Home body

Publié le 27 Avril 2021

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Ces derniers temps, le genre poétique se renouvelle et se modernise, notamment grâce à des jeunes femmes engagées présentes sur les réseaux sociaux. Outre la française Cécile Coulon, on peut citer l'afro-américaine Amanda Gorman, la canadienne d'origine indienne Rupi Kaur, ou encore Kae Tempest, britannique, figure du spoken word, qui se définit comme "non-binaire". Elles ont en commun des thèmes tels que l'amour, la rupture, l'amour de soi, la résistance aux injonctions. Touchant un public plus jeune, des éditeurs les mettent en avant ou développent des collections pour accompagner ce phénomène, à l'instar de la récente collection Iconopop chez L'Iconoclaste.

 

La poésie très contemporaine de Rupi Kaur s'est fait connaître sur Instagram. Elle est parfois qualifiée d'Instapoetry. Ses poèmes sont assez reconnaissables et diffèrent peu les uns des autres : ils sont plutôt courts, sans majuscule, sans ponctuation, et sont accompagnés d'une illustration minimaliste au trait fin. Ses thèmes de prédilection, outre ceux cités plus haut, sont la maltraitance, les violences sexuelles, le racisme, les racines familiales et culturelles, la liberté à disposer de son corps, la sororité. Dans son troisième et dernier recueil en date publié en France chez Nil éditions, Home body, ses poèmes sont organisés en quatre parties intitulées : esprit, cœur, repos, éveil. De l'ombre de la dépression et de la culpabilité à la lumière de l'amour, Rupi Kaur nous fait partager son voyage intime à travers le temps et les émotions pour enfin arriver à célébrer l'acceptation de soi. Entre le journal intime et les maximes de sagesse indienne, sa poésie résonne d'espoirs féministes. Sa prose est claire et simple, tout comme ses dessins, loin de l'idée d'une poésie absconse et élitiste. J'ai même trouvé ça presque "trop" simple parfois. Je n'aurais pas rechigné à un soupçon d'exigence supplémentaire. Ceci dit, c'est une poésie où les douleurs et espoirs intimes rejoignent une certaine universalité féminine : une lecture belle de simplicité, de modernité et de combats pacifistes larvés.

 

la dépression est silencieuse
tu ne l’entends jamais venir
et soudain elle est
la voix la plus bruyante dans ta tête

tu as l'air fatiguée, dit-il
je me tourne vers lui et dis
oui je suis épuisée
je combats la misogynie depuis des décennies
comment veux-tu que j'aie l'air autrement

la productivité n'est pas la quantité
de travail que j'accomplis en une journée
mais ma capacité à équilibrer
ce dont j'ai besoin pour rester en bonne santé


- être productive c'est savoir quand se reposer

donne-moi des rides du sourire et des rides tout court
je veux des preuves des histoires drôles que nous avons partagées
graver les lignes dans mon visage comme
les racines d'un arbre qui s'enfoncent plus profondément
à chaque nouvelle année
je veux des taches brunes en souvenir
des plages où nous nous sommes allongés
je veux faire comme si je n'avais
jamais peur de laisser le monde
me prendre par la main
et me montrer de quoi il est fait
je veux quitter cet endroit en sachant
que j'ai fait avec mon corps
autre chose qu'essayer
de lui donner une apparence parfaite

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Rédigé par Nota Bene

Publié dans #Je lis

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