser !
C'est une de ses magnifiques journées de janvier ou de février. Lorsque le froid et la lumière vont si bien ensemble, que le bleu immaculé du ciel paraît figé par la glace, que tout semble à sa bonne place, au repos.
Si le monde n'existe plus, le temps n'existe plus. Je ne sais pas combien d'heures, de jours ou de semaines. Combien d'années, combien de siècles, combien d'instants. Je ne sais pas et je m'en fiche. Ma conscience se transforme en caillou et le temps disparaît. Cono et moi, nous nous fossilisons. Nous devenons immortels, intemporels, comme une trace de pas sur la lune. Là-haut les galaxies passent l'aspirateur pour nettoyer les dernières poussières d'étoiles de notre règne.
[Dans le monde d'après] On garde le vent dans les arbres, les frites et les asperges sauvages. Les cerises et le rhum vieux. On garde les débardeurs qui dénudent les épaules bronzées des filles, les pétards dans le champ de blé pendant la nuit des étoiles filantes, le frisson des gouttes de pluie dans le cou, la mode des mini-shorts en jean. On garde les chaînes de cinéma classique, le fromage et les boîtes à livres gratos. On élit Calvin et Hobbes président intérimaires avec Jean-Pierre Marielle en consultant. Et puis la meuf de Games of Thrones là avec les cheveux blancs. Y a moyen de se goupiller un truc réglo.
L'amour, on devrait se faire pousser une femme à l'intérieur, comme les escargots, ça permettrait d'écouter l'autre autant qu'on s'écoute, d'y porter attention autant qu'on se branle l'ego.